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Arrêtez de draguer !

Sable

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François de Jonge. Tous droits réservés.

D’ici à 2060, la consommation mondiale de sable va doubler. Face à l’appétit de la construction, les carrières terrestres ne suffisent plus. L’industrie l’aspire donc en mer. La Belgique extrait 4 000 000 m3 de sable chaque année dans la mer du Nord. Mais il y a vingt ans, un trou est apparu au large de la côte. Un grand trou…

C’est une petite rue en cul-de-sac avec des pavés larges, des bungalows bas de plafond, située quelque part à Ostende. La Kwintebank­straat doit son nom à une formation de bancs de sable s’étirant à quelques kilomètres au large de la côte, trois mètres sous le niveau de la mer. Une seule rue porte le nom de Kwintebankstraat, mais des milliers de bâtiments et voiries – dont le Brico et le fritkot du coin, ou la route à quatre bandes voisine – ont probablement été fabriqués avec le sable qui en provient. Même la plage, à quelques centaines de mètres, a sans doute été renforcée avec l’or beige du Kwintebank, cette pépite longue de 15 km pour 2 km de large.

Si vous remontez la chaîne d’approvisionnement jusqu’à la source, il y a de fortes chances que vous appreniez que le béton de votre maison a été fabriqué grâce aux bancs de sable de la mer du Nord. Ces vieilles formations géologiques sont exploitées depuis des décennies par de gigantesques navires de dragage dotés d’une espèce de grand tuyau d’aspirateur. Cette année, l’extraction de cet or beige a encore augmenté et la loi maritime doit être révisée. L’occasion ou jamais de se demander : quel avenir pour nos réserves de sable ?

Trois fois par an, Vera Van Lancker, géologue marine à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, part en mer observer les bancs de sable. À bord du RV Belgica, le navire de recherche de la politique scientifique fédérale, elle aide à remonter des carottes d’échantillonnage depuis les fonds marins. Les échantillons sont remplis de sédiments dessinant des bandes de couleurs et de textures : « Ce ne sont pas juste des masses de sable hétérogènes. Les bancs contiennent des couches qui se sont créées depuis des milliers d’années. »

Dents de mammouth

Il est possible que ces amas aient été formés quand les fonds marins étaient un lieu plus sec. À une époque lointaine, cette partie de la mer était faite de marais reliant les contrées qui les entouraient. Les rivières qui s’écoulaient de ces basses terres ont déposé des sédiments. « Certains de ces dépôts sont en fait des reliques de lits de rivière », explique la géologue. Ils sont truffés de vie. Depuis que du sable de la mer du Nord a été utilisé pour renforcer la côte de Monster, aux Pays-Bas, les riverains ont retrouvé des morceaux d’anciens cimetières humains sur leurs plages. Une ligne d’assistance existe d’ailleurs pour les sociétés de dragage, lorsqu’elles trouvent quelque chose en aspirant du sable. Souvent, ce sont des dents de mammouth.

Vera Van Lancker mène des recherches sur les sédiments de la mer du Nord et l’impact de l’extraction de sable. La quinquagénaire a une façon bien à elle de transformer, par ses mots, des journées rugueuses passées à braver la mer en de simples remous. Lorsqu’elle a commencé à travailler sur la mer du Nord à l’Université de Gand, c’est le besoin d’approcher les bancs de sable par diverses disciplines qui l’a attirée. « C’est un univers où la biologie et la géologie se superposent, car les espèces retrouvées sont littéralement intégrées à leur sédiment. » Il y a trente ans, durant son premier cycle universitaire, elle s’est portée volontaire pour des missions à bord du RV Belgica. Elle a adoré voir tous ces scientifiques virevoltant autour de leurs ordinateurs et leurs laboratoires. Mais ce qu’elle a surtout aimé, c’est ouvrir la porte qui donne sur le pont, là où l’odeur de café est brusquement remplacée par une bonne gifle d’air marin. À marée basse, leurs lignes de crête se trouvent à quelques pieds à peine sous la surface de l’eau et leur masse gigantesque peut faire changer les courants marins. Ça se voit à l’œil nu.

