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La N-VA et les extrémistes pro-israéliens

L’extrême politesse

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Melek Zertal. CC BY-NC-ND.

D’un député israélien prônant l’expulsion des Palestiniens de Gaza à un lobbyiste qui les compare à des cafards… des partisans de la ligne dure pro-israélienne ont été reçus, l’année dernière, au parlement fédéral belge. Ils ont été invités par Koen Metsu (N-VA), président de l’Union interparlementaire Belgique-Israël.

Immédiatement après l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 menée par le Hamas, le député israélien Ariel Kallner (Likoud) a explicitement appelé à un nettoyage ethnique à Gaza. « Éliminez l’ennemi maintenant. C’est notre Pearl Harbor. Nous n’avons désormais qu’un seul objectif : la Nakba ! Une Nakba qui éclipsera celle de 1948. »

Nakba est un terme arabe qui signifie « désastre » et fait référence aux 750 000 Palestiniens expulsés par l’armée israélienne avant et peu après la création de l’État d’Israël (en 1948, NDLR).

Sur X (anciennement Twitter), Boaz Bismuth, collègue de Kallner au sein du Likoud et ancien journaliste, a décrit les habitants de Gaza comme des « gens cruels et monstrueux » qui ne méritent aucune clémence. « Un quelconque geste humanitaire est hors de question : la mémoire d’Amalek doit être effacée », a-t-il écrit.

Par ces mots, Bismuth a plongé dans la mémoire des Amalécites, les ennemis jurés des israélites dans la Bible hébraïque, qui, selon la tradition, ont été exterminés.

L’Afrique du Sud a cité les publications de Kallner et Bismuth comme des exemples de la rhétorique génocidaire des politiciens israéliens dans sa requête contre Israël auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) (en décembre 2023, NDLR).

À l’automne 2023, le lobbyiste et colon israélien Arsen Ostrovsky a publié sur X une « caricature » dans laquelle un Palestinien – reconnaissable aux couleurs du drapeau palestinien – est représenté sous les traits d’un cafard sur le point d’être écrasé par la botte d’un soldat des Forces de défense israéliennes (FDI). Il accompagne cette image d’un seul mot d’approbation en anglais : This !

Outre leurs opinions extrémistes et ultrasionistes, Kallner, Bismuth et Ostrovsky partagent un autre point commun : en 2023, ils ont tous trois été invités au parlement fédéral par le député Koen Metsu (N-VA). En tant que président de la section Belgique-Israël de l’Union interparlementaire (UIP), Metsu a invité des politiciens et des experts encore plus controversés.

Relations amicales

Avec pas moins de cinq réunions organisées en 2023, la section Belgique-Israël était de loin la plus active des 71 sections qui composent l’UIP. Présidée auparavant par Jasper Pillen (Open Vld), cette section ne s’était pas réunie depuis mai 2021. Samuel Cogolati (Écolo), président de l’UIP Belgique, a confirmé que c’est le président de section d’un groupe de l’UIP qui détermine les personnes qu’il invite, de même que la fréquence des réunions.

En pratique, deux des cinq sessions de l’UIP Belgique-Israël consistaient en des réunions entre parlementaires belges et israéliens. Selon le règlement de l’UIP, ces rencontres permettent aux parlementaires belges d’établir des relations amicales avec des parlementaires d’autres pays afin de « mieux comprendre la situation dans ces pays ».

En début d’année, Ariel Kallner (Likoud) a participé à une réunion qui prônait l’annexion de Gaza par Israël et une prétendue émigration volontaire des habitants de Gaza. Pour ces sessions, Koen Metsu a invité au total six membres de la Knesset, le parlement israélien. Trois d’entre eux sont membres du Likoud, le parti du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. La position la plus radicale est celle du député d’extrême droite Kallner, qui était présent à la séance de l’UIP du 28 juin 2023. Lors d’une précédente réunion de l’UIP, le 26 janvier 2023, Boaz Bismuth, déjà cité, était présent ainsi que deux collègues et l’ambassadeur israélien Idit Rosenzweig Abu.

