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Prendre soin de nous

Fanny Dubois

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Colin Delfosse. CC BY-NC-ND.

Voir mourir, ça marque. Alors qu’elle était en dernière année de sociologie, Fanny Dubois a suivi une formation d’aide-soignante, le temps d’être dégoûtée. Des chambres du couloir de gériatrie (qui signifie souvent « fin de vie »), elle est ensuite passée à la Mutualité socialiste (Solidaris) pour réfléchir aux rouages de la Sécurité sociale. Un mécanisme de solidarité qu’elle chérit. Et la voilà à 32 ans à ce poste à responsabilité : secrétaire générale de la Fédération des maisons médicales et collectifs de santé francophones depuis avril 2019. « Je n’ai pas peur de dire que j’ai envie de gagner en pouvoir d’agir dans la société, d’influencer plus structurellement les décisions. » Large sourire accroché aux convictions, Fanny Dubois ne débarque pas aux maisons médicales par hasard. L’aide-soignante en a bavé. La sociologue a écouté. La secrétaire générale veut changer le système.

Médor : Votre année en tant qu’aide-soignante semble avoir marqué votre parcours.

Fanny Dubois : Mon attachement aux maisons médicales vient de cette période. En tant qu’aide-soignante d’un hôpital, désolée pour l’expression, mais vous êtes considérée comme une frotte-merde. Le médecin de votre service ne connaît même pas votre prénom. J’étais en gériatrie. Tous les patients n’étaient pas en fin de vie mais, quand c’est le cas, les décisions se jouent en dehors de lui et les accompagnants les plus proches n’ont pas beaucoup d’importance. Les aides-soignantes sont celles qui vous changent, vous lavent, vous habillent, vous donnent à manger. Ce sont les personnes qui passent le plus de temps avec le patient et, pourtant, elles sont mises dans l’ombre lors des réunions d’équipe, alors qu’elles ont des choses à dire. J’ai un exemple qui ne me quitte pas, auquel je pense souvent. Un monsieur de plus de 90 ans était à bout. C’était clair. Le gars était couvert de tuyaux qu’il arrachait. Pour le médecin, il pouvait encore tenir. Alors qu’il n’en pouvait plus, on devait encore lui poser une sonde naso-gastrique. Les infirmières et les aides-soignantes ce jour-là s’étaient toutes opposées à la décision du médecin de continuer à « enfoncer le tuyau ». Mais nous étions obligées de poser la sonde. L’infirmière n’y arrive pas. Je l’aide. Le médecin voit que les choses se compliquent. Il appelle la cellule des soins intensifs et là, le vieux meurt. Comme ça. Dans ces agressions. J’en ai pleuré. Ce n’est …

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