La Mecque de l’extraction

L’extraction de sable en mer du Nord a démarré dans les années 70. Au début, un banc de sable au large de Nieuport a attiré les navires d’extraction, appâtés par ses quantités et qualités de sable dignes d’un conte de fées. Un sable trop fin donne du béton qui ne va pas bien se lier. Trop gros, il rendra le béton moins malléable. Le Kwintebank, avec son « sable semi-grossier » est devenu la Mecque de l’extraction, et les concessions, accordées par le gouvernement, ont vite augmenté. De 30 000 m³ par an en 1980, on passe à plus de 1 000 000 m³ dix ans plus tard. Au début des années 2000, c’était 2 millions de mètres cubes. Entre 1980 et 2000, plus de 75 % du sable marin belge a été extrait sur le Kwintebank. Tout le monde espérait que le sable de mer allait pouvoir offrir à l’industrie de la construction l’alternative renouvelable aux carrières terrestres. Qu’il serait possible de « draguer dans le respect de la nature » si l’on donnait du temps au sable pour se régénérer. « Les ressources iné­puisables de sable de la mer », titrait en 2011 De Tijd, à l’occasion d’une interview avec René Desaever, patron de la société NHM, qui détient actuellement le droit d’aspirer 700 000 m³ d’or beige par an. « Ça a l’air trop beau pour être vrai », écrivait d’ailleurs le journaliste. En effet.

Au début des années 2000, les scientifiques ont découvert un « abaissement » dans le Kwintebank. Et n’ont pas pu tout de suite en jauger les conséquences. Mais, « depuis qu’il y a de l’extraction, nous contrôlons ses impacts », explique Vera Van Lancker. En 2003, des géographes du SPF Économie, en charge de la régulation des limites d’extraction, remarquent que le trou atteint la limite légale d’extraction de cinq mètres de profondeur, la hauteur d’un bus à double étage. La partie la plus touchée du banc de sable est alors interdite d’exploitation. Le navire Belgica reçoit un nouvel équipement : un échosondeur qui envoie des sonars (des signaux non audibles par l’être humain) au fond de la mer pour évaluer les fonds marins. En remontant, les pings révèlent alors le problème. Le trou, grand comme dix terrains de football, ne se remplit plus de sable. Quand Vera Van Lancker écrit un article sur le sujet en 2006, ses conclusions créent la surprise dans le milieu scientifique. L’extraction dans le respect de la nature ne serait donc pas possible, conclut-elle.

15 fois la tour du Midi

Depuis, les scientifiques ont ausculté le fameux trou. Même si du sable était apporté, puis emporté sur l’ensemble de la zone par les robustes courants marins de la mer du Nord, il était trop fin pour combler et renforcer la cavité. Koen Degrendele, géographe au SPF Économie, s’avoue avoir été surpris de la forte corrélation entre les volumes de sable extraits et la taille du trou.
« D’une certaine façon, cela a facilité notre monitoring, explique-t-il. Si vous enlevez 3 000 000 m³ de sable de notre plateau continental, c’est 3 000 000 m³ de sable que vous ne récupérerez pas. » Après 15 ans, la fosse est toujours visible. « Ça ne va pas se boucher durant notre existence », prévient Vera Van Lancker.

Aujourd’hui, les quotas d’extraction ont pourtant augmenté : le fédéral autorise 4 000 000 m³ par an. Soit quinze fois le volume de la tour du Midi, extrait sur environ 65 km2 de concessions. Les bancs de sable sont la mine la plus productive de Belgique. Au rythme où va l’extraction, combien d’années de sable nous reste-t-il ? Selon Koen Degrendele, « même si de nombreux facteurs jouent un rôle selon les différents types de sable », le semi-grossier – le plus apprécié pour le béton – n’en a plus que pour quelques décennies. « Peut-être cinquante ans, maximum, dit-il. Les réserves s’épuisent plutôt rapidement. »

Limiter

Avril 2021 – Sarah Vanden Eede appuie sur le bouton rouge pour mettre fin à une vidéoconférence. Elle vérifie que la conversation est bien coupée, puis écrit à ses collègues sur WhatsApp : « Ça semble prometteur. » D’après la présentation qu’elle vient de voir, la prochaine révision de la loi maritime devrait rendre plus difficile l’octroi de concessions minières dans les zones maritimes protégées. Mais sans voir tout le texte, elle ne peut en être certaine. « J’y croirai quand je le verrai », ajoute-t-elle.

