Des ados, des dents, de l’argent
L’orthodontie, entre business et santé
L’orthodontie est la science qui aligne vos canines, molaires et gencives. Elle redresse les dents, soigne votre sourire, mais, surtout, prévient des complications de santé. Ces soins de bouche sont devenus un passage incontournable de l’adolescence.
Dans la cour d’école, les appareils s’exposent tandis que les frais explosent. Mais comment distinguer le soin de santé du souci esthétique ? Pourquoi la bouche de mon ado me coûte le prix d’une bagnole ?
Médor lance une grande enquête participative appelée « Sourire Jeune » (à suivre sur www.medor.coop/sourire). Votre mag’ veut rassembler un maximum de devis pour comprendre comment le secteur de l’orthodontie fonctionne. Envoyez-nous les vôtres via le formulaire ci-dessous.
Trois questions charpentent notre enquête.
1 – La question « Santé OU Stylé » : ces soins, c’est pour la santé ou pour le look ?
« Le sourire est d’une grande importance dans la vie de tous les jours. Cela entraîne un effet positif sur vous et votre entourage. Alors, n’attendez plus ! » (site orthodontie Dian, Etterbeek).
Vous débarquez dans un cabinet dentaire. Et le couperet tombe. Il faut un appareil à votre enfant. Mais pourquoi ? Quels sont les risques de ne pas en mettre ? Entre une dysmorphose dento-maxillo-faciale et le désir d’avoir le sourire de Tom Cruise, les besoins ne sont pas les mêmes.
En 2008, le centre fédéral d’expertise médicale KCE a émis un rapport sur les soins d’orthodontie de nos enfants. Conclusion : « Ces traitements ne sont pas toujours médicalement fondés. »
Seize années plus tard, en mai 2024, Regina De Paepe, experte santé pour la mutualité chrétienne, intervenait dans un débat à la Chambre sur les frais médicaux : « Les traitements esthétiques sont en augmentation. » Chez les adultes, mais également chez les jeunes, « ce qui pèse sur le budget de l’assurance maladie […] Un traitement orthodontique relève très rarement d’une nécessité médicale. »
Quelle est l’ampleur du phénomène « appareil dentaire » chez les ados ? Comment faire la part des choses entre soins et esthétisme ?
2 – La question « Chic OU Chicot » : Sourire, c’est pour les riches ?
« Si les yeux sont le miroir de l’âme, nos dents indiquent plus trivialement, mais avec une fiabilité incomparable, la position que nous occupons dans la pyramide sociale. » Olivier Cyran, Sur les dents, Éd. La Découverte, 2021
Les soins dentaires ne sont pas qu’une question de santé. C’est aussi un marqueur de classes. Les dents blanches s’alignent chez les riches comme les transats le long de la plage à Knokke. Elles plantent votre décor social. Sourire, c’est un luxe ?
Bien sûr, les assurances facultatives permettent de couvrir en partie les frais. Mais qui peut se les permettre ? Des cabinets orthodontiques vont jusqu’à proposer l’établissement d’un plan de paiement, avec leur « partenaire financier » qui peut vous octroyer un crédit.
Assiste-t-on à une prise en charge de nos dents à deux vitesses ? Et puis, pourquoi cette orthodoxie absolue des dents alignées ? D’où vient cette injonction ? Faut-il y répondre ?
3 – la question « Dents sur devis, de l’or pour qui ? » : Aligner les dents, ça rapporte… Qui gagne, qui perd ?
Un devis de 6 935 euros. Pour une fuite dans votre toiture ? Pour une auto d’occasion ? Non, pour les dents de votre ado.
Comment se fait-il que des « soins » liés à la santé débouchent sur des « devis » ?
Vous rentrez chez l’orthodontiste et découvrez une lignée de postes de travail, une dizaine de personnes (plutôt jeunes, plutôt femmes) qui s’affairent, exécutent les premières tâches. L’ambiance est branchée. Café et dessins animés pour qui veut. Ça tourne, ça marche, ça roule.
Dans nos premières recherches, nous trouvons des sociétés d’orthodontistes qui dégagent des centaines de milliers d’euros de bénéfices annuels avec trois employés. Et qui s’exilent sous des cieux fiscaux plus cléments.
Regina De Paepe, lors du débat parlementaire précité, évoque le « recours à de nouvelles techniques, proposées notamment par des entreprises commerciales étrangères qui peuvent exercer une pression publicitaire très forte. Les aligneurs Invisalign en sont un exemple ».
Nous découvrons le monopole de la société américaine Align Technology, leader sur la technique des gouttières, avec des professionnels de santé « embrigadés ». Des praticiens, sans même avoir la formation universitaire en orthodontie, mentionnent des centaines d’interventions avec cette technique.
D’un côté, des opérateurs privés s’enrichissent avec des interventions non justifiées. De l’autre, l’État multiplie les remboursements pour ces « soins ». Qui est Invisalign ? Quels sont les risques pour la santé ? Quel impact financier pour l’Inami ?
Souriez, vous êtes « soigné ».
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Les devis reçus nous serviront d’exemples ou de départ d’enquêtes, mais ils ne seront pas publiés (ils seront anonymisés) sans l’accord des personnes concernées.
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