Cher bourgmestre - épisode 3

Mon beau balcon, dis-moi où regarder

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Laurent Poma. CC BY-NC-ND.

Jacques Gobert a du sang sicilien dans les veines – sa mère vient du Sud, l’aviez-vous remarqué ? De son père, il a hérité l’assurance d’une destinée aisée et les commandes d’un petit bureau de courtage, à Strepy-Bracquegnies, juste à côté de la FGTB. « Gobert Assurances », c’est eux, le père, le fils bourgmestre et le petit-fils. [Médor reconnaît ici son erreur et ne cherchera pas à la maquiller : Jacques Gobert a lancé lui-même ce bureau d’assurances ; il n’en a pas hérité. C’est Jacques Gobert en personne qui nous a signalé l’erreur, en nous téléphonant à 13h37 ce mercredi.] En revanche, le Groupe Gobert, qui vend des matériaux de construction, ça n’a rien à voir, même si le bâtiment a de quoi fasciner quand on gère une ville comme La Louvière.

« On m’a dit qu’au fond, Jacques Gobert m’aimait bien, confesse un rival politique. J’en ris encore. Je n’avais pas remarqué… » Pour beaucoup, il a l’air pincé, le maïeur. Dans le costume du chef, à l’occasion d’une de ces mondanités où il entretient son réseau (clientéliste ?), le quinqua aurait l’art de filer d’un invité à l’autre. « Excuse-moi, je dois saluer un tel ». Et un tel, et un tel. Et ainsi le bourgmestre s’évite d’avoir à parler de lui, de sa stratégie, de ses projets politiques. Toujours dans le contrôle. Il refuse par exemple de débattre en public, à notre initiative, à propos du projet Strada.

En fait, il se lâcherait vraiment quand il est à la fête annuelle de la salciccia (la saucisse). Dans un élan authentique de convivialité, tout le village de la mamma rapplique alors place Communale, cœur de Louvière, sur ces terres d’immigration ayant généré tant d’emplois et de désillusion. Mais même là, Jacques Gobert, un nom trop commun à porter quand on cherche à s’affirmer ?, préfère venir accompagné de son clan rapproché. Et de ses groupies.

Aime-t-il le pouvoir ? Pas si sûr, au fond. Il l’a pris en entrevoyant une opportunité de carrière, au lendemain des élections du 8 octobre 2006. Il a assisté sans rien dire à la mise à l’écart du populaire Willy Taminiaux, un vrai socialiste, lui. Il a ensuite gardé la timbale. Il a fait le vide autour de lui. Aujourd’hui, commerçant, artiste ou promoteur immobilier, il faudrait être sot pour l’ignorer : ce pouvoir conquis par surprise, Jacques Gobert l’a cadenassé à double tour sans permettre à un héritier de se démarquer.

Ce mardi 8 octobre 2019, Médor a pu le rencontrer une petite heure dans son hôtel de ville et saisir un cliché pour l’éternité. « La Louvière s’est refait une image par la culture, tout en développant ses infrastructures économiques. Tout n’est pas parfait mais la crise frappe aussi ailleurs », résume-t-il en ramassant ses mots.

Et les critiques virulentes d’une partie de la population sur ses excès d’autorité (référence à des stickers satiriques, moqueurs ou agressifs collés dans la ville depuis quelques mois) ? « Ce n’est pas dans le cadre de cette interview. Restons-en là ! », s’emporte-t-il une seule fois lors de notre rencontre. Il se reprend assez vite, sans dérapage. « Je porterai plainte. »

Jacques Gobert fêtera bientôt ses treize ans d’ancienneté à la tête d’un empire du Centre snobé par les deux derniers présidents socialistes en exercice. Paul Magnette, le Carolo, et Elio Di Rupo, le Montois. Jamais il n’a pu auprès d’eux compenser le manque de représentativité historique des Louviérois dans les cercles de pouvoir. Frustrant ou logique ? On peut aimer sa ville, connaître ses dossiers sur le bout des doigts et bûcher davantage que d’autres bourgmestres, le petit chouia de vision politique qui fait la différence, ça ne se greffe pas…

Jacques Gobert est-il conscient que quelque chose lui échappe, là ? Les soucis financiers de La Louvière, la perspective d’un fiasco infernal sur les chantiers du centre-ville, les critiques quant à sa gouvernance à l’ancienne, manquant de transparence, trop paternaliste et inhibant. Comme à chaque fois, ces contrariétés, il aurait tendance à les gérer à sa manière. En serrant les bras et les mâchoires. Comme sur la photo.

Demain, nous rencontrons Salvatore Curaba. C’est lui que vous avez choisi lundi.

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