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Pause carrière

A Quenast, ce cratère qui menace les riverains

Medor33-15

À la lisière du Brabant wallon et du Hainaut, les Carrières de Quenast perforent depuis le XVIIe siècle le sous-sol de la commune. Cette exploitation à ciel ouvert est devenue au fil du temps l’une des plus grandes d’Europe et l’encombrante voisine de quelque 15 000 riverains. Aujourd’hui, elle doit s’étendre ou mourir.

Les Carrières de Quenast, c’est un vaste cratère qui érode la région de Rebecq depuis des lustres. À quelques centaines de mètres de l’impact, le village de Quenast a grandi avec l’exploitation. À l’apogée de l’extraction du porphyre (une roche magmatique du sol wallon), fin XIXe, 3 500 personnes y travaillaient. Aujourd’hui, l’activité n’en fait plus vivre que 60. Les blocs, amenés par tapis roulants, sont concassés pour produire quelque 1 500 000 tonnes de granulat par an.

De vente en rachat, la carrière a finalement atterri dans les mains de la multinationale Heidelberg Materials, 21 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Cette libéralisation, entamée dans les années 80, s’est accompagnée d’un effacement progressif du lien entre village et exploitation. Seul un employé sur trois habite encore la commune, aujourd’hui fusionnée avec Rebecq. Et pour les citadins venus chercher la quiétude du Brabant, les nuisances ne passent plus. Auparavant, « si les femmes des ouvriers se plaignaient de la poussière de la carrière sur leur linge propre, ceux-ci leur répondaient qu’il fallait se montrer reconnaissant que l’exploitation tourne à plein régime », raconte Gilbert Hautenauve, le président du cercle d’histoire de Rebecq.

Fissure

En octobre 2021, une motte de stockage s’effondre. Ce glissement de terrain, sur des dizaines de mètres, engloutit le chemin qui bordait la butte sur son versant ouest, renversant bouleaux et hêtres sur son passage. Pour les riverains, ce nouvel incident vient s’ajouter à leur longue liste de reproches : chaussées déformées, vitres brisées, nuage de poussière… Pour faire entendre leurs voix, plusieurs citoyens rassemblés en comité depuis 2019 intègrent le groupe de suivi des carrières. Cette assemblée informelle réunit des délégués du conseil communal, des villages et de la société. Mais, malgré des tentatives de conciliation, les habitants se sentent impuissants.

Au niveau national, le secteur représente un apport économique de plus de 720 millions selon la Fédération de l’industrie extractive (chiffres de 2019). Un argument qui ne fait pas le poids, face aux riverains. « C’est le fameux Nimby (Not in My Back Yard), résume Gilbert Hautenauve. Tout le monde a besoin de graviers, mais personne ne veut qu’on creuse dans son jardin. »

Cassure

Pour rester viables, les Carrières de Quenast doivent aujourd’hui s’étendre. Selon la direction, le permis d’exploitation actuel permettrait encore cinq ans d’activité. La société travaille donc à l’introduction d’un nouveau permis attendu fin 2023, pour une extension de 70 hectares. Mais, pour agrandir le trou, la drève Léon Jacques doit être supprimée. Soit la route qui relie la N6 passant par Tubize et le village de Rebecq. Cette amputation entraînerait la déviation de quelque 8 000 navetteur(se)s quotidiens vers le centre de Quenast. Pour Célie Van Audenhaege, Quenastoise membre du comité citoyen et juriste de formation, « la notion juridique de balance d’intérêt, utilisée au Conseil d’État, paraît un bon outil pour mesurer la situation. Quel est aujourd’hui l’intérêt pour la commune ? Pour les habitants ? On ne tire aucune richesse de notre sous-sol et on est une des communes les plus taxées du Brabant wallon ». Que rapporte la carrière à la commune ? La bourgmestre, comme la société, se fait discrète sur le sujet. L’entreprise étant une filiale belge du groupe basé en Allemagne, elle n’est pas tenue de communiquer ses chiffres. Reste qu’entre 2016 et 2020, les carrières n’ont payé aucune taxe communale. La Région wallonne a compensé l’équivalent de ces taxes pour tout le secteur carrier en Wallonie. Une mesure levée progressivement de 2021 à 2023.

Dans cette commune où les activités économiques ne sont pas légion, l’administration s’est toujours tenue du côté des exploitants. La bourgmestre socialiste Patricia Venturelli et son échevin du commerce et des entreprises, par ailleurs employé de Heidelberg Materials, soutiennent l’extension.

La carrière devrait donc, malgré les oppositions, s’étendre au-delà des 140 hectares qu’elle occupe déjà. Si aucun nouvel emploi n’est prévu, la direction fait valoir la pérennité de ceux qui restent. Et une possible exploitation sur 90 ans.

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