1min

L’arabe esclavagiste

Nos territoires graphiques

tag-esclavagisme-vandalisme
Peter Westenberg. CC BY-SA.

Les tags, grattages et autres actes de vandalisme urbain offrent des leçons d’histoire bien vivantes. À Bruxelles, une sculpture héritée de l’époque coloniale en est la preuve.

Thomas Vinçotte. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Nonante et un ans après sa mort, pourtant, ses œuvres de commande pour Léopold II restent parmi les plus polémiques du pays. Prenez la statue du roi barbu, place du Trône, à Bruxelles. En décembre dernier, l’échevin MR de Bruxelles Geoffroy Coomans de Brachène entend organiser un hommage à l’empreinte urbanistique du « roi bâtisseur » sur la capitale. Réaction immédiate : les activistes du Mouvement X de Dyab Abou Jahjah (voir entretien p. 118) lancent une contre-manif autour de la statue équestre, pour rappeler les abyssaux méfaits de la colonisation. Le lendemain, Léopold se réveille même les mains repeintes en rouge sang.

À l’ombre de la mosquée du Cinquantenaire, une autre œuvre en plein air de Vinçotte porte des stigmates bien plus durables encore. Le Monument aux pionniers belges au Congo (1921) constitue un hommage grandiloquent aux colons belges pour avoir « sauvé » les populations indigènes des colons arabes… Avant de s’arroger le droit de les dominer. Il porte cette inscription, en français et en néerlandais : « L’héroïsme militaire belge anéantit l’Arabe esclavagiste. »

Cicatrices vivantes

Une phrase qui titille depuis longtemps notre histoire nationale au point d’avoir déclenché une guérilla graphique presque surréaliste. Premier assaut : en 1988, à la suite d’une plainte de la Ligue arabe, les mots Arabe/Arabische sont effacés par les autorités responsables. Riposte en 1992, lorsque les mots sont restaurés, après une demande du Cercle royal des anciens officiers des campagnes d’Afrique.

S’ensuit une succession d’attaques graphiques désordonnées à coups de grattage, tags ou scraboutchas, les uns grattant le mot « arabe » dans le grès, les autres le réécrivant armés de marqueurs. Résultat de ces contestations et excisions toujours en cours : on ne voit plus que ça ! Ces cicatrices vivantes soulignent le fait que l’usage de la langue n’est jamais neutre.

La Fondation Roi Baudouin, en charge du monument, l’a rénové en 2006. On a sablé la sculpture, lui ôtant une bonne partie de son relief. C’était une bonne idée, pour arrondir les angles de la problématique de la représentation publique de l’histoire. L’inscription ne fut pas restaurée. Et le panneau d’informations qui avait disparu n’a pas été remplacé. Dommage : il offrait une mise en contexte bienvenue de cette partie de l’histoire coloniale.

Tags

Dernière mise à jour

Un journalisme exigeant peut améliorer notre société. Voulez‑vous rejoindre notre projet ?

La communauté Médor, c’est déjà 3455 abonnés et 1878 coopérateurs

Vous avez une question sur cet article ? Une idée pour aller plus loin ?

ou écrivez à pilotes@medor.coop

Médor ne vous traque pas à travers ses cookies. Il n’en utilise que 3 maximum pour la sécurité et la navigation.
En savoir plus