« Mes parents n’ont pas terminé l’école. Ils ne sont pas capables de m’aider. »

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Amélie Carpentier. CC BY-NC-ND.

Django a trébuché sur l’algèbre. Le début d’une longue série de cascades…

Je commence les secondaires à Saint-Boniface Parnasse (une école bruxelloise réputée) en option latin. C’est une première année mitigée. Je retrouve plusieurs amis de primaire dans ma classe, mon titulaire est exceptionnel mais assez vite, je me heurte à l’algèbre. Impossible de me concentrer sur le cours de maths.

Je me heurte, en fait, à un système scolaire rigide. Je galère, je ne trouve pas de sens, je me retrouve sur les bancs de l’école avec le sentiment de perdre mon temps. La fameuse pensée « à quoi ça sert ? », passagère dans la tête de certains élèves, devient entêtante.

Mes parents n’ont pas terminé l’école. Ils me soutiennent mais ils ne sont pas capables de m’aider scolairement. Les professeurs, sans m’attaquer personnellement, me laissent m’enfoncer. Personne ne partage avec moi le goût d’apprendre. Alors, je passerai par quatre écoles, à la recherche d’une pédagogie motivante. En vain.

À Saint-Boniface, surtout en maths, nous devons apprendre des définitions par cœur et le rythme de la classe suit celui des meilleurs. Je me sens prisonnier d’une discipline qui s’étend à quasi toutes les matières… Au bout de deux années difficiles, je décide de changer d’école.

Je trouve une place à l’Institut Saint Jean-Baptiste de La Salle à Saint-Gilles. Je la considère comme mon école « roue de secours », en attendant que je m’inscrive dans un institut avec une option théâtre. La discipline de mon ancienne école laisse place à des rapports conflictuels entre professeurs et élèves. L’année suivante, je m’inscris à Ma Campagne en option théâtre. Entre-temps, je décroche un rôle dans un long métrage, une expérience professionnelle incroyable qui renforce ma perte de sens face à l’école. Démotivé, je redouble ma cinquième secondaire.

Je me retrouve dans la même classe, avec le même titulaire qui prononce le même discours de bienvenue, et c’est impossible pour moi de recommencer mon année dans ce cadre. Alors je change vite pour l’INRACI, une école qualifiante artistique. Ma quatrième école en cinq ans.

Aussitôt arrivé dans cette nouvelle école, l’institution perd toute autorité. Les professeurs et les cours de photographie me plaisent mais les cours généraux gardent leur imperméabilité. Je décroche complètement et on me laisse faire. Je n’ai plus de manuels scolaires, de notes, mes résultats varient de 0 à 3/10. Je suis perdu.

J’ai essayé, j’ai multiplié les écoles mais je suis désemparé. J’ai 17 ans et j’arrête l’école. Je décide de réaliser mon rêve (avec l’approbation mitigée de mon entourage) : voyager en Nouvelle-Zélande, la contrée du Seigneur des anneaux.

Des années plus tard, j’entame des études universitaires en mathématiques. Pour en arriver là, j’ai parcouru un long chemin personnel et j’ai trouvé la beauté des mathématiques grâce à des livres et des vidéos de vulgarisation scientifique. Après avoir essayé trois fois les examens d’admission à l’université, je réussis et je commence ma première année à l’ULB en septembre 2019.

J’espère juste arriver au bout de mes études et devenir le professeur de mathématiques que j’aurais voulu avoir. Je me dis que le fait d’être passé par la case « cancre » me permettra de comprendre les difficultés des élèves.

Django Schrevens Da Silva (propos recueillis par Camille Crucifix)

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