Vos GSM ont parlé

Les résultats de notre questionnaire ’famille et smartphone’

Vous avez été plus de 1000 parents et ados à répondre à notre questionnaire sur les usages du GSM dans la famille. On a décortiqué tout ça. Installez-vous dans le salon en famille (ou pas). Voici ce qu’on a appris.

Petit rappel (pour ceux qui étaient en mode avion)

Ce questionnaire a été initié fin juin et est resté ouvert jusque la mi-octobre 2021. Il était disponible sur le site de Médor. Deux volets s’adressaient à deux publics différents : les parents et les ados.

  • 1104 questionnaires ont été remplis, et après un tri sommaire sur base de l’âge (des ados avaient plus de 20 ans), il nous restait 410 réponses ’ados’et 647 ’parents’.
  • L’ado a généralement plus de 14 ans, deux sur trois sont des filles.
  • Les parents en question ont très majoritairement entre 35 et 54 ans et sont surtout des parentes (7 sur 10).

Les limites de l’exercice

On vous avait déjà prévenus, ce questionnaire a des « biais ». Ils sont de plusieurs ordres :

  • L’échantillon est biaisé par le canal et l’identité de l’émetteur. Les parents qui ont répondu font partie ou sont souvent proches du lectorat de Médor, qui n’est pas représentatif de la population belge. Le niveau de diplôme en particulier est plus élevé : l’échantillon contient plus de la moitié de personnes universitaires, alors que ce groupe ne représente que 20 % de la population. La bonne nouvelle de ce biais : le public sondé est homogène, ce qui permet de tirer des constats solides sur ce public (lire aussi à ce propos le décodage du questionnaire par Laura Merla).
  • Certaines catégories d’âge sont faiblement représentées (13.9 % seulement des ados ont moins de 14 ans). Il faut le garder en tête en lisant les constats sur ces tranches d’âge ;
  • Nous avons interrogé des parents et des ados. Mais nous n’avons pas interrogé les parents des ados qui ont répondu, et les ados des parents qui ont répondu. Il ne s’agit pas forcément des mêmes familles ;
  • Il peut y avoir des doublons, deux parents qui auraient répondu au questionnaire en ciblant le même ado (il l’aura bien cherché celui-là !).

Qu’a-t-on appris ?

Nous retenons quatre enseignements forts via les réponses reçues :

1. Les ados assurent

Il existe un relatif bon contrôle du téléphone par les ados. Ils préservent leur mot de passe, surveillent peu les conditions d’utilisation mais pas si peu que cela par rapport aux adultes !

La notion de vie privée évolue, nous le savons. Alors que ces petites créatures sans défense reçoivent leur téléphone de plus en plus tôt, seule une sur sept estime ne rien avoir à cacher et est prête à nous filer son téléphone pour le prouver. Les six autres sont bien plus prudentes, conscientes que le petit boîtier électronique peut contenir de précieux secrets. Elles sont d’ailleurs six sur 10 à s’inquiéter un peu ou beaucoup concernant la protection des données de leur téléphone.


Par ailleurs, rares sont les parents qui ont un accès aux codes des comptes sur les réseaux sociaux de leur enfant (25 %), et quand c’est le cas, c’est en général soit chez des ados jeunes, soit avec le consentement de l’ado. Découvrez le témoignage de deux mamans.


La faille de l’ado serait-elle parmi ses plus proches ? 60 % filent leur tel à leurs amis. 15 % refilent même le mot de passe de leurs s réseaux sociaux.


Pour Laura Merla, nos résultats montrent bien que le GSM est un véritable « journal intime »… et un outil dont les ados se servent pour « mettre à distance leurs parents »… et se rapprocher de leurs amis. Lisez donc son décodage par ici.

2. Le biais du genre est évident et inconscient !

Les parents l’assurent : que ce soit fille ou garçon, les mises en garde et comportements sont les mêmes. Et pourtant, notre questionnaire révèle des attitudes différentes en fonction du genre.

Les filles utilisent plus Snapchat (78 vs 64 %) et Pinterest que les garçons (61 % vs 17 %) Les garçons utilisent beaucoup Twitch (44 % vs 7 %) et Discord (46 % vs 19 %). À en croire Laura Merla, cela témoigne que les réseaux sociaux où l’on investit et met en scène son image sont plus occupés par les filles que les garçons. Les créateurs d’appli l’ont bien intégré et alimenté au moment de développer leurs produits…

Les filles balancent d’ailleurs plus de photos ou vidéos où leur corps est visible. 61 % des répondantes ont posté du contenu d’elles, pour seulement 37 % des garçons.

Cette différence de genre se marque aussi dans la relation avec les parents à travers le téléphone (est-ce une relation avant tout mère-fille que nous avons investiguée puisque les répondants sont surtout des répondantes ?).

Cette relation se marque par du soft-contrôle et du hard-contrôle.


Côté soft-contrôle  : Si on partageait nos photos, nos agendas ?

Les filles partagent plus d’applis avec les parents. Que ce soit groupe de messageries, partage de photos, agenda partagé, partage familial, les filles sont plus enclines à "échanger" les informations avec leurs parents. Ont-elles internalisé la nécessité d’être transparentes pour pouvoir être libres ? Ont-elles intégré que l’espace public, dont les réseaux sociaux, peuvent être des lieux menaçants et que tout fil qui les relie à la sphère familiale les aide (ou rassure les vieux) ? Là aussi, Laura Merla nous a éclairés.

