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Dessine-moi une ville coupée en deux (épilogue)

Les cartes mentales de jeunes hutois, entre les ronds-points et le Quick

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Carte mentale envoyée par un lecteur hutois…

None. CC BY-NC-ND.

Médor a demandé à des étudiants de deux écoles de part et d’autre du fleuve de dessiner la ville de Huy. Et a soumis les dessins à l’urbaniste Sophie Dawance pour une mise à plat. Le résultat est interpellant !

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Les élèves de l’Ecole Polytechnique (classe 5e, 6e, 7e) et de l’Institut Sainte-Marie (4e) se sont prêtés au jeu de dessiner leur Huy.
None. CC BY-NC-ND

Les cartes des élèves de Sainte Marie (4e)

La lecture par Sophie Dawance des cartes mentales de la classe de 4e de l’Institut de Sainte-Marie

Route

Ce qui marque d’abord Sophie Dawance, c’est la construction des cartes. Elles sont structurées par les infrastructures routières. Les axes de circulation et les ronds points sont plus marqués que le bâti. Plusieurs dessins pourtant peu détaillés par ailleurs, indiquent le marquage au sol des voiries qui n’est pas très présent spatialement. C’est étrange. Les ronds-points ne sont pourtant pas des lieux de vie. Est-ce la notion même de carte qui a amené ces jeunes à privilégier les routes ? Ou s’agit-il d’une génération « banquette arrière » qui voit avant tout la ville depuis une voiture ?


Commerces

Les principaux repères sont des commerces. Presque tous les dessins les relèvent : le Quick est incontournable et est parfois dessiné plus grand que la Collégiale ! Les élèves mentionnent de manière précise le nom des commerces. Ce pourrait être les lieux qu’ils fréquentent, avec une sociabilité bâtie autour de la consommation.


Meuse et rive gauche

La grande majorité des dessins ne représentent ni rive gauche, ni même la Meuse. Quand le fleuve est présent, il est plus dessiné comme une frontière que comme un lieu de convergence (syndrome du bord de feuille). Un élève seulement dessine la gare. La rive gauche n’existe pas pour ces élèves, comme s’il y avait deux villes.

La Grand place

La Grand place est presque dans tous les dessins. Elle est structurante, appelle à la convergence et constitue un repère. Elle est vraiment représentée comme un lieu de centralité, de manière parfois presque caricaturale. La manière dont elle est représentée évoque un organigramme qui exprime l’idée de centralité ou le rond point. Un rond, ce n’est pas orienté, c’est forcément central. La place est aussi le seul lieu où il y a parfois de la « vie » : la présence de personnes sur certains dessins semble montrer qu’elle est fréquentée. On y trouve aussi du mobilier urbain au sens large (terrasses, fontaine,…). C’est le seul endroit qui bénéficie de ce traitement de faveur, remarque Sophie Dawance.

Les cartes des élèves de l’Ecole Polytechnique (5e)

La lecture par Sophie Dawance des cartes mentales de la classe de 5e de l’Ecole Polytechnique

Parcs

Le parc des Récollet, juste voisin de l’école est identifié sur tous les dessins. Dans l’un d’eux, le fond du parc est localisé précisément, ce qui évoque une forme d’appropriation : un lieu de rendez-vous, de rassemblement. On y voit aussi parfois des arbres, une balançoire dessinés en 3D, ce qui habite le parc.

Le parc en face du centre culturel (visible depuis leur école) est parfois dessiné aussi alors que l’autre côté de la Meuse est peu représenté. Il faut noter que les élèves de Sainte Marie ne dessinaient pas ce parc alors que leurs cartes se cantonnaient à la rive droite.

Parking et route

Les parkings (notamment de la gare) sont marqués dans beaucoup de dessins. Les ronds points sont aussi des repères importants. Ils sont très présents sur tous les dessins. Parfois le dessin ne montre rien d’autre que le réseau routier. Les infrastructures routières sont détaillées (îlot directionnel, marquage au sol). Cela montre aussi la place que la route prend dans l’espace.

