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Bleu de Georges-Louis
Welcome on board : le MR te signe un beau contrat de social media editor. À toi le siège du parti, avenue de la Toison d’Or. à Bruxelles. À peine le temps de souffler que tu ouvres déjà grand les yeux et les oreilles face à ce que ton boss te raconte. Tu notes furieusement ce qu’on t’explique. Bien que le président ait sa comm’ en main, « tu gèreras plusieurs pages, tu assisteras George-Louis Bouchez sur sa page et ses 43 000 fans et tu géreras celle du MR avec ses 38 000 likes ». Au niveau du parti, tu pourras également travailler sur du contenu pour Instagram, Linkedin, Twitter et Tiktok.
Pour des raisons de narration, la vie des community managers et social media editors a volontairement été grossie. Les faits et chiffres cités sont, eux, bien réels.
Tu prends le temps de la réflexion, bien. Tu dégaines ton ordinateur pour aller scruter les pages Facebook du parti. Tu connaissais déjà la page du MR sur laquelle on réagit beaucoup à l’actualité, où l’on partage des vidéos de Georges-Louis, quelques interventions des députés, des épisodes de DREAMR (le nouveau média du MR) et où on communique sur les actions du parti.
Tu optes pour quelque chose dans l’ADN du parti : le pouvoir d’achat et la fiscalité. Tu sens un bon filon. Tu aimerais décliner un même message à destination de plusieurs catégories de personnes. Le message de base : « Le MR se bat pour réduire la fiscalité… ». En fonction des destinataires, tu adaptes : « du travail pour les bas et les revenus moyens », « du logement des premiers propriétaires », « du travail des indépendants »… Bingo, joli post :
Que font les autres partis ?
Que ce soit sur Facebook, Instagram ou Tiktok, chaque parti a sa marque de fabrique. Du côté francophone, les publicités Facebook restent assez peu utilisées comparativement à la Flandre, où PVDA, N-VA et Vlaams Belang dépensent des fortunes. Un homme se démarque tout de même, au sud : George-Louis Bouchez, ton patron. Il mène la danse avec 170 925 euros dépensés entre mi-2019 et octobre 2021. 6x plus que le 2e du classement francophone, Maxime Prévot (CDH).
Voici quelques exemples de posts représentatifs chez les plus gros dépensiers de chaque côté de la frontière linguistique.
Tu as une vague idée de ce que les différents partis et le MR font sur Facebook. Tu choisis la photo d’un chien (pas Liloo, la chienne du boss) avec un message pour récolter des likes. Dommage, tu ne joues pas vraiment avec les codes utilisés par le MR (si ce n’est une photo de Liloo de temps en temps), mais plutôt ceux qu’utilisent la N-VA. Mea culpa, c’est ton premier jour. Ton chef te montre ce qu’il aurait fait :
Bien joué. Dans la course au like, les présidents de parti jouent un rôle primordial. Ce sont eux les plus mis en avant. Tu permets à Georges-Louis et au parti de rayonner. Il fait d’ailleurs partie du top 10 des politiciens européens les plus mis en avant sur Facebook en s’y classant à la 9e position. Ton post a vraiment de la tronche :
Le président de parti ? Un pilier de la politique belge
Dans la politique belge, en ligne comme dans la vraie vie, les présidents de parti occupent un rôle central. Depuis les années 60, ils n’ont arrêté de gagner en importance, notamment lors de la formation d’un nouveau gouvernement. Une position stratégique dans les négociations, mais aussi sur le web donc.
Dans le top 10 des personnalités politiques les plus sponsorisées en Europe, on retrouve six présidents de parti belges. Bart De Wever (N-VA), Tom Van Grieken (Vlaams Belang), Peter Mertens (PTB-PVDA), Conner Rousseau (Vooruit), Georges-Louis Bouchez (MR).
Malheur ! Tu aurais mieux fait de miser sur Georges-Louis. Tu aurais fait d’une pierre deux coup : l’homme et ses idées. Dans la course au like, les présidents jouent un rôle primordial. Tu l’auras bien compris étant donné les montants dépensés pour ton président. Le MR joue d’ailleurs cette carte à fond sur Facebook. Alors que, de janvier à octobre 2021, 87 533 euros ont été dépensés sur les pages personnelles de ses députés (principalement celle de Georges-Louis Bouchez), le MR ne dépense que 9 462 euros sur la page du parti… Alors quand tes députés - et surtout ton président - s’expriment dans les médias, profites-en. Come on ! Regarde la tronche que ton post aurait pu avoir :
Le président de parti ? Un pilier de la politique belge
Dans la politique belge, en ligne comme dans la vraie vie, les présidents de parti occupent un rôle central. Depuis les années 60, ils n’ont arrêté de gagner en importance, notamment lors de la formation d’un nouveau gouvernement. Une position stratégique dans les négociations, mais aussi sur le web donc.
