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À Verviers, elle germe, elle germe, la prochaine révolution musicale

Le point sur les fulgurances culturelles du plat pays

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Mulatu. CC BY-SA.

À Verviers, le collectif de musiciens Herrmutt Lobby fonctionne comme une start-up américaine, fabriquant non seulement du son mais aussi des logiciels, du hardware et d’avant-gardistes applications musicales pour smartphones.

Clopes roulées, bouffe végé. Chez les Herrmutt Lobby, collectif de musiciens « vivant comme des Gitans » dans une grande maison de Verviers, l’ambiance se veut « Fight Club ». Pour l’insalubrité, on repassera, c’est très propre. Pour le côté « mecs en mission », par contre, c’est tout à fait ça. Sauf qu’ici, on ne cherche pas à détruire le système bancaire comme dans le film de Fincher mais bien à provoquer des ruptures dans la façon de consommer et de composer la musique électronique.

« Un live électronique, m’explique Pascal, l’un des cerveaux de la bande, c’est le plus souvent mimé, mis en scène. Ce sont principalement des boucles et des séquences, qui ne permettent donc pas une grande improvisation. Après des années de production, on a cherché à retrouver le vrai plaisir de musiciens et on a fantasmé des instruments qui nous permettent de pouvoir improviser, de prendre des risques, de se répondre sur scène directement l’un à l’autre. »

Dans un premier temps, des joysticks, des écrans tactiles, des curseurs et du matériel basique de DJ sont « pimpés » (améliorés), histoire de remplacer les traditionnels claviers et de permettre, surtout, d’heureux accidents dans une musique sinon très mathématique. Des démos de ces chipotages sont postées sur You Tube fin 2010 et, très vite, attirent l’attention de médias spécialisés américains et de boîtes de logiciels berlinoises.

Verviers ? Le pied pour les workaholics

Mais la petite bande verviétoise reste toutefois sourde aux propositions étrangères. « Quand on était à Bruxelles, on travaillait moins bien parce que c’est une ville où il y a beaucoup de choses à faire, beaucoup de lieux où traîner. Ailleurs, c’est encore mieux, ou pire, selon la façon de voir les choses. Verviers, c’est l’idéal quand t’as envie de te donner à fond, vu qu’il n’y a que ça à y faire. » Sur papier, on croit à une blague. In situ, les flammes dans les yeux assurent que les mecs ne rigolent pas du tout. Ils sont en mission.

Se sentant pousser derrière l’oreille une mission sur Terre, le collectif de musiciens devient alors une véritable start-up, fonctionnant, certes toujours un peu à l’arrache mais correctement, grâce à des fonds d’origines variées, dont un petit paquet déposé par La Faktory, l’accélérateur liégeois de start-up de Pierre Lhoest, cofondateur de la société de ralenti d’images EVS.

Un synthé avec des poils au zizi

Pascal : « On se développe sur deux axes. D’un côté, des logiciels, du hardware pour musiciens et même un synthé sur lequel on travaille depuis des mois et qui commence à avoir un peu de poils au zizi. De l’autre, on vise plus le grand public avec Playground, notre nouvelle app, ainsi qu’une piste de skate musicale. » Geekeries ? Substituts de Candy Crush pour drogués du ludisme tactile ? Nouvelle arme fatale pour énerver les gens dans le bus ? Du tout. Playground pourrait en fait carrément paver la route vers la prochaine révolution musicale, qui consistera sans nul doute à éclater le rapport entre musiciens et public et à revoir la façon dont se consomme la musique.

Playground donne une idée claire de ce futur proche. Sur cette plateforme, il ne s’agit plus de télécharger un morceau, connu ou non, pour l’écouter passivement mais bien d’en recevoir les différentes parties afin de le reconstruire (ou de le déconstruire) au gré de ses humeurs et de ses intuitions. C’est d’une simplicité enfantine, puisque ça consiste, en gros, à manipuler et à faire réagir des blocs de couleurs sur un écran.

Les cinq plus longues minutes de ma vie

Durant cinq minutes un poil gênantes, je teste Playground devant ses concepteurs, sur la base d’un funk très années 80, essentiellement synthétique. Ça ne donne pas grand-chose. Je me sens comme Herbie Hancock tentant de nous pondre « Rock It » mais Herbie Hancock un jour de rhume de cerveau après son quatrième grog. « Pas grave », me rassurent les Herrmutt Lobby.

Justement, leur grand leitmotiv, c’est de faire en sorte que les quidams sans aucun sens du rythme de mon genre surmontent leur peur de l’erreur, retrouvent un plaisir enfantin, intuitif, de la musique, jugée actuellement beaucoup trop aux mains des pros. Leur rêve, c’est de « voir sur scène des formations mélangeant des musiciens avec un bagage technique imposant et des gens qui apprendraient quelques bases en une demi-heure grâce à nos instruments. » Ce qui est, indiscutablement, révolutionnaire.

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