Commerce

Les commerces par contre sont peu nombreux à être mentionnés (par rapport à Sainte Marie) ou de manière générique (pizza, coiffeur, friterie,…). On retrouve souvent le centre commercial Batta (sur le même rive), la sandwicherie Manolo, le Quick (sur l’autre rive… c’est là que les élèves des deux écoles se retrouvent, c’est le seul point commun entre les dessins !) mais pas grand-chose d’autre. Pas de café par exemple. Sophie Dawance se risque à une hypothèse : « Ces élèves se réunissent plutôt dans des lieux publics que dans des lieux de consommation. C’est peut-être une question de milieu socioéconomique mais aussi d’opportunité : le parc est à côté de l’école.Certains quand il pleut vont peut-être au centre commercial Batta mais on peut aller dans la galerie sans consommer. »


De la gare à la Meuse

Tous les dessins ou presque indiquent la gare. Elle semble même être à la base de la composition spatiale, le lieu d’où tout part et tout aboutit. Par contre, l’arrière de la gare n’est jamais dessiné. L’autre extrémité de la ville est souvent la Meuse (les bords de feuille). Entre ces deux balises s’étend leur territoire. Outre, la gare qui apparaît sur tous les dessins, plusieurs identifient des arrêts de bus (et un parking vélo). Les élèves de cette classe viendraient avant tout en train, se déplaceraient via les transports en commun.


Une ville en rive gauche

Les élèves ne dessinent que la rive gauche où se trouve leur école. Comme pour les élèves de l’Institut Sainte Marie, la Meuse est donc aussi une frontière. Les seuls éléments de la rive droite qui apparaissent sont ceux qui se trouvent à portée de vue des élèves, de l’autre côté de la Meuse : le parc, le Quick, le bowling, le fort. Surprise : aucun élève ne dessine la Grand place qui ne semble donc pas être un lieu de rencontre, une centralité ou un repère pour eux. Ils reconnaissent toutefois le statut de centre à l’autre rive comme en témoignent les flèches indiquant « centre » sur plusieurs dessins. A noter que ce mode d’expression donne l’impression que le centre est une destination lointaine (trop loin pour être sur le dessin).


Les écoles comme lieux de vie

Tous les élèves dessinent évidemment l’Ecole Polytechnique (parfois avec des détails) mais ils identifient aussi Don Bosco, ce qui laisse supposer des interactions entre ces deux écoles voisines. Sainte-Marie, les ateliers de l’EP (Citel) et Huy 2 sont aussi mentionnées. Lors de la visite de Médor dans la classe, les élèves mentionnaient beaucoup les autres écoles, en comparant les réputations de chacune d’entre elles.

Les cartes des élèves de l’Ecole Polytechnique (6e)

La lecture par Sophie Dawance des cartes mentales de la classe de 6e de l’Ecole Polytechnique

Il y a beaucoup de points commun avec 5ième EP, mais on sent que ce sont des filles. Leur dessins sont plus orientés shopping (notamment en mentionnant le magasin "Di"). On y retrouve la gare (moins centrale que pour les 5ième EP), le parc des Récollets (moins central aussi mais un dessin le montre vraiment comme lieu de vie), Don Bosco (surtout) et les autres écoles,…

En plus des constats déjà posés pour les 5ième pro, Sophie Dawance souligne la présence des ponts, le pôle loisirs et… les friteries ! « La rive droite est toujours peu représentée, mais certains dessins soulignent les ponts, ce qui laisse penser que l’autre rive n’est pas si loin et que la Meuse est moins une frontière. Des commerces sont clairement identifiés de l’autre côté de l’eau,. Peut-être est-ce l’attrait du commerce et des loisirs qui fait traverser l’eau ? Ici, tous les dessins identifient le pôle loisir en rive droite ; cinéma, bowling, piscine, Quick et parc. Et c’est dingue de voir le nombre de friteries repérées ! »

Les cartes des élèves de l’Ecole Polytechnique (7e)

La lecture par Sophie Dawance des cartes mentales de la classe de 7e de l’Ecole Polytechnique

Il y a beaucoup de points commun avec les 5ième et 6ième de l’EP.

Cependant, le territoire représenté est souvent un peu plus large. Les dessins sont plus fouillés. Même si la rive droite est mieux représentée, elle se limite généralement à ce qui est vu depuis la rive gauche : la Collégiale, le Fort, et les équipements de loisir. A part ce front de Meuse, les autres écoles restent les principaux repères sur les deux rives.

La Meuse est un peu plus au centre et moins montrée comme une limite (cf. place dans la feuille). L’expression des ponts en est la preuve. Soulignons que sur plusieurs dessins figurent le bâti (immeubles ou commerce) : la rue n’est pas seulement un axe de circulation. Le parc, lui, reste un des seuls lieux un peu dessiné en 3D comme lieu de vie (bancs, arbres, jeux,…)

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