Dans le top 10 des personnalités politiques les plus sponsorisées en Europe, on retrouve six présidents de parti belges. Bart De Wever (N-VA), Tom Van Grieken (Vlaams Belang), Peter Mertens (PTB-PVDA), Conner Rousseau (Vooruit), Georges-Louis Bouchez (MR).
Le MR et Georges-Louis Bouchez, dans ses posts sponsorisés, arrivent assez peu à toucher autant de femmes que d’hommes (bien que cela soit variable). L’algorithme de Facebook répercute les biais de genre présents dans la société. Un algorithme sexiste ? Tu ne t’étais jamais posé la question. Eh oui. En fonction de l’engagement (les likes, les commentaires, les partages, les clics), la formule mathématique qui dirige la portée des posts optimise le ciblage vers un genre ou l’autre.
Le MR et Georges-Louis Bouchez, dans leurs posts sponsorisés, arrivent assez peu à toucher autant de femmes que d’hommes (bien que cela soit variable). En ciblant uniquement les femmes, tu réussis à contourner cet obstacle majeur. En effet, l’algorithme de Facebook répercute les biais de genre présents dans la société. Un algorithme sexiste ? Eh oui. En fonction de l’engagement (les likes, les commentaires, les partages, les clics), la formule mathématique qui dirige la portée des posts optimise le ciblage vers un genre ou l’autre.
Tu ne dois pas hésiter à proposer du contenu adapté à chaque réseau social, et notamment à TikTok. Facebook fait partie de la stratégie du parti, mais n’oublie pas Instagram et Tiktok notamment. Avec près de 5 000 abonnées sur TikTok, et plus de 15 000 sur Instagram, le président n’a pas à rougir. Tes vidéos pourront d’ailleurs souvent être réutilisée d’un réseau à l’autre.
Bien vu, tu n’hésites pas à proposer du contenu adapté à chaque réseau social, et notamment TikTok. Un réseau social en pleine expansion et qui touche principalement les jeunes. Bingo, encore ! Au MR, il y a pas mal de clips, un peu de vidéos funs, des interviews, du foot, des bagnoles et une intervention lors d’un conseil communal de Mons qui a fait le buzz. 300 000 vues, pas mal.
Le parti est déjà parmi les plus dépensiers au sud du pays entre janvier et octobre 2021, mais bien loin derrière les partis du nord. Le marché en Belgique, et surtout du côté flamand, est surchauffé. Le rythme est déjà assez soutenu tout au long de l’année. Le débat est permanent, la course au scrutin aussi. « On ne pense plus être dans l’époque où nous étions silencieux jusqu’aux 6 mois avant les élections où tout d’un coup, le politique envahissait l’espace public », t’explique Georges-Louis Bouchez. En utilisant des publicités ciblées, le parti estime aussi avoir des résultats supérieurs, pour un montant investi moindre par rapport aux toutes boîtes, un choix stratégique et économique.
Tu refuses de plonger plus loin dans le World Wide West. Le parti est déjà parmi les plus dépensiers au sud du pays entre janvier et octobre 2021, mais bien loin derrière les partis du nord. Le rythme est déjà assez soutenu tout au long de l’année, le débat est permanent, la course au scrutin aussi. « On ne pense plus être dans l’époque où nous étions silencieux jusqu’aux 6 mois avant les élections où tout d’un coup, le politique envahissait l’espace public », t’explique Georges-Louis Bouchez. En utilisant des publicités ciblées, le parti estime aussi avoir des résultats supérieurs, pour un montant investi moindre par rapport aux toutes boîtes, un choix stratégique et économique.
Certains partis comme Ecolo, le PS, le Vooruit, le CDH désirent réguler ce World Wide West, comme l’appellent certains. Le PS en tête, qui plaide pour l’interdiction pure et simple de la publicité sur les réseaux sociaux. Chez Ecolo, on voudrait plutôt limiter les dépenses. Pour les grands dépensiers que sont la N-VA, le Vlaams Belang le PTB-PVDA, il n’est pas question de restreindre quoique ce soit. Du côté du MR, non plus. « L’argent est inhérent au combat de propagande depuis la création de l’humanité. Il faut arrêter de faire semblant », balaie Georges-Louis Bouchez.
