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Big bisou

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Bihua Yang. CC BY-NC-ND.

En Belgique, on se claque la bise. Ou, plutôt, on se « fait la bise ». Une seule. Entre mecs, entre collègues et même avec des inconnus. Mais pas op avec les Flamands !

« On se fait la bise ? » À peine la question posée, la joue est tendue. En Belgique, même notre Albert II national sert du « gros kiss » à Paola lors de son discours d’abdication.

Ce qui marque la belgitude de ce geste quotidien, c’est notre capacité, voire notre candeur à l’appliquer dans presque n’importe quelle circonstance. Pour Chris Paulis, anthropologue à l’Université de Liège, cette révolution culturelle a été très rapide : « Dès les années 70, la jeunesse belge a imposé sa norme. À partir de Mai 68, elle a voulu se distancier de ses aînés et des codes bourgeois en brisant l’interdit. S’embrasser est devenu une manière de marquer l’égalité avec son prochain. »

En Flandre, par contre, n’essayez jamais de faire une bise à un inconnu. L’ancien entraîneur de judo et politicien Jean-Marie Dedecker (N-VA) résumait ainsi la chose : « Un Flamand ne fait pas la bise. » À moitié vrai. Selon un sondage (salé) mené par Croky sur 1 057 Belges en 2019, 90 % des Wallons salueraient leurs amis avec une bise, contre seulement 55 % des Flamands – ce chiffre descend même à 13 % lorsqu’il s’agit de saluer ses collègues. « Les pratiques se sont développées de manière différente en Wallonie et en Flandre, explique Chris Paulis. On a beaucoup de différences culturelles, réelles ou entretenues, qui font que nos comportements n’évoluent pas de la même manière. En Wallonie, la camaraderie et la bonhomie ont été mises en avant, et ce geste s’est renforcé. »

Outre-Quiévrain, n’allez pas non plus tenter de « donner une baise ». D’abord, on fait minimum deux bises, voire plus selon les régions, mais, surtout, vous risqueriez d’être mal compris. « En France, le fait de s’embrasser entre hommes est très récent et vient probablement de chez nous, avance l’anthropologue liégeoise. Du fait de sa taille, la Belgique a une capacité d’adaptation aux normes plus rapide que ses voisins. » En 1991, Nadine de Rothschild, baronne française de la bienséance, rappelait dans son manuel de savoir-vivre que « des hommes et des femmes qui ne se connaissent pas en restent à la poignée de main ».

Si ce bètch est devenu une pratique culturelle banale, hors de l’intime, il nous rappelle à quel point la société belge est encore capable d’embrasser rapidement le changement et faire fi des conventions.

Allez, gros bisou.

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