La petite histoire de "Baleine"

Hier, j’ai vu l’enquête du magazine Médor sur les mouvements de jeunesse. J’ai lu le témoignage d’une vingtaine de personnes. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Depuis, j’ai la nausée.

Le scoutisme a fait très longtemps partie de ma vie, Il m’a probablement même engloutie entièrement. Il était ma raison de vivre. J’ai commencé à 6 ans et j’ai terminé à l’âge de 27. Je ne jette pas la pierre aux personnes que j’ai rencontrées, qui ont été parfois mes bourreaux, souvent mes amis.

Les années de galère qui suivront sont à l’heure actuelle encore douloureuse. J’étais probablement différente, surtout par mon physique. Être une personne obèse n’est déjà pas simple, être une ado obèse l’ai encore moins et pire chez les scouts ou l’on adule autant la nature que le corps svelte. Je n’étais donc pas sportive, j’avais peur du noir et aucune confiance en moi. Le combo gagnant pour devenir le bouc-émissaire

Ma totémisation s’est finie à l’hôpital. Elle aurait dû se terminer là comme mon parcours guide et scout. Mais personne ne s’arrête pour une ado en hypoglycémie.

Ils recommenceront une cérémonie de totémisation pour moi et me donnerons comme faux totem « Glucose. » Je ne sais même pas comment il pouvait trouver ça drôle, j’avais eu l’impression de mourir ce jour-là. La rumeur dans le groupe voulait que je me sois mise au régime… Et donc, j’avais fait un malaise pour ça. La grosse qui ne mange pas et qui fait un malaise, parce qu’elle fait régime.

Je ralentissais ma patrouille pendant les jeux. Je morflais littéralement pendant le hike. Évidemment, je pesais plus 100 kilos à l’époque et il fallait ajouter le sac à dos. Le poids du monde pour une adolescente.

Je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas appelé au secours. Le scoutisme était un mythe familial. Je ne voulais pas inquiéter mes proches, ni les décevoir. J’ai pourtant continué le scoutisme et embrassé la cause comme on embrasse un amant toxique. Celui qui vous valorise, qui vous fait sentir aimé, à qui vous raccrochez comme une bouée, mais au fond qui vous détruit aussi de l’intérieur.

J’ai de nombreux regrets dont le premier est d’avoir fait taire cette adolescente meurtrie, de ne pas avoir partagé, d’avoir idéalisé le mouvement comme quelque chose de révolutionnaire. Je n’écoutais pas les gens de mon cercle d’amis qui trouvaient ça dépassé. J’aurais dû réaliser à travers les dizaines de récits violents que quelque chose clochait.

Une image lissée, une communication millimétrée, du vocabulaire propre aux mouvements : tout est fait pour vous prendre au piège.

"Les histoires d’amour finissent mal en général" et c’est comme ça que c’est terminé mon parcours scout.

Une incompréhension des deux côtés, des erreurs de communication, un manque de bienveillance, un essoufflement général, une dichotomie importante entre réalité du monde et réalité scoute. L’explosion n’était pas loin et a eu lieu.

Reste le vide laissé par cette activité qui remplissait mes week-ends et mon temps libre, un sens de la vie à reconstruire et l’absence de cet entourage scout qui a aujourd’hui déserté ma vie…

Je ne sais pas trop par où commencer. J’ai commencé les scouts tôt, enfants à 6 ans. J’ai arrêté une première fois à 8 ans, sûrement en résistance au changement. A 12 ans je décide de reprendre, mes parents très impliqués dans un mouvement à l’époque, me remotive et me présente ma prochaine chef responsable.

Les années de galère qui suivront sont à l’heure actuelle encore douloureuse. J’étais probablement différentes, surtout par mon physique être une personne obèse n’est déjà pas simple, être une ado obèse l’ai encore moins et pire chez les scouts ou l’on adule autant la nature que le corps svelte. Je n’était donc pas sportive, j’avais peur du noir et aucune confiance en moi. Le combo gagnant pour devenir le bouc-émissaire, c’était à cause de moi si ma patrouille devez attendre pendant les jeux et ou si nous étions en retard sur le parcours du hike.

Lors de ma totemisation, nous avions de nombreuses épreuves à faire en tout genre de nuit après avoir été réveillé. Je finis par faire de stress, je n’avais rien su avaler, une hypoglycémie, je suis tombé dans les pommes. J’ai été emmené en ambulance, je suis resté au urgence, ils m’ont gardé toute la nuit. Mes parents sont venue me voir le lendemain. Je ne voulais pas perdre la face, je ne voulais pas paraître faible, c’était une histoire de famille de père en fils, de mère en fille, ils m’ont reconduit au camp, j’ai fait genre j’avais mal au ventre. Ma maman me donna des biscuits au céréales au cas où, je n’aurais pas assez à manger. Personne ne s’inquiéta vraiment pour moi ni les médecins, ni mes parents. Le jeux devait continué.

J’y ai passé de très bons moments de ma vie comme les pires. Je n’excuse pas tout à fait les adultes autour de moi. Mais pour avoir été moi-même animatrice et ensuite cadre à la fédération, je les comprends. Les animateurs en plus d’avoir à faire respecter une certaine tradition, ne sont pas suffisamment outillés, à à peine 20 ans pour faire face à des phénomènes sociaux.

Lorsque j’étais formatrice, je manquais de clairvoyance, je voyais en face de moi des animateurs bénévoles qui donnaient tout leur temps et leur cœur à la cause scout. Et je trouvais ça merveilleux. Je regrette beaucoup de ne pas leur avoir partagé la petite histoire de Baleine, la petite ado grasouillette qui avait été jusqu’à ne pas s’alimenter pour qu’on l’aide lors de sa totémisation.

Scout toujours ? Le mur de témoignages

De mars à août 2023, Médor s’est penché sur les mouvements de jeunesse belges et leurs débordements.
Sur ce mur de témoignages désormais clôturé, vous pouviez partager votre expérience. Ensemble, vos témoignages nous ont permis de comprendre comment se mettent en place des dérives. Les conclusions de cette enquête participative sont à retrouver sur medor.coop/scouts

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