Certains partis comme Ecolo, le PS, le Vooruit, le CDH désirent réguler ce World Wide West, comme l’appellent certains. Le PS en tête, qui plaide pour l’interdiction pure et simple de la publicité sur les réseaux sociaux. Chez Ecolo, on voudrait plutôt limiter les dépenses. Ces deux-là, font toutefois figure d’exception. Pour les grands dépensiers que sont la N-VA, le Vlaams Belang le PTB-PVDA, il n’est pas question de restreindre quoique ce soit. Du côté du MR, non plus. « L’argent est inhérent au combat de propagande depuis la création de l’humanité. Il faut arrêter de faire semblant », balaie Georges-Louis Bouchez.
Penser ses interventions parlementaires en amont pour faire le buzz sur Tiktok, jouer la carte du chien mignon sur Facebook… De quoi faire balancer le cœur des électeurs ? Le succès serait-il plus grand sur les posts simples et clivants que sur les idées complexes ? Face à la compression du temps, se tourne-t-on vers un appauvrissement du débat politique, dans le monde réel comme sur les internets ? À vous de savoir jusqu’où il faut aller pour vous convaincre.
La plupart des Belges passent plusieurs heures par jour sur les réseaux sociaux. Risque-t-on de perdre le contact humain, le dialogue et le débat qui peuvent accompagner la distribution de tracts en rue, dans les marchés ? À dépenses égales, un post Facebook touchera plus de personnes que des flyers, et ne se retrouvera pas dans la poubelle… Un simple geste du doigt, et il disparaît. Aujourd’hui, des millions d’euros sont dépensés pour quelques secondes de notre attention. Une fois la course engagée, au vu des enjeux démocratiques, doit-on faire marche arrière ?
Moins chers que les flyers papiers, les actions en rue, les affiches de 20m2, les réseaux sociaux offrent de formidables possibilités, presque infinies. Ciblages précis, rapidité, possibilité de calculer l’impact de son message, de faire des tests en amont, de contrôler sa communication de A à Z… Un merveilleux outil, certes, mais qui coûte cher en argent public, car qui ne sponsorise pas ses posts, n’a guère de chance d’être lu.
Il est plus que jamais indispensable de recourir aux informations indépendantes et transparentes pour exercer sa citoyenneté. Pensez à nous lire, et nous offrir !
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Une étude sortie en octobre 2020, menée par par AlgorithmWatch en collaboration avec des journalistes dans plusieurs pays européens, démontre que l’algorithme Facebook est sexiste. En publiant des offres d’emplois, sans qu’aucun ciblage de genre n’ait été utilisé, les chercheurs ont observé de grandes disparités. En Allemagne, l’annonce pour les chauffeurs routiers a été montrée à 4 864 hommes mais seulement à 386 femmes. La publicité pour les assistantes maternelles, elle, a été montrée à 6 456 femmes mais seulement à 258 hommes.
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Une des publicités du MR qui renverse cette tendance ? Une vidéo de Georges-Louis Bouchez, Liloo et l’animatrice de RTL-TVI, Sandrine Dans, lors de la remise du prix « Celui qui communique le mieux sur internet ». « Toutes les publications les plus likées sont celles de Liloo », a d’ailleurs déclaré le président du MR lors de cet entretien.
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« Il y a une personnalisation du politique en Belgique qui se fait autour des présidents qui sont presque exclusivement des hommes », explique Clémence Deswert, doctorante au Cevipol et spécialiste de la question du genre en communication politique. Cet argument n’explique cependant pas tout puisque, toujours selon les mêmes critères d’analyse, 56 hommes ont été mis en avant contre 28 femmes. Pendant la campagne de 2019, 640 000 € ont été dépensés pour promouvoir des hommes contre 111 000 € pour les femmes, soit près de six fois plus.
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TikTok est le réseau qui va te permettre de toucher les 15-25 ans, et bien que peu de députés MR s’y trouvent, les personnalités politiques belges (et étrangères) réussissent à atteindre un public assez large, avec plus ou moins de réussite selon les cas. La vidéo la plus vue sur le compte de GLB ? Une intervention lors d’un conseil communal de Mons, 300 000 vues quand même. Le politique belge le plus connu sur TikTok n’est pourtant pas le plus jeune…
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Extrait d’une interview accordée à Médor.
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