Le logement, c’est notre problème
Interview de Sarah De Laet et Aline Fares

Pourquoi les loyers sont-ils si élevés ? Comment se loger dignement ? Qui dessine nos lieux de vie ? Sarah De Laet et Aline Fares étudient la mécanique de la promotion immobilière, montent sur les planches pour vulgariser leurs analyses et tendent le poing au sein de collectifs engagés. Retour à l’essentiel : « Le logement est un droit. » La propriété privée, « une narration difficile à défaire ». On change ?
En quelques études chiffrées et autant de coups de griffe, Sarah De Laet, une géographe issue de l’ULB, et Aline Fares, ex-banquière chez Dexia, bousculent les spéculateurs. L’une est balèze dans l’analyse des villes. L’autre apporte sa compréhension des flux massifs de capitaux. Au sein de deux collectifs, Action Logement Bruxelles et le Front Anti-Expulsions, elles unissent leurs forces face aux promoteurs qui ont reçu carte blanche de la part des politiques. Et elles s’opposent à la pensée dominante selon laquelle la propriété privée amène du bonheur même quand on a peu d’argent. À propos du logement et de la spéculation, elles se livrent sur scène lors de « conférences gesticulées », complices, théâtrales : leur non-verbal colle à leurs idées. Le logement, c’est politique, disent-elles. C’est un bien qu’il faut gérer de manière collective.
Dans vos conférences, vous dites qu’avoir un logement, c’est une réponse à notre besoin de sécurité, c’est ontologique, ça relève de notre être. Vous pouvez expliquer ?
Les mots viennent d’un livre extraordinaire – In defense of housing – écrit par deux Anglais. Ils estiment que, parmi tous les éléments dont on a besoin pour se sentir « ontologiquement en sécurité », le logement est essentiel. Pas juste avoir un toit sur la tête, mais savoir que ça va durer.
Je travaillais chez Dexia au moment de la crise financière de 2007-2008. J’ai été marquée par la vision de ces centaines de personnes qui se retrouvaient à vivre dans leur voiture aux États-Unis, puis même …