Aucun membre de l’hôpital ne viendra, même pendant les contractions

17 ans en 2000 dans le Sud de la France. Mon père est mort depuis 6 mois. Faire l’amour avec mon petit ami me permet pendant un bref instant de ressentir autre chose. Une fois, il me dit que le préservatif est déchiré. Peut-être lorsqu’il l’a enlevé ? Du retard dans mes règles j’en avais tout le temps (réglée à 9 ans). Normal, selon ma gynéco. Je prends la pilule et utilise le préservatif masculin mais parfois, j’oublie mon boîtier. Si j’ai un doute, exceptionnellement je prends la pilule du lendemain et fais un test 4 semaines plus tard. Bien sûr, il faut trouver une pharmacie qui vous délivre la pilule du lendemain sans ordonnance et je n’échappe pas aux sermons voire au refus de me servir. Mais là je suis mal, mon père est mort. Je n’arrive pas à penser à une grossesse possible. Je ne prends pas la pilule du lendemain. Test positif. Ma mère au téléphone a tout de suite compris et me soutient. A l’école, je ne dis rien sauf à mon petit ami. Avant même que je lui parle de programmer une IVG, il me menace de me quitter si je n’avorte pas. Il ne viendra à aucun des RDV sauf au dernier à l’hôpital à cause de mon insistance. C’est comme si l’IVG n’existait que pour moi. Je suis en pension toute la semaine et je retourne à la maison uniquement les week-end. Ma mère travaille et ne peut faire l’aller-retour. Je fonce au planning familial entre deux cours. Je suis reçue par différentes femmes toutes bienveillantes. La docteure du planning me parle des modes de contraception mais fait court, il y a urgence, la priorité va à l’IVG et à son déroulement. Elle m’explique qu’il faudra rogner sur le délai de réflexion d’1 semaine car j’arrive à la limite légale des 10 semaines. On m’explique que l’IVG médicamenteuse est moins traumatisante que le curetage. OK. Au début j’étais rassurée mais à l’hôpital c’est un tout autre échange. Lorsque je passe l’échographie, le médecin me demande si c’est pour une IVG. Oui. C’est la seule question qu’il me posera. Il me montre le fœtus sur l’écran en insistant longuement sur quelle partie devrait devenir une tête, un pied, une main. Il n’ira pas plus loin mais je sens que cela le démange. Au dernier RDV, je suis au même étage que les femmes qui accouchent. Au moins, je suis la seule dans la chambre. Ma mère restera avec moi tout le temps. Le petit ami est sorti pour manger. Aucun membre de l’hôpital ne viendra me parler même quand les contractions commenceront. Au planning, on m’avait dit que cela pouvait arriver. Au début je me retiens de crier en pensant aux femmes-mères. Je n’arrive même pas à identifier où est la douleur. J’ai l’impression que mon corps entier se déchire à chaque contraction. Je ne sais pas comment respirer. J’hurle à pleins poumons. Cela va durer plus de 2 heures. Il y a tellement de sang. Je quitte l’hôpital avec une couche. On m’informe que j’expulserai le fœtus dans 2-3 jours. C’est tout, circulez !

Mon avortement, si violent

Si vous avez été victime de violence(s) lors de votre IVG, à travers des mots ou des actes du personnel soignant, n’hésitez pas à livrer votre témoignage. La parole libérée contribue à ce que de tels agissements ne se reproduisent plus.

Ce mur de témoignages fait écho à notre article "Un avortement, deux claques", paru dans le numéro 23, en juin 2021.

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