Côté hard-contrôle : Ma fille, donne-moi ta localisation

Le partage de localisation est plus fréquemment imposé aux filles qu’aux garçons (16,2 contre 7,9). Entre 12 et 15 ans, au moins une fille sur cinq est sous contrôle géographique (26,3 % de 12-13 ans et 22,5 % de 14-15 ans). Pour les garçons, la géolocalisation est bien moindre (12,9 % et 5,3 %). Les parents sont-ils conscients que le corps des filles est un enjeu des réseaux sociaux (à la fois une quête pour les internautes et une existence à mettre en scène pour elles) ? Ils cadenassent bien plus le fait de publier des photos ou vidéo d’elles ou de parler à des inconnus. Si 4 filles sur 10 ont reçu un jour cette consigne, ils sont deux fois moins à l’avoir entendue côté garçon. (40,6 % vs 19 %). Enfin, le contrôle parental est bien plus présent chez elles (16 %) que chez eux (7 %).

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Sarah Fabre. CC BY-NC-ND

3. Les tactiques d’évitement

Ce fut l’un des moments forts de nos recherches : le jour où nous sommes allés lire les avis des parents concernant les logiciels de contrôle parental. Sur les forums en ligne, ils sont nombreux à décrire leur désarroi face au mauvais fonctionnement de ces app’au bout de quelques mois… En parallèle, nous avons découvert des armées de tutoriels en ligne, destinés aux ados, qui leur permettent de désinstaller ou contourner ces fameux logiciels de contrôle.

De toute évidence, le match technologique n’est pas gagné pour les parents. Les ados mettent des tactiques d’évitement en place par rapport au contrôle. On voit que sous le prisme déformant de la technologie qui rassure, rien ne remplace encore le dialogue…

Les ados utilisent plusieurs stratégies pour contrer les règles mises en place : se connecter la nuit, utiliser plusieurs profils, avoir un deuxième téléphone… Ces stratégies sont plus souvent utilisées par les filles, et aussi par les ados plus âgés. Ce n’est pas surprenant : les filles sont plus surveillées et les ados plus âgées ont une vie intime plus affirmée.

Ainsi, la moitié (53 %) des ados s’est déjà connectée la nuit, un sur trois (32 %) détient plusieurs profils dont au moins un inconnu de ses parents et un sur cinq (20 %) a même un deuxième téléphone, caché lui aussi. Puisque les filles sont plus contrôlées et interdites de certaines pratiques sur les réseaux sociaux (poster ou parler à des inconnus), elles ne se privent pas pour contourner ces consignes (37 % vs 22 % qui ont plusieurs profils). Les deux ados qui ont accepté de témoigner expliquent leur technique de contournement. Et surtout le pourquoi.

4. Parents-ados : Le surveillant devient surveillé

Quand elles sont jeunes, vers 11-12 ans, les petites créatures ont un accès facile au téléphone de leurs parents. Evidemment. Prendre des photos, faire des vidéos, jouer sont des activités innocentes. Mais alors que la créature grandit, elle planque ses informations et l’adulte oublie de changer ses codes de téléphone. Le rapport de surveillé à surveillant s’inverse.

Ainsi les ados déclarent avoir accès aux téléphones de leurs parents sur demande dans 44 % des cas. Un sur cinq a accès quand il veut au téléphone adulte (le chiffre est validé autant du côté des parents que des enfants). Et un sur cinq (surtout les filles) prennent le téléphone pour… fouiller (au moins c’est honnête de l’avouer). Et l’une d’entre elles s’est confiée à nous 😁.

Et c’est toujours la même proportion qui épie les parents avec les applications partagées.

Quand il s’agit de filer son téléphone, les jeunes sont moins enthousiastes. Seuls 7 % des parents peuvent se servir quand ils veulent du téléphone de leur ado. Et cet accès se réduit avec l’âge.

Regardez le mouvement de la vague : 60 % des parents se servent quand ils veulent du GSM de leurs tout jeunes. On passe à 40 %, puis 22,4 %, 10,8 %, 2,2 % et enfin 1,3 % pour les 18-19 ans. Notons que c’est 19,5 % des 18-19 ans qui déclarent par contre avoir accès sans limite au téléphone de leurs parents.

5. Les ados à bonne école

De la même manière, l’accès au téléphone de l’ado sans qu’elle ou il le sache est plus rare après 14 ans, là où 20 % des ados fouillent encore et toujours. Pourtant, 80 % des parents assurent que leurs ados n’ont jamais découvert quelque chose sur eux. Méthode Coué ? Plus de la moitié des ados (53,66 %) ont déjà eu des infos sur leurs parents via le téléphone. Sans le faire exprès. Evidemment.

Avouons-le, les ados ont quand même été à bonne école. Même s’ils ne fouillent pas autant que les ados, les parents ne sont pas les derniers à utiliser les apps partagées pour fliquer un peu. 36 % des parents ont déjà vérifié si leur enfant avait « lu » un message ou était « en ligne », pour savoir si la petite créature leur mentait. À bon entendeur.

Découvrez la série de quatre épisodes de la famille Rienacacher, dont l’histoire est basée sur les réponses du questionnaire "téléphone en famille"

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