Sarah Vanden Eede pilote la thématique mer du Nord pour le WWF Belgique. La réunion à laquelle elle vient de participer s’inscrit dans une série d’échanges nourris entre le ministère de la Mer du Nord de Vincent van Quickenborne et une série d’acteurs du secteur maritime. La loi qui doit être révisée s’appelle Marien Milieu Marin ou MMM. Sa nouvelle mouture pourrait signer une victoire pour les défenseurs de l’environnement. Sarah Vanden Eede l’espère, en tout cas, car c’est la première fois que le texte est remis sur la table depuis vingt ans. Les ONG de la coalition 4Sea (WWF, Greenpeace, Natuurpunt et Bond Beter Leefmilieu) veulent que le texte limite enfin les activités qui perturbent les fonds marins dans les zones marines protégées de la Belgique, comme l’extraction ou le chalutage à perche.

Comment est-il possible que l’on puisse extraire dans une zone protégée ? Les exceptions ont été inscrites dans l’ADN de la loi il y a vingt ans, quand le gouvernement a désigné son tout Premier ministre de la Mer du Nord, Johan Vande Lanotte (sp.a).

En 2003, concluant de nombreuses années de résistance de la part des acteurs industriels, Vande Lanotte a réussi à consacrer la première aire marine protégée de Belgique, un parc Natura 2000 au large de Coxyde – sélectionnée parce qu’elle abritait des bancs de sable aux habitats uniques. Mais il est vite apparu que ces mesures avaient une contrepartie.

« La nouvelle loi ne devait pas toucher aux activités existantes dans cette zone protégée, c’était ça le compromis », explique An Cliquet, experte en droit environnemental à l’Université de Gand. Une longue liste d’activités a donc été exemptée, dont les activités militaires. Les zones de pêche sont restées une compétence flamande et l’extraction de sable a continué d’être régie par une loi fédérale de 1969 sur la gestion du plateau continental. Les opposants à la loi la qualifièrent donc de coquille vide.

L’exception qui tue

« Et c’est toujours le cas, estime Sarah Vanden Eede, du WWF, la loi interdit toutes les activités… sauf cette longue liste d’activités. » Quand est arrivée la possibilité d’étendre la zone Natura 2000 en mer du Nord, le monde industriel n’avait donc pas beaucoup de raisons de résister. Pourtant, la nouvelle zone est désormais six fois plus vaste que l’ancienne réserve naturelle, qui avait été fortement contestée par ces mêmes acteurs industriels. « La façon dont la loi avait été rédigée impliquait que ces parcs n’étaient en fait que des lignes sur une carte », conclut An Cliquet.

Aujourd’hui, la zone Natura 2000 couvre un tiers de la partie belge de la mer du Nord. Elle inclut trois bancs de sable : Kwintebank, Buiten Ratel et Oostdyck, qui se suivent presque en enfilade. Tous ont continué d’être exploités depuis qu’ils sont censés être « protégés ». Après qu’une portion du Kwintebank a été fermée, l’extraction s’est intensifiée sur le banc de sable situé juste derrière, le Buiten Ratel, jusqu’à ce qu’une dépression profonde s’y forme et qu’il soit fermé à l’exploitation en 2015.

Les avis divergent quant à l’efficacité des lois sur la protection de l’environnement maritime belge. « La Belgique a été pionnière dans la planification de l’espace maritime, explique Frank Maes, expert en droit maritime à l’Université de Gand. Nous en sommes au second plan quand d’autres pays viennent juste de valider leur premier. Au moins, la situation est bien contrôlée en Belgique. » An Cliquet ne partage pas cet avis. À ses yeux, les lois ne donnent pas la priorité au respect de l’environnement. « Je comprends qu’il est difficile de refuser les activités économiques, mais si elles continuent à ce rythme, nous n’allons pas pouvoir bien conserver ces zones. » Pense-t-elle que les exceptions entrent en collision avec les obligations de conservation et restauration prévues par Natura 2000 ? « Absolument. » An Cliquet répète le mot. Trois fois.

