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Comme on nous parle

Quand Médor indague sur un détail-farce du quotidien

Loi-roi
Antoine Gelgon. CC BY-SA.

Quand on s’ennuie chez Médor, on lit des textes de loi. Et que découvre-t-on ? Que le roi des Belges nous balance des « salut ». « Salut » ? Et pourquoi pas « Coucou les jeunes », tant qu’on y est ?

« PHILIPPE, Roi des Belges, À tous, présents et à venir, Salut. »

Voilà la formule qui, en Belgique, introduit un texte de loi. Déjà, on note ce bel exercice de science-fiction qui consiste à s’adresser autant aux citoyens vivants qu’à ceux qui n’ont pas encore été conçus ou trouvé une place en crèche. Mais le plus étonnant, c’est ce vulgaire « Salut » du Roi, dont on se demande s’il est bien digne de nous, ses sujets (présents et à venir).

Ouvrons le plus grand dictionnaire étymologique de la langue française (en allemand), le Französisches Etymologisches Wörterbuch de Walther von Wartburg. On y apprend que « salut » est une « formule exclamative de souhait, de civilité, employée spécialement dans le préambule des lois et ordonnances, dans les lettres patentes des rois, dans les bulles des papes, etc. », depuis le XIVe siècle. Ensuite, « salut ! » est devenu « une exclamation de respect ou d’admiration » et signifie aujourd’hui : « Bonjour ! » (entre gens du même âge et qui se connaissent bien).

« Cette formule est utilisée depuis au moins 200 ans, assure Christian Behrendt, professeur de droit constitutionnel à l’ULg. Nous avons été très peu originaux puisque c’est mot pour mot ce qu’a sorti le roi de France Louis-Philippe dans la charte de 1830. C’est simplement le salve latin, le salut noble. »

Gros kiss

Ce « salut » est donc ringard, peut-être, mais en aucun cas irrespectueux ou familier (comme l’était le « gros kiss » envoyé par le roi Albert II à la reine Paola dans son discours d’abdication). Dans les textes en néerlandais, le roi « Filip » lance un très digne « Onze Groet » (Notre Salut), alors que le monarque néerlandais dit, lui, plus platement « saluut ! » « En Belgique, on a établi la version néerlandaise plus tard qu’aux Pays-Bas, explique Christian Behrendt, d’où cette
volonté de s’affranchir des latinis­mes. »

En France, pays de lettres, il faut se contenter de cela : « Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit. » Et basta. Pas même un petit bonjour. Abolir la monarchie, comme le rêvent certains nationalistes flamands, c’est donc courir le risque de devenir – sur le plan de la poésie administrative – un pays plat. En attendant, les ministres, N-VA ou pas, continueront de s’adresser au Roi comme des preux chevaliers dans un album de « Johan et Pirlouit ». Voyez, par exemple, la signature d’un rapport au Roi (texte explicatif qui peut accompagner certains arrêtés royaux) : « J’ai l’honneur d’être, Sire, de Votre Majesté le très respectueux et très fidèle serviteur, le Ministre des Finances, J. Van Overtveldt. »

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