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C’est qui le chef ?

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Adrien Herda. CC BY-NC-ND.

« Chef de famille », « chef de ménage », anachronismes au masculin. Les « bons pères de famille » sont aussi des femmes et la Belgique rame encore pour traduire ces mutations sociétales dans le droit commun.

Au service population d’Houffalize, comme dans toutes les communes du pays, on ne dit plus
« chef de ménage », mais bien « titulaire ». L’homme n’est plus de facto le boss et « cela heurte certaines sensibilités plus machistes », glisse, de son chef, un édile houffalois. « La notion de chef de ménage n’existe plus dans le Registre national depuis une quinzaine d’années », précise Koen Schuyten, du SPF intérieur. La DG Institutions et Population a communiqué également que « la pratique visant à encore utiliser l’expression est à proscrire ». L’Onem, qui utilise toujours l’expression, n’est malheureusement pas encore au courant.

S’ils sont plus politiquement corrects (mais pas vraiment d’usage), le « titulaire » et sa désignation posent question. De fait, un ménage ne peut légalement avoir qu’une seule personne de référence. Oui, mais qui ? Une majorité de couples ignorent qui est le big boss du foyer. Cette information est pourtant reprise dans le Registre national, auquel nombre d’institutions ont accès. Le diable est dans les détails. Le principe du « premier inscrit, premier servi », qui vise à établir une égalité des genres, pose un couac, si les cohabitants sont en désaccord.

Pas clair

Selon le SPF intérieur, être désigné titulaire n’entraîne aucun privilège. Mais Onem, CPAS font usage du Registre national pour catégoriser les demandeurs d’aides sociales. Avec une incidence directe sur le montant des allocations. Un cohabitant touche moins qu’un isolé qui touche moins qu’un chef de famille ! Pour Yves Martens, du Collectif solidarité contre l’exclusion, c’est ce statut de cohabitant en lui-même qui est discriminatoire : « Lors de l’instauration du statut en 1981, la majorité des cohabitants sont en fait des cohabitantes. » La question du rapport entre les femmes et le marché du travail (et le chômage) est scellé dans les années 80. Peu de cheffes de cabinet à l’époque.

Là où ça se corse un peu plus, c’est que le « chef de ménage » n’est pas défini partout de la même façon. Le chômage et la mutuelle appliquent des critères différents pour octroyer ce statut. Les foyers les plus précarisés subissent au premier chef les conséquences de ce méli-mélo lexical, notamment dans leur accès aux aides sociales.

Un semblant d’harmonisation entre différentes institutions donnerait un peu de clarté et permettrait derechef une réduction des inégalités. Et de l’ego de ceux qui veulent à tout prix être le boss.

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