Esclaves du poulet
Le vrai prix du poulet low cost
Des demandeurs d’asile exploités comme des esclaves. Leur enfer : capturer le poulet élevé à grande vitesse dans des poulaillers puants. Parfois pour 3 à 4 euros de l’heure. Sans masque de protection adéquat. Le tout pour un produit vedette dans nos supermarchés.
Dans l’après-midi du mardi 22 août, la petite société Dimy Service utilise l’application WhatsApp pour convoquer ses « ouvriers polyvalents », comme l’indiquent leurs contrats de trois mois. C’est de l’hyperflexible. Il faut répondre très vite au signal de ralliement, sans quoi les 800 euros mensuels promis fileront entre d’autres mains.
Le message est à chaque fois semblable, émanant du patron Ismael ou de sa compagne : « Travailler ce soir. Nous viendrons vous chercher à 23 heures. » Suivent un émoji de poulet associé à un nombre de volailles à ramasser – 22 000, 50 000, et jusqu’à 164 000, le record absolu du 8 mai 2023 – et le chiffre des travailleurs jetés dans l’arène. Huit, comme cette fois à Aalter, le long de la E40, à mi-chemin entre Gand et Bruges. Pour 60 000 poulets.
Ce mardi-là, c’est la camionnette du boss, une Opel aux vitres teintées et sans mention de la société, qui mène la tournée. À 22 heures, elle démarre du domicile familial, à Pelt, tout au nord de la province de Limbourg. Une heure plus tard, la camionnette grise s’arrête pendant deux minutes rue de Hesbaye, à Liège. Il y a deux ans, l’ancienne clinique Saint-Joseph y a été reconvertie en centre temporaire pour demandeurs d’asile. Le véhicule descend ensuite vers une zone délabrée de Grivegnée, fort touchée par les inondations de l’été 2021, où embarquent d’autres travailleurs. Ils sont postés en rue, le long du quai Henri Borguet, munis d’un sac plastique contenant des bottes …