Les déclarations susmentionnées d’Ariel Kallner figurent non seulement dans l’acte d’accusation sud-africain devant la CIJ, mais ont suscité beaucoup d’émoi au niveau international, y compris au sein de la Chambre des représentants néerlandaise. Plusieurs responsables politiques néerlandais ont refusé de participer à une consultation en ligne avec Kallner, le 6 novembre 2023, parce qu’il avait appelé à des crimes punissables aux Pays-Bas.

Le 28 janvier de cette année, Ariel Kallner est apparu à une conférence avec notamment le ministre israélien de la Sécurité nationale d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, et le chef des colons, Yossi Dagan, lors de la « Conférence pour la victoire d’Israël » à Jérusalem. Cette réunion, que le journal israélien Haaretz (média de gauche dans une société très à droite, NDLR) a qualifiée « d’orgie de suprématie juive et d’euphorie antidémocratique », a appelé à une annexion israélienne de Gaza et à une prétendue émigration volontaire de ses habitants.

Ariel Kallner est toutefois considéré comme un partisan de la ligne dure depuis beaucoup plus longtemps. En mars 2023, bien avant sa venue Belgique, donc, il a été l’instigateur d’un projet de loi visant à assécher financièrement les organisations de défense des droits humains, comme B’Tselem, qui critiquent le gouvernement. La pression internationale a empêché la loi de se concrétiser.

Els Van Hoof (CD&V), présidente de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, a également assisté brièvement à la session de l’UIP avec Ariel Kallner. Selon elle, tant que les personnes invitées par un président de l’UIP sont autorisées à entrer sur le territoire belge, ces invitations ne peuvent pas vraiment être contestées.

Apache a également demandé à Koen Metsu si, après leurs déclarations, des responsables politiques comme Kallner et Bismuth étaient toujours les bienvenus dans « son » UIP. Contrairement à Els Van Hoof, le président de section n’a pas répondu à nos questions.

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Melek Zertal. CC BY-NC-ND

Lobbyiste raciste

Les experts invités par Koen Metsu sont au moins aussi extrémistes que les parlementaires. La session de mars 2023 avait déjà suscité l’indignation à l’époque, lorsque De Morgen a écrit que des personnalités extrémistes telles qu’Arsen Ostrovsky, l’auteur de la caricature du cafard, et Itai Reuveni (NGO Monitor) avaient été accueillies.

Arsen Ostrovsky et son organisation International Legal Forum légitiment l’occupation israélienne illégale de la Cisjordanie palestinienne, tandis que NGO Monitor cherche depuis des années à discréditer les organisations et les personnes qui critiquent Israël.

Autre hôte encombrant, le lobbyiste écossais Nigel Goodrich, des Belgian Friends of Israel (BFOI), a eu l’honneur de recevoir deux invitations à l’UIP de la part de Koen Metsu en 2023.

La réputation de Goodrich laisse pourtant à désirer. Après avoir fondé pas moins de sept organisations pro-israéliennes en Écosse, il est apparu en 2019 qu’il était actif dans le groupe Facebook raciste et acharné des Jewish Defence Forces.

Par conséquent, même la Confederation of Friends of Israel in Scotland a pris ses distances avec lui, tandis que Goodrich s’est installé en Belgique. À Bruxelles, il a fondé Belgian Friends of Israel (BFOI) avec Patricia Teitelbaum (sœur de la politicienne MR Viviane Teitelbaum).

Sur les réseaux sociaux, le BFOI mène l’offensive contre la ministre fédérale de la Coopération au développement Caroline Gennez (Vooruit) – étiquetée par le BFOI comme haïssant les Juifs –, contre sa prédécesseure Meryame Kitir (Vooruit), ainsi que des membres du parlement, des médias et des ONG qui dénoncent la politique d’Israël.

Goodrich et Teitelbaum coorganisent chaque année le festival Shalom (Festival de la paix) organisé par des chrétiens évangéliques sur la Groenplaats d’Anvers. Selon une publication récente, tous deux ont récemment démissionné du BFOI.

Ils restent cependant actifs au sein du Mouvement international pour la paix et la coexistence (IMPAC), par le biais duquel ils prétendent « bâtir des ponts entre des personnes de cultures différentes, dans la conviction que le dialogue est la base de la démocratie libérale ». L’IMPAC a également invité Ostrovsky (le dessinateur du cafard palestinien) en 2023.

