Cher bourgmestre - épisode 4

L’âme des Louviérois

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L’entreprise de l’année : dirigée par un Louviérois

Jacques Gobert et Salvatore Curaba sont sans doute les deux personnalités les plus influentes de La Louvière, 5ème ville de Wallonie. Mais ils ne se parlent pas en public. Trop touchy. L’un fait de la politique ; il est bourgmestre. L’autre, du business, Salvatore Curaba.

Salvatore Curaba est à la tête d’Easi, qui a été désignée lundi l’entreprise de l’année. Il a été footballeur à la RAAL, dont il a repris la présidence. On a beaucoup opposé les deux hommes. Les médias locaux ont renforcé le cliché selon lequel le bourgmestre préférait subsidier le club de foot concurrent, l’URLC, jouant lui aussi au stade du Tivoli. C’est à moitié vrai. Jacques Gobert est réputé proche de l’entrepreneur turc Husseyin Kazanci, président de l’Union Royale La Louvière Centre (URLC). En réalité, les deux formations reçoivent l’aide de la ville. Au même niveau ? Médor a de l’ambition. Mais sur ceci, nous passons notre tour. Trop compliqué… Donnez votre avis ici, on analysera.

Sans témoin indiscret, les deux hommes se sont rencontrés il y a quelques semaines. « Le fossé s’était creusé entre nous. Comment y remédier. » Voilà pour le thème de ce rendez-vous viril mais correct. Les deux ont listé leurs reproches respectifs, ils en ont débattu et des deux côtés, la volonté semble aujourd’hui à l’apaisement. Il n’est jamais trop tard pour arrondir le rond central. Et rationaliser l’argent dépensé par la ville pour permettre aux jeunes Louviéroises et Louviérois de taper dans la balle.

Mardi soir, nous avons rencontré le bourgmestre indéboulonnable. Mercredi matin, nous avons vu le manager à succès. Voici leur interview croisée, à distance. Il y est question de l’âme des Loups, du déficit d’image et de la résilience face aux difficultés.

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Jacques Gobert : "Mon dernier mandat ? Non, pourquoi ? "

C’est quoi, un Loup ?

Jacques Gobert : Quelqu’un qui dit les choses de manière cash, qui a du tempérament, qui exprime les choses parfois avec force…

Médor : … Comme vous, au conseil communal du 31 mai dernier, quand vous avez traité le PTB de « poujadisme véreux », en montant dans les tours ?

Jacques Gobert  : Je n’ai pas dit que j’avais le tempérament d’un Louviérois.

Médor : Ah ? Mais du sang italien, tout de même. Vous avez vécu toute votre vie à La Louvière et mené votre carrière exclusivement dans « votre » ville, non ? (président de cpas en 2001, puis bourgmestre en 2006).  

Jacques Gobert : Je ne suis pas le seul dans le cas.

Salvatore Curaba : Ce qu’est un Loup ? Quelqu’un d’attaché à ses origines, à ses racines et, peut-être, cela se ressent encore plus ici (nous sommes à ce moment dans la tribune du Tivoli ; des enfants de toutes origines sociales ou culturelles s’entrainent sur la pelouse). Un Loup joue à 10 contre 11. Il sait dès lors qu’il doit se reconcentrer, se mobiliser pour sortir la tête de l’eau.

Vous vivez et misez sur La Louvière ?

Salvatore Curaba : Oui. J’ai parfois pris mes distances (la firme d’informatique qu’il dirige est implantée à Nivelles). Mais on y revient toujours, dans cette ville ! Il serait égoïste de lui tourner le dos. C’est ici que j’ai grandi, que mes parents siciliens ont été accueillis. Chacun à notre niveau, bien sûr, nous devons apporter notre pierre à l’édifice, nous mobiliser. Moi, j’ai relancé le club de football de mon cœur et celui-ci a ouvert un restaurant en plein centre (Le Drapeau blanc, rue Hamoir). C’est difficile, on perd de l’argent. Il était toutefois important à mes yeux d’investir en plein cœur de ville. Dans la vie, on a des droits, mais surtout des devoirs.

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Salvatore Curaba : "Il faut investir dans le centre-ville"

Cette petite part de fatalisme qui bloque les Louviérois

Médor : Les Louviérois sont un peu dans l’attente et le fatalisme. Par exemple face aux chantiers enlisés du centre. Face à ce quartier Strada sans cesse remis en question. Qu’en pensez-vous ?

Salvatore Curaba  : Oui, vous croyez ? Pas plus qu’ailleurs…

Médor : Si. Une ville comme Lille s’est redressée grâce à une forme d’union sacrée. Idem pour Genk, en Flandre.

Salvatore Curaba  : Ok. Je suis d’accord. La Louvière est une ville de 80 000 habitants qui a un lourd passif industriel, jouit d’une mauvaise réputation et apparaît trop divisée. C’est un paquebot lent à manœuvrer. Dans le centre, tout le monde attendait la Strada, mais aujourd’hui, tout est bloqué. Cela a causé beaucoup de torts à la ville. Il faudra de longues années avant de remonter la pente. Seule une forme de mobilisation générale peut l’aider à court terme.

Jacques Gobert : Vous dites que les chantiers sont enlisés et que la population s’impatiente. Vous dites qu’il y a trop de projets en centre-ville. Mais moi, je préfère qu’on ait envie d’investir dans ma ville. Et puis, nous ne sommes pas en Russie, ici. Nous ne pouvons pas contrer comme « ça » de nouveaux projets (il évoque sans doute le projet de cinéma Imagix, qui concurrence la Strada). La population ignore le pouvoir réel qu’on détient. A chaque nouveau projet d’investissement, nous devons l’analyser. Nous ne pouvons lui dire « non » sans une justification précise. Exemple : qui peut prétendre avoir la main sur les projets ferroviaires de la SNCB, par exemple ?

Moi, bourgmestre

Médor : Est-il vrai que ceci pourrait être votre dernier mandat, comme le pressent un de vos adversaires politiques ?

Jacques Gobert : Non. Qui dit ça ?

Salvatore Curaba  : On est venu me dire que ce serait bien que je devienne bourgmestre. J’ai peur de ça. Je pense que j’aurais du mal à redresser la barre. C’est tellement difficile de gérer une ville comme celle-ci.

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