Nous sommes choqués par la façon dont s’est déroulé le camp

Voici un témoignage adressé aux chefs de notre unité il y a deux ans après un camp catastrophique. Il est basé sur des faits relatés par 3 jeunes (mes deux filles de 12 ans à l’époque et une amie à elles) :

« Nous avons des inquiétudes par rapport au déroulement du camp :

- Ambiance générale

* Peu d’activités : jeux souvent annulés à cause de la pluie

* Désaccords entre les animateurs devant les animés

* Aucune évaluation/debriefing pendant le camp, alors que c’est normalement une pratique chez les scouts

- Sécurité

* Lors des promenades, les animateurs ne veillent pas sur les jeunes (exemple : nos filles de 12 ans se sont perdues à l’arrivée au camp par manque d’encadrement)

* Lors de la totemisation : crise d’angoisse d’une jeune + 2 jeunes perdent connaissance

* Certaines animées sont rentrées dans une voiture lors de drop

* Manque de présence des animateurs (exemple : Accrobranche où les animées font l’aller-retour à pied seules et les chefs y vont en voiture le long d’une grand route)

- Intégration des nouvelles non adéquate

* Hiérarchie organisée entre les membres des différentes années

* Les 1ères sont corvéables pour les tâches « ingrates » (exemples : nettoyage feuillée, la masse pour les constructions) et ne peuvent pas participer aux tâches valorisantes (ex : construction/brelage)

- Totémisation

* Trop long et trop tôt dans le camp : durée = 4 jours + commence quand l’acclimatation des jeunes n’est pas faite

* Animées mises sous stress exagéré/poussées à bout

* Sommeil perturbé et réduit :

Dans de mauvaises conditions : les totémisées dorment trempées sur une bâche dehors

Réduit au maximum : réveil à 5h du matin, faux totem donné à 1h30 du matin, réveil le lendemain en pleine nuit pour le vrai totem qui n’est donné qu’à 7h du matin le lendemain aux dernières animées

* Repas trop légers ou mauvais qui ne leurs permettent pas de tenir (exemple de repas : tartines moutarde/poivre, attachées entre elles pour manger du porridge aux oignons au petit déjeuner, ½ saucisse et une orange, des légumes uniquement)

* Pompes/abdos à un rythme exagéré

* Très souvent les yeux bandés pour mettre les jeunes sous stress

* Une jeune fait une crise d’angoisse, deux autres jeunes perdent connaissance. Aucune explication n’est donnée aux autres jeunes qui stressent de voir leurs pairs dans ces états.

* Humiliations/brimades

Assises en tailleur dos droit avec obligation de regarder le sol pendant des heures (6h d’affilées)

Paroles/actions blessantes/dégradantes :

Exemples de paroles : « est-ce que tu te trouves intelligent ? » avec obligation de répondre non, « tu pleures comme un petit cochon », surnom moqueur, « c’est nul ton totem » lors de la remise du faux totem, « mets ton sourire en poche », moquerie sur les faiblesses des jeunes comme le défaut de prononciation de l’une ou le surpoids d’une autre

Exemples d’actions : Jeu de quilles où les totémisées sont des quilles : le but est qu’elles se fassent mal entre elles, course à cloche-pied entre totémisées avec paris des animateurs sur la plus nulle, la plus forte,…

Intimidations (exemple : de retour du drop : « vous allez regretter d’être montées dans la voiture d’inconnus » ou « on va prévenir la fédération scoute et tu vas signer que tu as fait une erreur », « Tu dois faire 10 pompes : tu les fais ou tu les donnes à quelqu’un »)

Ronde vulgaire exigée chez des jeunes de 12 ans (reprise des baptêmes étudiants : « j’ai, j’ai,… j’ai quelque chose de pointu qui me rentre dans le cul et qui m’empêche de marcher »)

Pendant ces activités, les animateurs sont couchés sur des transats et mangent des bonbons

* Manque de sens

Pas de lien entre les épreuves et l’intégration dans la troupe ou le dépassement de soi

Pas d’explication/debriefing sur les épreuves passées

Pas d’explication sur les totems donnés : les totémisées ne savent pas pourquoi elles ont reçu tel animal comme totem

* Ressenti de nos filles

Pas de sécurité ni d’accueil dans la troupe

Certains animateurs prennent du plaisir à humilier

Pas de modérateur/leader pour stopper les excès : c’est plutôt le concours à celui qui trouvera l’épreuve la plus dure

Deux ans plus tard, une de mes filles est toujours traumatisée par ces événements et elle voit une psychologue

* Loi du silence

Certaines 4ème année sont en désaccord avec ces pratiques et n’osent pas le dire

Certaines 1ères année n’ont pas osé raconter le camp parce que leurs parents n’étaient pas scouts avant

Les correspondances aux parents sont lues et confisquées si estimé nécessaire pour éviter que des messages inquiétants arrivent aux parents

=> Conclusion : nous sommes choqués par la façon dont s’est déroulé le camp qui nous semble à l’encontre des valeurs scoutes et de respect humain. L’accumulation des dérapages lors de la totémisation la rend inacceptable.

=> Demandes au staff d’unité en 2021 :

- Reconnaissance par l’unité/le staff qu’il y a eu des abus

- Entamer une réflexion de fond au sein de l’unité pour éviter que cela se reproduise et que la tradition se perpétue : changer drastiquement les totémisations pour ne plus traumatiser des jeunes de 12 ans et ne pas en faire des bourreaux après »

Suite à ce camp, mes trois enfants ont décidé de quitter les scouts. C’est dommage parce qu’à la base, c’est un mouvement qui peut apporter beaucoup aux jeunes : la vie en nature, de groupe,… (j’y ai d’ailleurs passé plus de 15 ans comme animée et animatrice). Je ne sais donc pas quelles suites ont été données à ces événements. Je pense que le scoutisme est un des derniers endroits où aucune remise en question n’est en cours. Il règne plutôt la loi de la surenchère : à quelle troupe osera aller le plus loin pour traumatiser les jeunes arrivants. C’est le cas pour certaines troupes en tous cas.

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Scout toujours ? Le mur de témoignages

De mars à août 2023, Médor s’est penché sur les mouvements de jeunesse belges et leurs débordements.
Sur ce mur de témoignages désormais clôturé, vous pouviez partager votre expérience. Ensemble, vos témoignages nous ont permis de comprendre comment se mettent en place des dérives. Les conclusions de cette enquête participative sont à retrouver sur medor.coop/scouts

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