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Chapitre 2 : La mort d’un quartier (et d’une entreprise) !

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Rue aux Ruelles, 4500 Huy.

Serena Vittorini. CC BY-NC-ND.

Propriétaire de nombreuses maisons laissées à l’abandon dans un quartier de la rive gauche hutoise, Marc Hennau est affublé du surnom « l’homme aux 100 maisons. » Sous sa gestion, le patrimoine familial construit sur plusieurs décennies s’est effrité. Récit de la déliquescence d’un quartier et tentatives d’explication.

« C’est un enfer d’habiter ici, personne ne veut venir y vivre » se plaint une riveraine. Sur quelques rues, à quelques encablures du centre commercial du Batta et de ses deux tours, près d’une dizaine de maisons murées sur décision de la Ville, autant abandonnées. La bâche recouvrant une toiture en rénovation (dont les travaux sont à l’arrêt) pend le long d’une façade et claque sous le vent. Une vitre est brisée. Quelques mètres plus loin, les stigmates d’un incendie lié aux squatteurs restent visibles sur les murs et la charpente. Les surfaces commerciales de l’ancien Tom&Co et Delhaize restent désespérément vides.

Depuis plus de dix ans, le quartier Axhelière se détériore. Il est bien loin l’âge d’or du quartier, lié à celui de la famille Hennau, propriétaire de nombreux bâtis dans le secteur. Peu étonnant, dès lors, de voir le destin du quartier lié à celui du multipropriétaire, même dans les mauvais moments. Mais comment expliquer le déclin de ce patrimoine familial en quelques dizaines d’années ? Les raisons sont plurielles. Tentatives de réponses.

Au nom du père

Juillet 1993. Le fils unique d’Astrid Sondron et René Hennau, Marc va sur ses 25 ans. Il est nommé gérant de la société « Société de Gestion Immobilière Hennau & Fils », tout comme ses parents. Il dispose des pouvoirs les plus étendus et peut représenter seul la société durant un mandat illimité. À ce moment, lui est plutôt branché informatique. Mais étant le seul héritier, il découvre les affaires familiales aux côtés de ses parents. Des parents très présents, malgré l’âge avançant, et la démission du papa, René, en 2005 de sa qualité d’administrateur de la société.

Quel champ d’action avait réellement Marc au début de son mandat ? Y aurait-il eu des divergences dans la famille sur la manière dont les bâtiments et l’héritage devaient être gérés ? En 2016, Marc déclarait dans le journal La Meuse – une de ses rares interventions publiques - « avoir des différends à régler, notamment sur le plan familial, » niant posséder l’ensemble des lots problématiques et avoir fait preuve de négligence. « C’est vrai que c’est inquiétant de se rendre là-bas, on ne sait jamais sur qui on va tomber », admettait-il tout en annonçant la démolition de trois maisons trop difficiles à rénover.

La faillite de Hennau & Fils

Fondée en 1986, la société Hennau & Fils, (dont Marc était gérant non statutaire) est active dans la gestion immobilière, mais pas seulement. La culture de céréales, les travaux électriques en bâtiment, ou les activités de soutien lié aux bâtiments rentrent également dans ses classifications. Car, en plus des maisons et terrains, la famille possède des terres agricoles notamment à Héron, commune voisine. En 2005, la société accuse la réception en nature de biens et immeubles appartenant à l’oncle (Mathieu) et au père (René) ainsi qu’à l’épouse de ce dernier, Astrid Sandron. Entrepôts, bâtiments industriels, box de garages, parcelles, … Des biens essentiellement situés à Huy, mais également à Antheit, Couthuin ou encore Seilles. La somme évaluée de ces apports ? 347 000 euros. Une coquette somme pourtant bien dérisoire. Les actifs de la société ne représenteraient qu’à peine 20 % du patrimoine total.

Dix ans plus tard, bardaf, c’est la faillite. Lorsque la société met la clé sous la porte, en août 2017, Marc est seul gérant depuis le décès de sa mère. Quelles causes ont conduit à cette cessation d’activité ? Peu d’éléments ressortent de la lecture des comptes. Le dernier bilan financier déposé à la centrale des bilans date de 2012. Trop vieux, peu représentatif, il ne présente aucun signe alarmant, tout au plus une activité stagnante. Quelques créances, un patrimoine essentiellement constitué de bâtiments, … des résultats tout à fait classiques pour une société essentiellement immobilière.

Depuis la déclaration de faillite, ces biens ne dépendent en tout cas plus de Marc Hennau. Une curatrice est en charge de la vente des actifs. Mais force est de constater, qu’aujourd’hui, la situation a peu évolué malgré cette (re)prise en mains. Ce que le bourgmestre, Christophe Collignon, a vivement regretté en septembre dernier au conseil communal. « La curatrice a refusé des offres de la Ville et de la Régie (foncière). (…) Le Collège a dû prendre des mesures après que la curatrice ait été mise en demeure et soit restée en défaut d’agir » Les acteurs ont changé. Pas la situation.

Un homme débordé

Dernière hypothèse, l’habit est tout simplement trop grand pour un homme seul. Dans la famille, on n’aime pas dépenser le sou et peu d’investissements sont réalisés dans les maisons. Sauf qu’au fil des ans, des travaux d’entretien sont à prévoir. Mise aux normes de l’électricité, du gaz, un peu de tapissage…. « Jamais de grands chantiers, souligne Joseph Fievez, ancien locataire. Marc était plein de bonne volonté. Mais il était débordé. Il commençait tout, ne finissait rien. » D’autant plus que, dans la famille, personne ne veut payer pour ces frais. « Dans mon cas, l’immeuble appartenait à Marc, et l’usufruit aux parents. Chacun estimait qu’il revenait à l’autre de payer les frais. »

Un manque de transparence (sur les charges liées au chauffage par exemple), des loyers non-perçus, des petits travaux négligés ou abandonnés en cours de route, des immeubles récupérés en mauvais état… les locataires sortants ne trouvaient pas toujours de successeur, à partir des années 2000. L’effet boule de neige était lancé. Le temps faisait son œuvre et, une dizaine d’années plus tard, les fenêtres étaient murées. Excédée, la Ville attaque Hennau en justice.

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