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Gym toxique

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Telma Lannoo. CC BY-NC-ND.

Depuis 2016, le mouvement #MeToo a bousculé le monde de la gymnastique. Les témoignages d’abus psychologiques et physiques se sont multipliés, notamment en Belgique. Au mois d’octobre 2023, les Championnats du monde se tiendront à Anvers. Ce sport est-il parvenu à assainir ses méthodes ? Enquête derrière les portes closes des salles d’entraînement.

Jeux olympiques d’Atlanta, 23 juillet 1996. Rotation finale en gymnastique artistique. L’équipe américaine est sur le point de remporter la médaille d’or. Reste la performance de Kerri Strug, qui vient de se blesser à la cheville. Elle exécute son deuxième saut : Yurchenko, salto, un tour et demi. Elle atterrit sur une jambe, visage en pleurs, mais victorieuse. L’équipe américaine sera championne olympique, Strug une héroïne. Lors de la cérémonie de remise des médailles, son entraîneur la porte dans ses bras, jambe plâtrée, la douleur se lisant sur son visage.

Chaque gymnaste connaît cette image. Le sacrifice fait partie de ce sport qui requiert une discipline absolue et une maîtrise parfaite du corps. Derrière l’image héroïque de Kerri Strug se cache une vérité désagréable : un entraîneur abusif, des troubles alimentaires, une ambiance de terreur. Aujourd’hui, ce coach roumain, Béla Károlyi, est connu pour avoir facilité l’abus sexuel de plus de 300 gymnastes par le médecin américain Larry Nassar. Le scandale a éclaté en 2016 et il a déclenché un mouvement #MeToo dans le milieu de la gymnastique.

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Telma Lannoo. CC BY-NC-ND

Ce monde de la gym a longtemps été le mien. Réveil, école, entraînement. La salle de gymnastique m’était plus familière que ma propre maison. Sol d’un brun jaunâtre, matelas bleus. Côté gauche, les barres asymétriques que je craignais tant. Côté droit, la poutre, 1,25 m de haut, 10 cm de large, sur laquelle j’exécutais des pirouettes. Odeur de craie et de sueur. Succès, amitié, désespoir, douleur. Le mal au ventre en ouvrant la porte, la joie quand je réussissais une nouvelle figure. La honte quand l’entraîneur me traitait de nulle et m’envoyait au vestiaire. La douleur quand je devais exécuter pour la énième fois le saut que je ne maîtrisais pas. Était-ce de l’abus ? Jamais je ne l’aurais pensé. Mon vécu ne se distinguait pas de celui de mes coéquipières de l’équipe nationale luxembourgeoise. Dans l’univers de la gymnastique, le seul que nous connaissions, c’était normal. Comme d’innombrables gymnastes et athlètes retraitées, il m’a fallu le scandale de 2016 pour comprendre que ce sport était malade, qu’il fallait un changement de culture.

Depuis 2016, les témoignages sur le harcèlement psychologique et physique de gymnastes féminines (surtout) ont émergé de tous les coins du monde. En Belgique, les premiers sont apparus à partir de 2020 sous le hashtag #GymnastAllianceBEL. Le scandale a frappé la fédération flamande, Gymfed. Alors que des sports comme le cyclisme ou le football ont une gouvernance fédérale, ce n’est pas le cas pour la gymnastique. Il y a Gymfed et la FfG, la fédération francophone. Les élites seniors (à partir de 16 ans) s’entraînent quasi exclusivement au « Topsportcentrum » de Gand. Ce sont leurs entraîneurs, Yves Kieffer et Marjorie Heuls, ainsi que l’ancien coach Gerrit Beltman qui ont été ciblés par les témoignages. « J’ai été harcelée, intimidée et malmenée pendant des années, a par exemple témoigné Dorien Motten, qui concourt aujourd’hui pour la Géorgie. J’ai été forcée de m’entraîner à Gand, loin de ma famille. Chaque jour, on me disait que je n’étais rien, que j’étais paresseuse et grosse et que je n’accomplirais rien. »

Malaise à Gand

En août 2020, le ministre flamand des Sports Ben Weyts (N-VA) a mis en place une commission d’enquête indépendante sur les comportements abusifs au sein de Gymfed. Le rapport, publié l’année suivante, parle de failles systémiques : atmosphère marquée par la peur, abus de pouvoir, volonté de dépassement mental, physique et social justifiant la violence. « Il ne faut pas perdre de vue que l’on a affaire à des sportifs mineurs qui, sous la pression et le pouvoir, ne sont pas en mesure de réagir », écrivent les auteurs du rapport.