Changer la loi

La coalition 4Sea espère que l’extraction de sable ne figurera plus dans les exceptions à la loi. Même si les sociétés actives dans l’extraction rendent des évaluations d’impact environnemental, le WWF Belgique estime que tant qu’elles sont exemptées dans le cadre du Marien Milieu Marin, il n’y aura pas de réels incitants pour permettre aux zones touchées de se reconstituer. « L’idée n’est pas de bannir toute l’activité, mais de rendre l’obtention de concessions plus difficile, déclare Sarah Vanden Eede. La Belgique dit qu’elle a protégé un tiers de son espace maritime, mais nous ne cessons de perturber les fonds marins dans des zones désignées comme précieuses au niveau écologique pour leurs bancs de sable – c’est un fameux paradoxe. »

Par mail, un attaché de presse du cabinet Van Quickenborne nous écrit que la révision de la loi clarifierait la question de l’extraction. Ce que « clarifier » signifie pour le ministère n’est pas très clair…

Les navires qui exploitent le fond de la mer sont appelés des dragues à élinde traînante. Depuis la plage, ils ressemblent juste à de gros bateaux. Tout le travail se fait sous l’eau. Lorsque le navire est bien positionné, des grues immergent un long tuyau d’aspiration qui se termine par une tête de la taille d’une petite voiture, posée ensuite sur le sable. Lorsque les pompes s’enclenchent, le navire avance doucement, traînant ces tuyaux derrière lui, qui emportent des parties du lit de la mer dans leur sillage. De l’eau de mer et des sédiments viennent remplir la cale jusqu’à ce que le bateau semble à moitié immergé.

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Quatorze sociétés détiennent des licences au large de la côte. Le volume annuel belge de 4 millions de mètres cubes par an semble maigrichon par rapport aux 12 millions de mètres cubes britanniques ou aux 40 millions de mètres cubes des Néerlandais, leaders mondiaux. « Mais quand vous comparez les chiffres par rapport à la taille des fonds marins détenus par chaque pays, la Belgique affiche une exploitation très intense », explique Vera Van Lancker. Malgré sa petite côte de 60 km, la Belgique est un géant mondial du dragage. Les sociétés DEME et Jan de Nul sont parmi les cinq plus gros « dragueurs » du monde. Dans les eaux domestiques, DEME est actuellement le plus grand détenteur de concessions sur les bancs de sable belges (1 200 000 m³), tandis que Jan De Nul a obtenu le contrat qui lui permettra d’utiliser les dragues les plus imposantes du monde au service de la reconstruction des plages de Knokke.

Drague lourde mais invisible

Sauf si vous vivez à Nieuport, Ostende, Zeebrugge, le va-et-vient de sable entre l’eau et la rive reste pourtant invisible. À son arrivée sur la terre ferme, le sable est ensuite filtré et nettoyé dans les ports et transporté par barges vers l’intérieur du pays. L’augmentation de l’extraction maritime coïncide avec la disparition des carrières terrestres. Depuis 1980, nous sommes passés de 80 et quelques carrières de sable à seulement une poignée.

Les réserves limitées de la Belgique symbolisent un problème mondial. Les derniers chiffres de l’OCDE prédisent que la deman­de en sable, gravier et pierre concassée va doubler d’ici à 2060. Leur tonnage va dépasser de loin celui du bois, des récoltes agricoles et des carburants. Alors que la demande sera stimulée par l’urbanisation rapide de la Chine et des pays d’Afrique subsaharienne, l’utilisation par l’homme des sédiments, à son rythme actuel, est 24 fois plus importante que sa régénération naturelle par les rivières et les océans.

Aurora Torres, chercheuse en écologie à l’Université de Louvain, cite ces chiffres dans une nouvelle étude. Elle estime que la pression sur les réserves de sable « va probablement confronter des écosystèmes déjà bouleversés à des dommages irréversibles et suscite déjà la crainte d’une pénurie ».

