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Le syndrome de Grand-Bigard

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Qui n’a jamais entendu parler de « Chênée », de « Loncin », des « Quatre-Bras » ou de « Zellik » ? Parmi les auditeurs de la RTBF, personne. Le Belge a une bagnole dans le ventre et le radioguidage dans les oreilles. Est-ce bien du service public ?

Des chiens errants et des camions sur le flanc, avant ou après les infos, c’est comme la météo : une évidence. Penserait-on à remplacer le radioguidage par des conseils de communication non violente ou par des mini-cours de néerlandais ? Jamais ! Qu’on prenne le vélo, le train ou qu’on reste à la maison, on sera informé de la situation sur l’A12. Plus fort encore : la fonction TA (« traffic announcement ») des autoradios autorise l’info-trafic à interrompre nos CD ou nos autres programmes radio.

Catherine Lernoud, responsable de Mobilinfo à la RTBF, parle d’un service « unique en Europe ». L’info-trafic compte 11 rédacteurs/ présentateurs, qui réalisent 28 000 bulletins par an, soit 90 par jour « normal » de semaine.

Ce service est « unique en Europe » par le nombre de partenaires qu’il mobilise autour d’un objectif commun : « Améliorer sans cesse le service aux usagers de la route. » Au centre PEREX (pour « Permanence d’exploitation ») de la Région wallonne, les policiers fédéraux, les fonctionnaires du Service public de Wallonie et les équipes de la RTBF partagent les infos et la machine à café. La RTBF bénéficie aussi des apports des auditeurs et de partenaires privés, comme Coyote (qui avait démarré comme avertisseur de radars), le motard d’Europ Assistance ou les Taxis verts. Ceux-ci sont-ils payés ? « Non. Ce sont des partenariats publicitaires. » T’as vu un « embarras de circulation » à Strombeek ? OK, t’auras ton nom à la radio.

Dinant, ville « constipée »

Les premiers « bulletins trafic » de la RTBF ont démarré au milieu des années 90 sur Radio 21. Et avant, on s’en tapait des embouteillages ? Oh que non. Dans une archive RTBF-Sonuma du 30 juillet 1965, un gendarme met en garde la journaliste Janine Lambotte. Le dimanche suivant, il devrait y avoir 20 000 véhicules sur l’autoroute de la mer, dont la capacité n’est que de 2 000 autos par heure. Quant à Dinant, dit-il, résigné, c’est la « constipation chronique ». Ses conseils : étudier les itinéraires bis et échelonner les départs. Ni la journaliste ni le gendarme n’évoquent la possibilité de regagner Ostende ou Dinant en train. Question d’époque ?

Aujourd’hui, on dit encore qu’il faut « éviter Bruxelles » les jours de sommet européen, observe Michel Hubert (Saint-Louis), spécialiste de la mobilité. « Pourtant, les quartiers concernés sont accessibles en transport en commun. » La RTBF pourrait peut-être se mettre à la mobilité, plutôt que de privilégier l’« automobilité », suggère-t-il. Mobilinfo est-il en phase avec les enjeux économiques et écologi­ques actuels autour de la place de la voiture ? « Quand on informe les gens sur le fait que tout est bloqué, répond Catherine Lernoud, ils ne prennent pas leur voiture et s’arrangent autrement. Je me dis que ça, c’est déjà un impact. »

Mais derrière tout cela, il y a aussi une question d’audience : selon la dernière enquête Beldam (Belgian Daily Mobility) de 2010, en Belgique, 65 % des déplacements se font toujours en voiture. Et, selon une étude de l’Observatoire de la mobilité à Bruxelles (2014), que font 77 % des conducteurs quand ils sont au volant ? Ils écoutent la radio.

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