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Telma Lannoo. CC BY-NC-ND

Gand, juillet 2021. Gymfed invite les journalistes à une conférence de presse pour réagir aux conclusions de ce rapport. Les entraîneurs français Yves Kieffer et Marjorie Heuls sont assis sur des cubes bleus. Visage sérieux, Heuls réfute les reproches envers ses méthodes d’entraînement considérées comme dures, voire violentes. « Nous n’avons jamais abusé de notre pouvoir […] À nos débuts, il pouvait y avoir des athlètes ici qui n’avaient pas le bon profil – physique et mental – pour le haut niveau. » La star de la gymnastique belge Nina Derwael est assise à côté de ses entraîneurs. Elle prend leur défense, insiste qu’il n’y a pas eu d’abus à Gand et met en garde qu’elle n’ira pas à Tokyo, le mois suivant, sans ses coachs.

Mais aurait-elle pu dire autre chose à quelques semaines de la compétition la plus importante de sa carrière ? Après la conquête d’une médaille d’or aux barres asymétriques, à Tokyo, la première pour la Belgique en gymnastique, Gymfed décida de prolonger le contrat du tandem de coachs jusqu’aux JO de 2024. Oublié, le rapport d’enquête et ses conclusions accablantes. Pas question de déstabiliser Nina Derwael.

Un sport ingrat

La gymnastique est un sport à risques : entraînements intensifs dès le plus jeune âge, laps de temps très limité pour parvenir à exécuter les figures exigeantes, risque élevé de blessure, critères de jugement subjectifs, préoccupation excessive à l’égard du poids, etc. C’est « un sport ingrat », formule Aude Risselin, ancienne membre de l’équipe belge. La pression des résultats est omniprésente, pour les coachs comme pour les athlètes. Mais, contrairement à d’autres sports, il n’y a pas d’argent, pas de médias, pas de sponsors en jeu : « Tu t’entraînes 35 heures par semaine pour trois compétitions sur une année. Si tu foires ce jour-là, si tu chutes, c’est foutu. Tu attends l’année suivante. » En même temps, la gymnastique est un sport particulièrement dangereux : « Tu dois savoir exactement où tu es dans l’air à tout moment. Une minuscule erreur, tel qu’ouvrir un salto un millième de seconde trop tard, cela peut te détruire. »

Les acrobaties compliquées sont plus faciles à exécuter avec un corps léger de petite fille, sans hanches ni seins encombrants. Dans le monde de la gym, la balance fait partie de l’inventaire. « Avant un passage à la pesée, on est allées faire pipi. On a enlevé tous nos vêtements sauf le justaucorps. Pas de tee-shirt, pas de chaussettes. Comme ça, on était plus légères », se rappelle une ex-gymnaste. À cause de la carence en calories et des entraînements exigeants, la menstruation est souvent retardée. « Chez les jeunes athlètes, un début de seins doit se développer à 14 ans et elles doivent être réglées vers les 16 ans. Mais beaucoup de gymnastes ne le sont pas », dit Luc Baeyens, gynécologue du sport au CHU Brugmann. Réduction de la densité osseuse, troubles hormonaux, risques de fractures de stress peuvent en être les conséquences.

Les gymnastes passent une trentaine d’heures par semaine avec leur entraîneur, souvent masculin. C’est lui qui décide du sort de l’athlète, la fait avancer, la sélectionne (ou non) pour des compétitions. La gymnaste cherche sa validation à tout prix, comme souligne l’expérience de Julie, une des gymnastes qui m’a confié son histoire. C’est la première fois qu’elle s’exprime. Aujourd’hui dans la trentaine, Julie a passé quelques années au centre de gymnastique d’élite de Gand. Les entraînements malgré des blessures, les passages sur la balance deux fois par jour, la fouille de son casier à la recherche de sucreries : tout ça a fait partie de son quotidien.