Même si des statistiques mondiales n’existent pas, le Programme des Nations unies pour l’environnement estime que 10 % des agrégats de sédiments tels que le sable ou le gravier viennent de la mer. Un chiffre qui devrait augmenter à mesure que les ressources terrestres s’épuiseront. La Belgique est dans le peloton de tête des dépendants à la mer : entre un quart et la moitié de son sable de construction en provient. Mais les chiffres exacts sont, une fois encore, difficiles à trouver. Si le SPF Économie peut pister les quantités de sable de construction extraites en mer, l’utilisation des réserves terrestres est sous la responsabilité de la Région flamande. Cette bizarrerie géographique implique aussi que le seul sol qui appartienne totalement au fédéral, c’est le sol marin.

Pour Aurora Torres, si le problème est global, les solutions devront être locales. « Le sable est lourd et cher à transporter sur de longues distances. » Si un pays comme la Belgique épuise ses réserves, il devra sans doute en importer, prédit-elle. Avant que cela n’arrive, elle espère que les pays d’Europe occidentale, « où les besoins en construction n’explosent pas autant que dans d’autres parties du monde, augmenteront le recours à des alternatives. Les déchets de construction sont déjà recyclés en matériaux de moindre valeur utilisés en ballast ferroviaire par exemple, mais il faudra davantage de recherche pour transformer du béton de qualité supérieure… en béton de qualité supérieure ». Et donc pour atteindre un recyclage optimal. Est-ce que le sable de Kwintebank pourra un jour être réutilisé pour construire une maison ?

Ressources épuisées

Tout en refusant d’être interviewés, les représentants de Zeegra, la Fédération des importateurs et producteurs de granulats marins, déclarent que leurs clients fabricants de béton « ont un besoin impératif de sable, à la fois en termes de quantité et de qualité ». Et ajoutent au passage : « Si la production de sable recyclé doit être maximisée le plus possible, celui-ci ne sera pas disponible en quantité suffisante et mènera donc à une augmentation de l’utilisation de ciment dans les mélanges et donc à une augmentation des émissions de CO2. »

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Sur ce point, l’industrie est aux antipodes des ONG. Sarah Vanden Eede, du WWF, estime que la question est surtout de savoir quand on va « se lancer complètement dans l’économie circulaire. Soit on cesse d’utiliser des matières premières et on encourage l’industrie à s’adapter, soit on accepte qu’on utilise ces ressources et les épuiser ».

Mais le sable est une ressource tellement basique qu’une baisse de la demande exige de vrais changements de société. « Nous devons réduire l’expansion urbaine et inverser les tendances en termes de surface de sol d’habitat par personne, lance la chercheuse Aurora Torres. Le défi, pour nos sociétés, c’est d’utiliser moins de matériaux en général. »

Si l’extraction augmente, Vera Van Lancker cherche, elle, à obtenir toujours plus d’information sur le fond de la mer. Son travail a permis de compiler une représentation en 3D qui montre où se trouvent les poches de sable semi-grossier et, plus important encore, jusqu’à quelle profondeur elles s’enfoncent sous le banc.

Les données ont permis de changer la limite légale d’extraction fixée à cinq mètres de profondeur. Désormais, elle dépend de l’épaisseur des couches de sable. « Cette mesure réduit la quantité de sédiments disponible de 50 % », estime Koen Degrendele, le géographe du SPF Économie. C’est beaucoup. Il estime que la connaissance du milieu garantit à l’industrie de connaître la qualité du sable et de savoir où le trouver. Selon Vera Van Lancker, « nous avons besoin d’estimations détaillées pour savoir ce qu’il y a là-dessous, pour permettre de débattre sur la base de preuves ». Toutefois, depuis qu’elle mesure les réserves, elle espère l’émergence d’un débat sur leur diminution et les priorités à donner à son utilisation. « Jusqu’à ce jour, ça n’est pas arrivé. »

La suite, c’est quoi ? En ce qui concerne la côte, la plupart des projections ont un point commun. Il va falloir extraire de plus en plus de sable. Le plan directeur de défense des côtes a déjà réservé 20 millions de mètres cubes de sable pour protéger la côte de l’augmentation de 30 cm du niveau de la mer qui pourrait se produire d’ici à 2050. Pendant ce temps, le secteur éolien dépend de vastes quantités de béton pour fixer les éoliennes dans la mer. Chaque fois qu’un pays de la mer du Nord envisage la construction d’une île énergétique (qui nécessite en moyenne environ 30 millions de mètres cubes de sable), Vera Van Lancker se demande d’où va venir la matière première.

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