Le casque, ce crève-vélo
Enquête (CC BY-NC-ND) : Isabelle Masson-Loodts
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Le casque obligatoire pour les cyclistes, une fausse bonne idée ? La proposition émane souvent des lobbies automobiles… dont semble faire partie notre Institut
pour la sécurité routière (IBSR).
L’obligation du port du casque pour les cyclistes […] ferait-elle partie d’une stratégie anti-vélo émanant du lobby de l’industrie automobile ? »
En février dernier, c’est par ces mots que le blogueur @Zinne
[bi]ke ouvrait un billet intitulé « L’Institut belge pour la sécurité routière : lobby auto, anti-vélo ». Il y égratignait un plaidoyer en faveur de l’obligation du port du casque pour les cyclistes de moins de 14 ans, que plusieurs médias venaient de relayer.
Un mois avant que le port du casque vélo ne devienne obligatoire en France pour les moins de 12 ans, l’Institut belge pour la sécurité routière (IBSR) alignait en effet une série de chiffres « montrant le bien-fondé d’une telle mesure » : au moins 700 cyclistes de moins de 14 ans impliqués chaque année en Belgique dans un accident, dont une cinquantaine tués ou gravement blessés (une fois sur deux à la tête) et une réduction de 70 % du risque de blessure à la tête lorsqu’on porte un casque. Selon l’IBSR, 60 % des Belges seraient d’ailleurs favorables à cette mesure : « L’argument souvent invoqué par les associations contre l’obligation du port du casque est le fait qu’elle risque de décourager la pratique du vélo. Pourtant, aucune étude fiable ne montre que l’imposition du casque pour les enfants ait des effets dissuasifs à long terme sur la pratique du vélo. »
Jouer sur les peurs
Depuis plusieurs années, le GRACQ (Association des cyclistes francophones), comme d’autres mouvements pro-vélo partout dans le monde, milite pourtant pour que le port du casque reste un choix personnel et non une obligation. Leur argument principal ? La sécurité par le nombre : il est prouvé que plus il y a de cyclistes sur les routes, moins ils sont en danger. Au Danemark ou aux Pays-Bas, la pratique du vélo est très élevée, le port du casque très peu répandu et les taux de mortalité cycliste très faibles… « En imposant une contrainte supplémentaire pour le cycliste et en donnant du vélo l’image d’une activité potentiellement dangereuse, le casque obligatoire constitue un frein majeur à la mise en selle et donc à la croissance du nombre de cyclistes », explique le GRACQ. Remarquant au passage que le meilleur défenseur de cette idée était le lobby automobile.
Et c’est sur ce point, précisément, que @Zinne[bi]ke a vu rouge : « Je pensais que l’IBSR était un organisme d’intérêt général. […] Ça m’a fait un choc de découvrir qu’il s’agit depuis 2016 d’une entreprise privée, dont le capital fixe est détenu à 60 % par le Royal Automobile Club de Belgique, un lobby dont la mission revendiquée est de “favoriser le développement et la diffusion de la locomotion automobile” ! » Le blogueur relevait aussi une autre source potentielle de conflit d’intérêts : l’Institut possède un laboratoire « casques » dont la tâche est d’homologuer les casques pour permettre aux constructeurs de les vendre en Europe.
La sécurité de qui ?
Benoit Godart, porte-parole de l’IBSR, se défend : la récente scission de l’IBSR en un holding à activités commerciales d’une part, et un centre d’études d’autre part, rend ce dernier apte à travailler de façon objective et neutre. « Nous n’avons aucun intérêt commercial à rendre le casque obligatoire puisqu’on ne gagne pas plus, que l’on homologue 10 000 casques ou 10 casques : on fait ça par lots. » Du côté du GRACQ, on préfère ne pas entrer dans la polémique, explique Florine Cuignet, chargée de communication : « Ce que l’expérience nous montre, c’est qu’il est plus facile de promouvoir l’obligation du port du casque que de prendre des mesures telles que la généralisation des zones 30, qui pourraient montrer des bénéfices pour l’ensemble de la société, pas seulement en termes de sécurité mais aussi en termes de qualité de vie et d’environnement. »