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Se passer de l’avenir ?

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François De Jonge. Tous droits réservés.

Innovation et technologie sont intimement liées. Dans le système d’économie capitaliste, l’innovation sert avant tout à booster le progrès économique. Et la croissance. Dans une causalité inéluctable, l’innovation mènerait au progrès qui mènerait à la croissance qui mènerait au bien-être.

On peut faire une pause ?

Une innovation s’invite dans les entreprises. C’est le « stand-up meeting ». Une réunion de 10 à 15 minutes qui a pour objectif d’être rapide et efficace. Les participant.e.s doivent rester debout.

L’idée générale : créer un contexte suffisamment inconfortable pour que les collègues ne s’éternisent pas. Parmi les articles qui conseillent comment bien réussir ce pow-wow vertical, pas un mot sur les personnes en fauteuil roulant ou qui auraient des difficultés à se tenir debout. Pas d’inclusion, juste de l’efficacité. Mais pourquoi donc ? Parce que le concept d’innovation n’implique pas le bien-être ou les avancées sociales, mais du « progrès ».

L’économiste Joseph Schumpeter a été le premier à le théoriser : innovation et technologie sont intimement liées. Dans le système d’économie capitaliste, l’innovation sert avant tout à booster le progrès économique. Et la croissance. Dans une causalité inéluctable, l’innovation mènerait au progrès qui mènerait à la croissance qui mènerait au bien-être.

On peut faire une pause ? Comment bien identifier ce qu’est un « progrès » ? Une découverte médicale pour soigner les cancers de la peau, c’est une formidable avancée. La naissance de Twitter et le monde politique qui s’y écharpe à court terme, c’est moins évident. Quels sont nos critères communs pour évaluer la pertinence d’un progrès ? Comment peut-on mesurer le degré de bien-être qu’il apporte ?

Des e-guichets qui excluent les déjà-exclus, des logements d’hyperluxe dégageant les plus démunis. Des milliers de camions en plus à Liège pour développer l’importation de trucs « biesses ». C’est vraiment un mieux ?

Voilà sans doute la question que se pose l’astronaute de notre couverture, dessinée par François De Jonge. Condamné au futur, tourné vers le passé, lévitant dans un présent mal barré.

Paradoxe apparent de Hawking

Schumpeter avançait que l’innovation engendre le processus de destruction créatrice, le Nouveau Monde dégageant l’Ancien. Alors tant pis, avançons ? On n’arrête pas le progrès. Mais arrête-t-on le futur ? Comment le décider, le façonner, au gré non pas des avancées technologiques, mais des préoccupations morales, sociétales, collectives ? Aurait-on raté une marche ? Notre avenir serait-il déjà passé ? Poser la question, c’est l’assurance de s’attirer dans les trente secondes une accusation de « résistance au changement », voire de retour « à la bougie » ou « dans les cavernes ». Autre drame, douter du progrès pourrait s’assimiler à une remise en question de la science. Il n’en est rien. Nous sommes sur deux champs distincts. On peut croire aux avancées génétiques (la science) et en réduire ou en interdire l’usage (l’éthique).

Le scientifique Stephen Hawking estimait en 2014, à la BBC, que les grandes menaces futures pour l’humain étaient liées au développement de la science et de l’intelligence artificielle. L’ironie veut qu’il ait émis son avertissement via un logiciel de génération de la parole (speech-generating device) lui permettant de s’exprimer (il souffrait de la maladie de Charcot). Sans cette innovation, le scientifique aurait été muet. Paradoxe de Hawking ? Ou bon résumé ? On progresse… Cette apparente contradiction nous ramène à la seule question valable : collectivement, l’humain saura-t-il se forger un futur commun où le sort de tou.t.e.s prime sur l’intérêt de quelques-un.e.s ?

Si c’est oui, on s’en sortira, car l’humanité fera un usage raisonné et utile de ses savoirs et innovations au service de toutes et tous, et en premier lieu des marginaux, exclus, minorités. C’est un peu ce qu’imagine l’inventeur du Low-Tech Magazine, Kris De Decker, du haut de son appart solaire (voir p. 115).

Et si la réponse est « non »… Bon… Pour 2023, on va émettre le vœu que la réponse soit « oui ». On ne peut pas douter d’une humanité qui parvient à faire du dressage de chevaux sans chevaux . Bonne année.

En parlant de bonne année, vous saviez que jusqu’au 15 janvier, la souscription cadeau était à 60€ au lieu de 90€ ? Un présent porteur de sens pour un avenir où l’on se souvient des erreurs du passé,… afin de ne pas les reproduire.

cadeau 2021
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