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Mascarades

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Chapelle-lez-H.

Éreintée par le déclin industriel, la région du Centre se cherche un nouveau souffle. Dans cette quête, les célébrations d’une ribambelle de carnavals constituent un jalon qui affermit le lien social et offre un miroir à reflets multiples de notre société.

Elle se lance à Braine-le-Comte et s’étire jusqu’à Merbes-le-Château, cisaillée par un canal chevauché par des ascenseurs à bateaux. La région du Centre est officiellement née du décollage industriel de la Belgique. À la moitié du XIXe siècle, l’administration des mines décide de baptiser ainsi cette large zone calée au beau milieu (d’où son nom) de deux bassins charbonniers stratégiques : le Pays noir et le Borinage. L’orgie métallurgique s’accompagne de flux migratoires intenses. Flamands, Italiens, Polonais et, plus tard, Algériens ou Marocains composent l’entrelacs démographique de la région. Aujourd’hui, le Centre soigne les mêmes cicatrices que ses deux grands voisins. Le charbon a disparu, le revenu est bien en deçà de la moyenne belge, l’emploi reste un défi. Alors, le Centre tâtonne. Il lorgne le tourisme et investit cinq millions d’euros, en janvier 2017, pour réhabiliter le « canal historique ». Veut doper la navigation fluviale et injecte neuf millions, toujours en janvier, dans un Plan incliné de Ronquières rongé par le manque d’entretien. Face à ces aventures incertaines, un repère reste, fixe, stable, sans cesse réinventé : le carnaval. Par ici, chaque village possède le sien, qui existe avec ferveur dans l’ombre du géant local : le carnaval de Binche, avec ses Gilles aux costumes désormais figés, puisque consacrés par l’Unesco. Vito Gisonda, photographe originaire de Binche, a largement baladé son œil dans les carnavals du Centre. À Anderlues, Chapelle-lez-Herlaimont, Peissant ou Seneffe. Là aussi, on peut retrouver la figure du Gilles et des rêves de chevaliers et de princesses. Mais les habitants n’ont pas que le folklore à nous raconter. Les stigmates des luttes sociales et des rêves économiques envolés apparaissent, lorsqu’une troupe se déguise en hôtesses de la Sabena. L’influence de ce qui vient de loin du canal, du côté de Disney, de Superman, des héros de Hollywood et des médias, s’étend. Dans ces Mascarades – le titre de son œuvre –, on tisse du lien social, et voici des lieux idéaux pour se baigner dans notre imaginaire collectif et en mouvement.

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