À notre rendez-vous, Julie amène des souvenirs de son passé de gymnaste : son justaucorps de l’équipe nationale qu’elle portait avec fierté, les photos d’une petite fille blonde, mince et souriante, minuscule entre ses deux coachs. Elle montre le journal intime qu’elle tenait à Gand, à l’initiative de ses parents, qui s’inquiétaient de la voir de plus en plus maigre et recluse.

Extraits :

« Premier entraînement, le coach n’était pas satisfait. Deuxième entraînement, il était satisfait. »

« L’entraîneur m’a crié dessus. Il était furieux. »

« On a un nouveau gardien à l’internat. Il est très strict. C’est comme en prison. »

« L’entraîneur m’a ignorée. J’ai dû faire des exercices inutiles dans un coin. »

« On a reçu des graphiques de notre poids. Je suis dans la moyenne. »

« Je me suis blessée au pied. Je n’avais pas le droit de mettre de la glace. »

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Telma Lannoo. CC BY-NC-ND

Julie a alors 14 ans. Quelques mois plus tard, elle quitte Gand. Ses parents ont montré le journal aux responsables de la fédération. Ils voulaient savoir pourquoi ils ne sont jamais intervenus, malgré les plaintes de plusieurs gymnastes et de leurs parents. Julie prend le journal en main : « Cela n’avait aucune importance pour eux. Le fait que beaucoup de filles aient souffert leur était égal. » Aujourd’hui, elle a pris du recul : « On voulait être de bonnes gymnastes, de bons enfants. Les entraîneurs qui criaient faisaient partie du quotidien. »

Ces modes d’entraînement, très durs, ont été importés de régimes dictatoriaux au temps de la guerre froide. « Les meilleures gymnastes venaient des pays de l’Est, donc on faisait venir leurs entraîneurs et on les traitait comme des rois avec leurs méthodes qui allaient tout révolutionner. On ne parlait pas des questions psychologiques et de la violence », se rappelle Aude Risselin. Compacte et musclée, Aude déborde d’énergie. Après sa carrière de gymnaste, elle a intégré l’équipe nationale de rugby. « La gymnastique m’a apporté beaucoup de choses, dit-elle. Elle a construit ma personnalité, j’ai noué des amitiés, j’ai beaucoup voyagé, j’ai eu de chouettes expériences que je n’aurais jamais faites autrement. » Puis elle s’arrête et réfléchit : « Mais, finalement, je me demande si je n’étais pas un peu traumatisée… Par exemple, j’avais un entraîneur qui m’étirait tous les jours et m’engueulait, car je n’étais pas très souple. Chaque fois que je voyais sa voiture, j’avais une boule au ventre. » Elle aussi…

Un rideau de fer

Du 30 septembre au 8 octobre 2023, les mondiaux de gymnastique se tiendront à Anvers. Les espoirs de médaille d’or reposeront sur Nina Derwael, sportive belge de l’année en 2018, 2019 et 2021. Ce serait l’occasion pour la fédération flamande de montrer que ses pratiques ont évolué. Mais est-ce vraiment le cas ? Le monde de la gymnastique belge reste impénétrable, malgré les promesses de transparence. Gymfed et la fédé francophone ont refusé de me parler et ont rejeté mes demandes d’assister aux entraînements. Sur la cinquantaine de gymnastes, d’anciens directeurs sportifs, de nutritionnistes, de coachs que j’ai contactés, seulement deux m’ont répondu. Un vrai rideau de fer, comme le ressent aussi Tine Vertommen, chercheuse à l’université Thomas More d’Anvers. Elle est l’autrice d’une première étude sur la prévalence des comportements transgressifs dans le sport en Belgique et aux Pays-Bas. Bien que Tine Vertommen soit une experte mondiale de la protection des athlètes, elle n’a jamais été sollicitée par Gymfed.

