Rencard bizarre à Kolwezi
En République démocratique du Congo, une place accueille les bustes des dirigeants historiques congolais. Parmi eux, un type barbu plutôt controversé : Léopold Louis-Philippe Marie Victor de Saxe-Cobourg Gotha.
Cité minière du Katanga fondée par les colons, Kolwezi se retrouve aujourd’hui propulsée capitale mondiale du cobalt. Sur le nouveau rond-point de l’Indépendance qui orne le centre-ville, une fontaine flanquée de neuf bustes de bronze est (littéralement) sortie de terre. Tout en lumière, les bustes scintillent par les bons soins du Groupe George Forrest, magnat belge d’origine néo-zélandaise familier du coin. Y figurent les présidents Kasa Vubu, Mobutu, Kabila (père et fils), Tshisekedi ainsi que Patrice Lumumba, premier Premier ministre assassiné. Parmi les bustes, surprise, le roi Baudouin et son aïeul controversé Léopold II.
Le site est inauguré en grande pompe par Richard Muyej un soir de Noël 2018. L’ancien gouverneur du Lualaba (province de l’ex-Katanga) entendait « donner à la jeunesse une idée claire de notre histoire commune ».
Le projet naît à Kinshasa. En visite chez le chef du gouvernement, Muyej est conquis par 28 bustes représentant gouverneurs coloniaux et Premiers ministres du pays côte à côte. L’ensemble est signé Alfred Liyolo, sculpteur national de Mobutu jusqu’à sa mort en 2019. C’est à lui que Muyej confie le projet du rond-point en 2015. C’est, coïncidence, à cette même époque que la polémique sur les statues coloniales refait surface en Belgique. Un projet de commémoration de la mort du souverain barbu à Bruxelles met le feu aux poudres.
Buste pour mariés
Un rassemblement au pied de Léopold II, place du Trône, appelle à décoloniser l’espace public. Cobourg et son destrier sont badigeonnés de rouge pour l’occasion.
Arrivé en Belgique cinq ans plus tard, le mouvement « Black Lives Matter » amènera ces revendications sur le devant de la scène médiatique et politique. Et le retrait de bronzes royaux à Anvers et Gand.
À Kolwezi, le buste de Léopold II n’a pas suscité l’émoi. Le rond-point n’est pris d’assaut que les jours de mariage, pour immortaliser les jeunes couples.
Myoto Liyolo, la fille du sculpteur, explique l’intention de son père : « Il disait qu’il fallait connaître son histoire pour pouvoir aller de l’avant. C’est pour ça qu’il a reproduit l’effigie de Léopold II comme celle de Mobutu. » Matière à réflexion pour l’ancienne puissance coloniale ? Le cuivre katangais avait servi à couler le Léopold II cavalier de la spacieuse place du Trône.
À défaut de l’enlever, peut-être est-il temps de lui adjoindre un peu de compagnie. Un Albert II en peignoir et un prince Laurent en scooter, tout en pierre bleue du Hainaut, feraient descendre les Saxe-Cobourg de leur piédestal.