Arlon, zone à défendre ou zoning à bâtir ?

Dans le centre d'Arlon, la quiétude règne
Anne-CécilebHuwart. CC BY-NC-ND.

33 km séparent Arlon et Luxembourg-Ville où le salaire moyen s’élève à 3 000 euros, où un « 2 chambres » coûte près de 600 000 euros. Le chef-lieu de la province de Luxembourg héberge des milliers de navetteurs à moindre coût. Il attire aussi les investisseurs en quête de projets haut de gamme. Les Arlonais qui travaillent en Belgique déplorent la hausse de l’immobilier. Et les défenseurs de l’environnement dénoncent la perte de sites naturels au profit du béton.

Cité dortoir, antichambre du Grand-Duché, berceau de la Semois… Vu de Bruxelles, Arlon, c’est le point à l’extrême sud de la Belgique sur la carte de la météo. 200 km de route par la E411 ou 2h30 en train. A moins d’un Médor Tour, autant dire qu’on n’y va pas souvent… Et que pour les Arlonais, Bruxelles, c’est aussi un peu le bout du monde. Leur capitale à eux, c’est Luxembourg-Ville. Plus de la moitié des habitants d’Arlon (56,9 %) traverse chaque jour la frontière pour travailler au Grand-Duché où le salaire moyen net s’élève à 3 000 euros par mois, contre 1 900 euros en Belgique. Et où le PIB par habitant – 110 000 euros contre 48 000 en Belgique - n’est inférieur qu’à celui du Qatar.

Le chef-lieu de la province de Luxembourg est propre et cozy. Les maisons bourgeoises s’égrènent le long de rues sinueuses montant jusqu’à l’église Saint-Donat et les bâtiments de l’ancien couvent des capucins. Construit sur les restes du château comtal, le site fut fortifié par Vauban sur ordre de Louis XIV. Du haut de la colline, la vue porte sur des toitures en ardoise et au loin la campagne, ses champs puis ses forêts qui attirent les randonneurs et accueillent des parties de chasse.

Arlon
Construit sur les restes du château comtal, le site de l’église Saint-Donat et des bâtiments de l’ancien couvent des capucins fut fortifié par Vauban sur ordre de Louis XIV.
None. CC BY-NC-ND

Calme, paisible, proche de la nature. Voilà les premiers mots des Arlonais pour décrire leur cité. Les plus perfides diront qu’on s’y emmerde un peu… Pourtant, les restos et les bars sympas ne manquent pas dans le centre-ville. Le dimanche, c’est souvent calme. Très calme. De nombreux frontaliers rentrent sur leurs terres d’origine le week-end. On verra si ça se confirme lors du lancement de notre Médor Tour, où l’on convie tous les Arlonais qui veulent nous parler de leur ville, et, surtout, de l’hôpital, de l’immobilier, du logement, du vivre-ensemble et de cette fameuse zone à défendre qui a surgi à La Sablière.

« Les péteux »

Beaucoup le disent : on ne s’intègre pas si facilement dans cette ville bâtie dès l’époque romaine sur la Knippchen (petite colline). La mentalité y est plus germanique que latine. « Arlon, c’est la Lorraine, à ne surtout pas confondre avec la Gaume ou l’Ardenne ! », entend-on très souvent. Les clichés locaux présentent les Arlonais comme froids, hautains. « Pour moi qui viens de Messancy, à Arlon, ce sont des péteux », commente Noémie, 25 ans. D’autres diront qu’ici, on est moins superficiel qu’ailleurs et qu’une fois la confiance acquise, de vraies relations durables se tissent entre les personnes.

On s’ennuie donc, à Arlon ? Pas tant que ça, en fait. Si l’on se renseigne un peu, on découvre une foule d’activités organisées par la Ville, des privés ou des associations : la fête du Maitrank (boisson locale obtenue par la macération de vin de Moselle, d’aspérule, d’orange et de cognac, que cafés et particuliers fabriquent volontiers, en solo ou en groupe), le carnaval ou encore le festival des Aralunaires.

L’Association commerciale et industrielle d’Arlon (l’ACIA) se mobilise pour continuer à faire vivre les enseignes du centre qui peinent face à la multiplication des grandes surfaces et des centres commerciaux dans cette région transfrontalière, où la concertation entre pays n’existe pas. Difficile pour les boutiques arlonaises de rivaliser avec l’Auchan de Saint-Martin en France, le Cora à Messancy, la Cloche d’Or à Luxembourg ou encore l’Hydrion et ses 33 000 m2 de shopping aux portes de la ville (sortie 31 sur l’autoroute E411). Une ancienne arlonaise, montée à la capitale, glisse : « On vit dans les zonings commerciaux, à Arlon. Et ce n’est pas nouveau. »

Pourtant, le parking reste aisé dans le centre-ville… Si l’on accepte de ne pas se garer juste devant sa destination. Mais le stationnement constitue un enjeu important pour la majorité CDH-MR. Celle-ci pilote le réaménagement de la place Léopold – la plus vaste de la cité - en un espace polyvalent en surface, sur un parking de 200 places en sous-sol. Ce projet est contesté par l’opposition écologiste.

Roulement de tambour ! Les deux premiers sujets :

L’hôpital

L’intercommunale Vivalia veut restructurer le paysage hospitalier dans la province de Luxembourg : rassembler les hôpitaux d’Arlon, Libramont et Bastogne en un seul pôle situé à Houdemont, à 20 km d’Arlon. Un investissement de 267 millions d’euros, sans compter la construction d’accès routiers sur un terrain situé en pleine campagne. Plus d’urgences, de chimiothérapie ni de gériatrie à Arlon où l’hôpital serait réduit à l’état de clinique. Les édiles des communes du sud (Arlon, Messancy, Attert et Aubange) se sont fortement mobilisés pour conserver ces services, à coup de manifestations et de recours au Conseil d’Etat. Mais celui-ci a été rejeté le 17 octobre dernier, quelques heures après que l’assemblée générale des praticiens d’Arlon dise finalement « oui » au nouvel hôpital (188 voix contre, 201 pour et 4 abstentions).

L’immobilier

Pour les 30 000 habitants d’Arlon, et surtout pour ceux qui ne travaillent pas au Luxembourg, le logement constitue certainement le principal défi. Les prix de l’immobilier sont similaires à ceux pratiqués à Bruxelles : environ 250 000 euros pour un appartement 2 chambres en bon état, et minimum 800 euros pour le louer. Bien moins cher qu’au Grand-Duché où le prix au m2 peut atteindre les 10 000 euros ! De plus en plus de Luxembourgeois viennent d’ailleurs s’établir en Belgique. La tendance des prix n’est donc pas prête de s’inverser. La plupart des nouveaux projets tendent vers le haut de gamme.

La poule aux œufs d’or immobilière picore sans cesse plus de territoire, au grand dam des défenseurs de l’environnement. Elle tente de s’approprier des sites naturels comme celui d’une ancienne briqueterie où se dessine un projet de nouveau quartier. Un homme d’affaire luxembourgeois, Roby Schintgen, projette de transformer le parc du Château du Bois d’Arlon en parcours de golf de 18 trous, couplé à un complexe hôtelier-wellness. Et cet automne, des militants écologistes ont entrepris l’occupation de l’ancienne sablière de Schoppach pour s’opposer à sa transformation en zoning pour PME. Le collectif considère qu’il s’agit d’une ZAD (zone à défendre) et ont rebaptisé l’endroit « Zablière ».

Aubaine pour les uns, malédiction pour les autres, la frontière avec le Luxembourg divise plus que jamais les habitants d’Arlon.

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