
7 avril 1994, Rwanda. Le génocide de la communauté tutsie débute. 800 000 morts. La Belgique accueillera les rescapés, mais aussi les bourreaux. Infiltrés dans le monde politique et associatif, ces derniers réécrivent l’histoire. Aujourd’hui, la deuxième génération prend le relais. Pour les victimes de 1994, l’histoire se répète.
8 heures du matin, le métro est bondé, les gens ont le regard fixé sur leur portable. On n’entend guère les annonces au-dessus du brouhaha des conversations matinales, des messages vocaux, du bourdonnement du train. François est assis dans un coin. Il évite les sièges à quatre par crainte qu’« il » vienne s’asseoir en face de lui. Ils partagent le même trajet pour se rendre au travail. Comme chaque jour, il a la peur au ventre quand le métro s’approche de la station : sera-t-il encore dans la même rame ? Aujourd’hui, il est là, s’installe au fond du wagon, jean foncé, chemise bleue, casquette en velours noir. François essaye d’échapper à son regard, n’y arrive pas. L’autre l’a déjà repéré. Regardant François droit dans les yeux, « il » passe le doigt en dessous de sa gorge. Toujours le même geste. François l’anticipait, en a horreur. Il sait ce qu’il signifie : le travail n’est pas achevé. Le travail, c’est le génocide des Tutsis. François y a échappé, tandis que sa famille a péri au Rwanda. Mais la terreur n’est jamais loin.
Kigali-Bruxelles
Environ 13 000 personnes d’origine rwandaise vivent en Belgique. La majorité sont arrivées après le génocide. C’étaient d’abord des personnes issues des classes dirigeantes, les anciens dignitaires du régime Habyarimana et d’importants membres de son parti, le Mouvement révolutionnaire pour le développement (MRND). « Ceux qui avaient les moyens sont arrivés en premier. C’étaient les idéologues, les cerveaux du génocide : des intellectuels, médecins, avocats et ministres. Pas Monsieur Madame Tout-le-monde », raconte Yolande Mukagasana. …