Le climat à Gand aurait changé, m’assure de son côté le psychologue du sport Jef Brouwers – qui travaille au sein de la société de coaching TiCkA à Bornem. C’est la seule personne liée à Gymfed à avoir accepté ma demande d’interview. Il travaille depuis 2017 avec les athlètes et entraîneurs de l’élite belge, à Gand. Selon lui, les athlètes apprennent aujourd’hui à poser des questions, les coachs à s’intéresser au bien-être de leurs protégées. Les jeunes gymnastes seraient suivies par une équipe interdisciplinaire dont font partie des kinés, psychologues, médecins, nutritionnistes. Les entraîneurs (toujours les mêmes que lorsque le scandale a éclaté) ne décideraient plus tout seuls du sort des athlètes. Les parents seraient désormais impliqués. « Les parents doivent comprendre ce qui se passe avec leurs enfants. Si elles s’entraînent à Gand, c’est parce qu’elles sont les meilleures. Et elles ont besoin de rester les meilleures si elles veulent avoir du succès. C’est pour ça qu’elles sont là », affirme Brouwers. S’il le dit…

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Telma Lannoo. CC BY-NC-ND

Depuis la publication du rapport d’enquête de 2021, Gymfed dit avoir pris acte des problèmes recensés. La fédération flamande a mis en place un organe consultatif en matière d’éthique et des commissions d’athlètes et de parents, a élaboré un plan d’action pour remédier aux problèmes, promis des réparations aux anciennes athlètes. Selon ses propres dires, Gymfed n’agirait plus en vase clos. En marge des mondiaux d’Anvers, elle a même prévu d’or­ganiser, avec Sport Vlaanderen, une conférence sur la protection des athlètes. Partout dans le monde de la gymnastique se multiplient des codes d’éthique et de conduite, et des initiatives visant à améliorer la culture de ce sport controversé, surtout chez les filles.

Chiffres alarmants

Mais faut-il y croire ? J’ai rendez-vous avec Felien Laureys et Cleo Schyvinck sur Zoom. Un contact important, à mes yeux. Ces anciennes gymnastes de haut niveau sont aujourd’hui chercheuses à l’Université de Gand. Elles sont en train de finaliser une étude sur les comportements transgressifs dans la gymnastique belge. Les chiffres ne sont pas encore validés ni publiés, mais on peut déjà les retrouver dans les mémoires de leurs étudiantes : 71 % des gymnastes de haut niveau auraient fait l’expérience de comportements psychologiques transgressifs, 50 % auraient été victimes de comportements physiques transgressifs et 37,5 % de comportements sexuels transgressifs. 869 gymnastes ou ex-gymnastes de 14 à 30 ans ont participé à cette étude, dont 91 % de femmes. Il y aurait une corrélation entre les méthodes d’entraînement axées sur le contrôle, laissant peu d’autonomie à l’athlète, et la prévalence de comportements abusifs. Autre information : un grand nombre des athlètes sondées ignoreraient si leur club a un code d’éthique ou une personne de contact pour protéger leur intégrité. Felien Laureys et Cleo Schyvinck veulent œuvrer en faveur d’un réel changement de culture dans ce sport qui leur importe tant. Elles prévoient des projets avec Sport Vlaanderen et Gymfed. « Pour l’instant, on voit une petite évolution, mais pas de révolution », disent-elles.

Il est vrai que la gymnastique a changé depuis ma propre carrière de gymnaste. Avant, les gymnastes de 16 ans étaient quasi proches de la retraite Aujourd’hui, on voit des athlètes plus âgées et physiquement plus développées. Plus matures, elles ont un mot à dire sur leur entraînement, leur carrière. À Tokyo, en 2021, alors que Nina Derwael remportait sa médaille d’or, l’Américaine Simone Biles, cette gymnaste hypermusclée qu’on dit être « the Greatest of All Times », a interrompu la compétition après la première rotation, au milieu des épreuves. Elle a choisi de protéger avant tout sa santé mentale. « Je ne voulais pas risquer de me faire mal », dira-t-elle plus tard. Une première dans ce sport où la faiblesse n’existe pas.

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Telma Lannoo. CC BY-NC-ND

Ces dernières années, la fédération internationale de gymnastique a mis en avant la santé physique des athlètes. Exemple : les acrobaties dangereuses sont désormais dévalorisées au regard d’exercices plus esthétiques comme des triples ou quadruples pirouettes, inspirées de la danse. Les juges mettent l’accent sur l’exécution, pas sur l’audace. « Maintenant, il est temps de se concentrer sur la santé mentale », exigent Cleo Schyvinck et Felien Laureys. La mise en place de personnes de référence, comme les « agents d’intégrité » ainsi que de codes d’éthique, sont, selon elles, des initiatives importantes, mais pas suffisantes. « Il faut faire preuve de leadership et d’ouverture d’esprit pour les faire fonctionner en pratique. Il faut changer le système en entier, un pas après l’autre. » Pour ces chercheuses, il faut cibler non seulement les gymnastes, mais tout un écosystème : coachs, décideurs, clubs, membres de la fédération, spectateurs.

