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190 000 délits Covid dans la BNG

BNG, la base non-gérée 7/5

La Banque nationale générale est une énorme base de données policières qui rassemble l’ensemble des délits et infractions commises en Belgique. Elle dysfonctionne grave : opacité totale, données incorrectes, archivage aux abonnés absents. Et avec la Covid, la BNG risque l’indigestion…

Ce nouvel épisode BNG fait écho à nos premières publications sur l’hypersurveillance policière à découvrir ici (avec votre accès membre ou une période d’essai gratuite d’un mois)

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Médor avait laissé son lectorat fin juin avec le PLF sous le bras (pour les plus chanceux et chanceuses qui prenaient des vacances). Qui allait se retrouver ingurgité par la base de données policières la plus mégalodon de l’Histoire de l’Humanité belge ?

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Sarah Fabre. CC BY-NC-ND

On a cherché. Mais où ? Dans les statistiques policières de 2020, sous quel intitulé sont encodées les infractions Covid ? Sous la nomenclature « santé publique ».

Et sur base des statistiques policières, 190 918 infractions ont été enregistrées en 2020 en « Santé publique ». En, 2019, ce chiffre était de 834. L’explosion de 190 084 faits est due à des infractions liées aux mesures prises contre la propagation du virus. Notons que ces délits Covid se retrouvent surtout dans la catégorie « Refus ou négligence respect mesures ».

Ces chiffres sont du même ordre de grandeur que les données communiquées fin mars par le Ministère public (les fonctionnaires qui représentent la société au tribunal, recherchent les infractions et leurs auteurs) : « Jusqu’au 28 mars inclus, 213 303 dossiers de prévenus impliqués dans des infractions aux mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (infractions « corona ») ont été ouverts au niveau des parquets correctionnels (188 630), des parquets de la jeunesse (23 022) et des auditorats du travail (1 651). »

Bruxelles deux fois plus verbalisée !

En gros, on est poursuivi, on est encodé. Jusque là, logique. Toujours selon les statistiques policières, les Bruxellois ont été deux fois plus verbalisés que les Wallons et les Flamands. Par ailleurs, 80 % de ces faits enregistrés sont attribués à des hommes. 21,2 % à des femmes. 8,7 % sont attribués aux mineurs. L’idée que les « jeunes » auraient bravé les interdictions est donc battue en brèche. Méfions-nous plutôt des femmes du Brabant wallon ou de Flandre-Occidentale…(voir tableau)

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Parmi les 213 303 dossiers mentionnés par le Ministère public se trouvent 30 240 prévenus dont leur affaire a été classée sans suite, principalement pour ces motifs : « preuves insuffisantes » (pour 22 267 d’entre eux) ou « aucune infraction » (pour 2 908 prévenus). Ces dossiers doivent donc être immédiatement effacés de la base de données policières. Est-ce le cas ?

Ce serait bien. Dès avril 2021 et la révision de la circulaire 06/2020 du Collège des procureurs généraux, le Ministère public précise dans ce bref paragraphe que « le procureur du Roi et l’auditeur du travail veillent à ce que leurs décisions de classement sans suite pour des raisons techniques ‘absence d’infractions’ et ‘manque de preuves’ soient communiquées dans les 30 jours au service de police qui a constaté l’infraction, pour que ce dernier puisse adapter la BNG. Ainsi l’article 646, alinéa 3, du C.i.cr. est appliqué et il est évité qu’une personne soit considérée à tort comme un récidiviste lors d’une prochaine infraction. »

La trace du « délit » non constaté de ces 30 000 personnes devrait donc être effacée. L’information est invérifiable puisque la BNG est opaque pour l’ensemble de la population. Comme l’indiquent nos précédentes investigations, les Parquets de Justice ne sont pas très attentifs à à la mise à jour dans la BNG des acquittements et non-lieux.

Fiché pour 10 ans ?

Qu’en est-il pour les autres personnes encodées suite à un « délit Covid » ? Combien de temps resteront-elles fichées pour, par exemple, ne pas avoir rempli un PLF ?

Les enregistrements Covid sont des enregistrements judiciaires. « La loi prévoit pour ces enregistrements un délai maximal de 10 ans », souligne Frank Schuermans, membre-conseiller de l’Organe de contrôle de l’information policière (COC). Cependant, les données à caractère personnel doivent présenter un caractère adéquat, pertinent et non excessif au regard des finalités de police administrative et de police judiciaire pour lesquelles elles sont obtenues et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement.

D’ici quelques mois, l’essentiel de ces délits Covid n’auront plus aucune valeur policière. La BNG n’ayant aucun archivage ou effacement automatique, il faudra donc retirer l’écrasante majorité des 190 000 personnes à la main.

À moins que la conservation de ces infractions ne soit jugée utile par la police. Et là, c’est parti pour dix ans.

Cette investigation par épisodes est l’un des volets de notre grande enquête participative sur l’hypersurveillance à la belge. Pour naviguer d’un épisode à l’autre, utilisez le fléchage en haut ou en bas de cet article.
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  1. En compagnie des infractions du type « Interdiction de fumer », « Publicité illicite en matière de tabac », ou encore « Prélèvement d’organes d’origine humaine » et « Exercice de la médecine vétérinaire ».

  2. Des délits dus à la crise covid pourraient se retrouver sous d’autres libellés (par exemple ’outrage’’).

  3. Aperçu du flux d’entrée des infractions aux mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 et de leur traitement judiciaire- Mise à jour du 28 mars 2021

    Les chiffres peuvent différer selon qu’ils proviennent de la police ou du ministère public, notamment parce que la période étudiée n’est pas exactement la même, et parce qu’il s’écoule un certain temps entre la rédaction d’un procès-verbal, son encodage et sa transmission aux parquets.

  4. La somme dépasse les 100 % car un même fait peut être attribué aux deux genres

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