Ces violences étaient connues de tous et perpétrées depuis des années.

J’étais cheffe louveteaux à l’époque des faits (début des années 2000, j’avais 17 ans). Les abus avaient lieu chez les Eclaireurs et Pios. Durant les réunions hebdomadaires, chez les éclaireurs, les chefs demandaient régulièrement aux animés de faire des pompes dans la boue. La plupart des chefs éclaireurs étaient comitards.

Lors de la qualification, au camp, à l’âge de 13 ans, mon frère a subi des violences physiques et psychologiques : avec les futurs qualifiés, il a du séjourner dans la feuillée (le trou dans lequel les animés, chefs et intendants se soulagent durant les 10 jours que dure le camp) durant plusieurs heures pendant que ses aînés lui déféquaient dessus. On lui a demandé de clasher des excréments sur ses copains. Il a du ramper dans une rivière, l’épreuve s’arrêtait lorsque l’éclaireur commençait à pleurer de douleur, il a du mimer des relations sexuelles devant ses chefs, entendre "tes parents sont des bourgeois, tes sœurs sont des pétasses…" de la part de ses chefs.

Ma soeur, quant à elle, a subi des violences durant sa totémisation au camp Pios. L’une des pionnières, dans le cadre des épreuves, lui a dit des insanités sur notre famille. Elle a du manger des choses non identifiables.

Lorsque j’ai appris les violences faites à l’encontre de mon frère, j’ai décidé de quitter l’unité en expliquant pourquoi aux parents de mes louveteaux. Cheffe louveteaux, pas ancienne de l’unité j’ignorais complètement ces abus, ce n’était pas un sujet de conversation, c’était su, mais tu. Je ne pouvais pas cautionner, participer à cela. J’aurais eu le sentiment d’envoyer mes petits louveteaux vers l’enfer. Hors de question !

Suite à ma "lettre de démission", j’ai eu des retours agressifs de certains parents m’expliquant que je ne comprenais rien au scoutisme, que je ne voulais que détruire une unité dans laquelle leurs enfants avaient trouvé refuge, s’épanouissaient… qu’eux aussi avaient vécu cela et qu’ils en avaient ri, ça avait permis de renforcer les liens entre eux et qu’aujourd’hui encore, devenus adultes, ils étaient unis (ces gens sont des gens lettrés, éduqués, pour une grande partie universitaires, certains sont médecins, dentistes…). Ils m’ont dit que je manquais de discernement.

Mes parents ont fait du bruit autour de cette affaire. Pierre Scieur, le président de la Fédé de l’époque, est venu nous rencontrer à notre domicile pour nous entendre et nous assurer que la Fédé prenait cela au sérieux mais que "vous comprenez bien, avec des dizaines de milliers de jeunes, nous ne pouvons pas tout contrôler". P. Scieur a "sanctionné" les chefs en les suspendant pendant 1 mois (soit le mois d’août, mois durant lequel il n’y a pas de réunions scoutes puisque ce sont les secondes sessions). Une seule autre famille a retiré ses enfants de l’unité scoute à la fin de l’été. Nous avons rapidement compris que ces violences étaient connues de tous et perpétrées depuis des années.

Ces violences subies par mon frère à l’âge de 13 ans ont eu un sérieux impact sur notre famille. Il était tellement dégoûté d’être resté dans la merde la feuillée… "Je suis une merde" a été, longtemps, la seule manière qu’il avait pour se décrire. Il a eu besoin d’un suivi psychologique pendant plusieurs années.

Il est clair, que suite à ce trauma, JAMAIS, je ne laisserai l’un de mes enfants fréquenter ce type de mouvement. Ils ont l’âge pourtant et le projet scout, en soi, est vraiment top.

Scout toujours ? Le mur de témoignages

De mars à août 2023, Médor s’est penché sur les mouvements de jeunesse belges et leurs débordements.
Sur ce mur de témoignages désormais clôturé, vous pouviez partager votre expérience. Ensemble, vos témoignages nous ont permis de comprendre comment se mettent en place des dérives. Les conclusions de cette enquête participative sont à retrouver sur medor.coop/scouts

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