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Nos pelles roulées

Alerte à la côte ! Nos célèbres pelles en fer rouges et bleues, fleuron de la marque belge Ideal, commenceraient à plier. On a creusé le sujet jusqu’au sable mouillé.

Ah le cri des mouettes, le bruit du ressac et le crissement des pelles Ideal sur les klinkers de la digue. « Quand j’étais petit, se souvient Patrick, un sexagénaire coxydois patron d’une boutique de plage, les enfants les traînaient déjà derrière eux parce qu’elles étaient trop lourdes. Un bruit infernal, surtout lors du concours annuel de châteaux de sable. Aujourd’hui, cette compétition perdure et, folklore oblige, on les oblige à les racler sur le sol ! »

Produite à la côte depuis les années 60, notamment par un certain Freddy Mollet, la marque belge Ideal est une success-story aussi endémique que les cuistax et les fleurs en papier crépon. Quel touriste du littoral ne connaît pas ces pelles rouges et bleues au logo illustré par un ket en slip de bain ? Des modèles vendus à partir de 8,5 euros, déclinés désormais en noir, orange, rose, pourpre ou vert – modernité oblige – et réputés incassables. « J’ai toujours celles de mon enfance dans ma cabine de plage !, sourit Dominique, 68 ans, de Saint-Idesbald. Elles sont rouillées, mais mes petites-filles les utilisent encore. » Des pelles tellement solides qu’on les employait même pour bêcher son jardin. Avec une capacité de production de 3 000 unités par jour, la firme Pieters Poedercoating, qui produit aujourd’hui ces pelles à Meulebeke (nord de Courtrai), en a écoulé jusqu’à 100 000 par an. Une pelle solide, efficace, démocratique. Indétrônable ? !

Si seulement… « Les chiffres ont baissé ces deux dernières années à cause de la pandémie », précise le fabricant. Quoi ? Le Covid aurait donc tué nos pelles nationales ?

Des jouets pourris !

Pour un détaillant de la marque, cette perte de vitesse serait bien antérieure à la crise sanitaire. « La qualité a baissé au fil des années. Le bout métallique a raccourci, s’est affiné. N’essayez plus de creuser votre pelouse avec ! » Sans parler de la concurrence. « Les modèles chinois en plastique low cost vendus par les commerçants pakistanais de la digue nous font beaucoup de tort », critique Patrick, dont la boutique est toujours tenue par sa mère de 95 ans. « Des jouets pourris ! », enfonce la doyenne des commerçants de Coxyde. Mais d’autres fabricants asiatiques, bien plus qualitatifs, commencent aussi à lui faire de l’ombre. Comme les pelles importées par la firme néerlandaise Summerplay.

De quoi enterrer la marque, présente aussi dans le nord de la France ? « Moi, je ne vends pas les pelles Ideal », nous dit un détaillant français de Bray-Dunes. À cause de la qualité ? « Non, parce que mon concurrent direct les vend ! » Ouf. Le mythe Ideal n’est donc pas mort. Et, carton ou pas, cet été, les grossistes conseillent de faire des stocks au plus vite. Le bois utilisé pour le manche provient en effet de… Russie.

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Islena Neira. CC BY-NC-ND
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