Les derniers éléphants
Flamands de France
Ils s’appellent Michel, Aurélien, Marie-Christine ou Jean-Claude. Ils sont Français et se définissent comme Flamands. Les uns rêvent de reformer les Pays-Bas de Guillaume d’Orange, d’autres brandissent des lions flamands pour repousser les étrangers, pendant que la majorité cherche juste à préserver une identité aussi menacée que les éléphants d’Afrique. Bienvenue en Flandre française. Chez moi.
L’identité flamande, ce n’est pas qu’une histoire belge. Je suis née à Hazebrouck, une petite ville française, à 15 kilomètres de la frontière belge. Hazebrouck, en flamand, signifie « le marais aux lièvres ». La plupart des habitants l’ont aujourd’hui oublié. J’ai ensuite grandi à Cassel, épicentre de la bataille homonyme, qui a scellé le sort de cette petite partie du nord de la France actuelle, annexée par Louis XIV en 1677. Avant ça, ce petit lopin de terre était en Flandre.
Je n’ai que 33 ans ; pourtant, gamine, j’entendais mes grands-parents parler une langue bizarre. Le vlamsch (nom donné en France au flamand occidental, dialecte parlé par les Belges de Flandre occidentale), une « langue de pauvre qui ne valait rien, qu’il ne fallait pas que j’apprenne si je voulais réussir dans la vie », m’avaient-ils dit.
Ado, j’ai débarqué à Lille. La grande ville. Tout à coup, je suis devenue la « Flamande », celle qui venait de par là-bas, chez les quasi-Belges, les « cut’ », pour « culs terreux »… En un coup de TGV, à Paris, je suis ensuite devenue la Ch’tie (dont la langue est le ch’ti, que je n’ai jamais entendu parler), pas vraiment Française, venue de cette région peuplée de gens bien sympas mais au ciel bien trop gris et aux paysages truffés d’usines à l’arrêt.
Alors, quand j’ai déménagé à Bruxelles, l’affaire était réglée. Bingo, j’allais enfin être chez moi, chez les Flamands (oui, je sais…). Mais non. Cette …