Coachs et acrobates

La posture du coach est évidemment centrale dans ce processus d’assainissement. L’ancien entraîneur national des Pays-Bas Gerrit Beltman s’est excusé publiquement en 2020. « J’ai abusé et humilié de jeunes gymnastes », a-t-il admis au Noordhollands Dagblad. On lui a passé la pommade en Belgique, où il avait été actif aussi, tant en Flandre qu’en Wallonie. La commission d’enquête commandée par le ministre flamand Ben Weyts a décidé de ne pas examiner les abus commis par Beltman. Il s’est retiré depuis un bon moment. Point.

On l’a vu, la révolution ne touchera pas suffisamment – pour le moment – au plus haut niveau, celui de Gymfed, puisqu’il s’agit de préserver les chances de médailles belges d’ici aux Jeux de Paris, en 2024. À court terme, « on veut garder la concentration de l’équipe sur la préparation des mondiaux d’octobre et sur l’aspect sportif », m’écrit une porte-parole de Gymfed. Cela rappelle une déclaration de la coach des élites Marjorie Heuls, il y a deux ans. « Les champions s’entraînent. Les perdants se plaignent », avait-elle posté sur son compte Instagram alors que la commission d’enquête publiait son rapport. L’omerta sur les méthodes de coaching règne toujours. Celles qui osent encore dénoncer des problèmes le font anonymement. « Je n’ai pas pris la parole parce que… personne n’a pris la parole », me confie une source.

D’autant que pour celles qui ont osé l’ouvrir, en 2021, la plaie reste ouverte. Gymfed n’a pas encore concrétisé sa promesse de réparation. Une médiation auprès des victimes serait toujours en cours. La fédération flamande exige que les ex-gymnastes s’abstiennent de parler à la presse, entend-on. Les plaignantes seraient qualifiées de jalouses. Une officielle, qui a soutenu les athlètes lors du scandale, ne peut plus exercer ses fonctions lors des compétitions internationales. Gymfed lui refuse l’accréditation. À Anvers, elle assistera probablement à la compétition depuis la tribune. Elle en dresse un bilan amer : « Le coût des médailles, c’est d’accepter le système et de détourner le regard. Bien trop souvent, la fin justifie les moyens. »

Des coachs se sentent eux-mêmes sous pression : il faut engranger des résultats, sans quoi on vous écarte. Leur formation est axée sur les aspects techniques et physiologiques, mais pas suffisamment sur les compétences relationnelles, critique l’experte Tine Vertommen. « Si les coachs ne sont pas forcés à travailler sur le harcèlement et l’abus, ils ont tendance à ne pas opter pour les cours qu’on leur propose. » Depuis quelques années, Sport Vlaanderen oblige les fédérations à mettre en place des outils de protection des athlètes et à rendre obligatoires les formations sur la prévention des comportements transgressifs. Mais il y a toujours cette ambiguïté : les subsides pour le sport d’élite sont distribués en fonction des résultats des athlètes, par exemple, leur qualification aux Jeux olympiques. Les résultats comptent donc plus que tout.

Dans un sport où les comportements abusifs ont été normalisés, il reste difficile de réinventer les méthodes d’entraînement. Après sa carrière de gymnaste, Julie a commencé à coacher des jeunes. « J’ai imité les comportements dont j’avais été moi-même victime. J’ai ignoré les athlètes au lieu de leur demander ce qui n’allait pas. Je leur ai crié dessus. » Il a fallu qu’un collègue l’interpelle sur son comportement. « Sans cette intervention, j’aurais failli devenir comme mon ancien entraîneur. C’était très dur d’en prendre conscience. »

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  1. Prénom d’emprunt.

  2. Niveaux de compétition A et B, hormis les athlètes d’élite de Gand. Il s’agit d’une approche « bas seuil » : si une gymnaste a vécu un incident de harcèlement, elle sera classée parmi les victimes, même si l’athlète ne se considère pas comme telle.

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