Déséquilibre

Selon Els Van Hoof, députée CD&V, « les réunions de l’UIP ne sont pas des audiences publiques formelles, où des règles plus strictes sont d’application pour inviter des personnes extérieures ».

Par le passé, le même groupe de l’UIP semble avoir cherché à atteindre un certain équilibre. En 2015, par exemple, il y a eu un échange de vues sur une « coexistence pacifique et juste des deux pays », en référence à Israël et à la Palestine.

Du côté des parlementaires belges, les réunions du groupe UIP Belgique-Israël semblent avoir consisté en un rassemblement de membres N-VA pro-israéliens comme Kathleen Depoorter, Michael Freilich et Darya Safai. Les seuls non-membres de la N-VA qui ont fait leur apparition en 2023 ont été une fois Wouter De Vriendt (Groen) et deux fois Els Van Hoof (CD&V).

« Je suis convaincu qu’Israël fait tout ce qu’il peut pour épargner les civils innocents. » C’est ce que Koen Metsu a conclu fin novembre 2023, après une visite dans le sud d’Israël, un mois et demi après l’attaque du Hamas du 7 octobre qui a tué 1 200 Israéliens et étrangers.

Au moment où Metsu défendait Israël, la « pause humanitaire » qui avait commencé le 24 novembre arrivait à son terme. Avant cette pause, les attaques israéliennes avaient déjà tué environ 14 800 Palestiniens, dont 6 000 enfants.

Il a publié le rapport de sa visite sur le site Joods Actueel. Le maire d’Edegem y affirme également qu’Israël a toujours voulu tendre vers une solution à deux États, alors que « les Gazaouis » ne l’ont jamais soutenue. Dans cet article, Koen Metsu joue résolument la carte de l’anti-islam en se demandant pourquoi les Palestiniens qui n’éprouvent pas « une once d’amour, de respect ou de reconnaissance du droit d’Israël à exister » ne sont pas hébergés dans « d’autres pays musulmans ». Selon lui, « les petits du califat en Syrie » parmi les Palestiniens sont « encore plus extrêmes ».

Cette position très pro-israélienne est d’autant plus frappante qu’autrefois, Metsu s’est montré beaucoup plus critique à l’égard d’Israël. Son évolution est apparue clairement en mars 2024 lorsque Tijl De Bie, professeur à l’université de Gand, a rappelé à Metsu ses tweets d’il y a dix ans, à la suite de « l’Opération Bordure protectrice ».

Cette offensive menée en 2014 par le gouvernement de Netanyahou contre le Hamas dans la bande de Gaza avait fait plus de 2 000 morts, principalement des Palestiniens. Metsu avait alors qualifié Gaza de prison à ciel ouvert et avait soulevé la question de prendre des mesures économiques contre Israël. Un article sur cette attaque, intitulé Le drame de Gaza ne m’a pas laissé indifférent hier soir, a depuis été retiré de son site web.

Le Vlaams Belang ouvre la voie

En 2022, Metsu s’est fait montrer la Cisjordanie occupée par le chef des colons extrémistes Yossi Dagan. Après sa visite, Metsu l’a invité au Sénat. La présidente du Sénat, Stephanie D’Hose (Open Vld), a alors sanctionné Koen Metsu pour avoir reçu Dagan sans autorisation.

Dagan dirige le Conseil régional de Samarie, un gouvernement local des colonies israéliennes en Cisjordanie. En août 2023, Haaretz le décrivait comme un homme politique qui « tente de favoriser les liens entre Israël et les partis européens d’extrême droite pour les convaincre de soutenir les colonies israéliennes en Cisjordanie ».

Dagan a contribué à faciliter une rencontre en 2014 entre une délégation parlementaire du Vlaams Belang dirigée par Filip Dewinter et le vice-ministre de l’époque, Ofir Akunis (Likoud). Metsu a depuis remplacé les membres du Vlaams Belang dans le réseau de Dagan.

Ces dernières années, les députés N-VA Theo Francken et Darya Safai ainsi que la députée européenne Assita Kanko se sont également laissé entraîner dans les voyages proposés par l’organisation de lobbying Elnet. Pour l’instant, les parlementaires de la N-VA, contrairement aux membres du Vlaams Belang, n’ont pas réussi à se faire inviter officiellement dans un cabinet ministériel israélien.

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