Le marronnier a craqué
Texte : L’équipe de Médor
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C’était le 3 mai dernier. La Journée de la liberté de la presse. Et la publication d’un énième marronnier pour journalistes (vous savez, ces événements récurrents que les médias couvrent à tous les coups) : le classement mondial de la liberté de la presse. Sauf que, cette année, le marronnier a craqué…
Un petit crac. Mais un crac quand même. La Belgique a perdu 12 places dans cette liste réalisée par Reporters sans frontières. Si la confiance et les garde-fous législatifs restent bons, « les journalistes belges subissent des violences de la part de la police et des manifestants lors de rassemblements, ainsi que des menaces en ligne fréquentes ciblant surtout les femmes ». L’Association des journalistes professionnels s’inquiète aussi d’une « situation préoccupante » : « Nous avons accompagné plusieurs plaintes contre X, pour des violences physiques ou des menaces, ou encore du cyberharcèlement. »
Partout en Europe, le même crac. Le dernier rapport de la plateforme du Conseil de l’Europe pour la sécurité des journalistes le montre : « Sur la carte de la liberté des médias en Europe, des voyants rouges clignotent. En 2021, 282 alertes concernant 35 pays ont été présentées à la Plateforme, soit une hausse de 41 % en un an. » Le monde a changé. Il s’est même littéralement transformé depuis le lancement de Médor en décembre 2015, juste avant les attentats de Bruxelles. Ce n’est plus une formule toute faite. Depuis deux ans, on s’est pris plusieurs coups de pelle sur la tête, de la pandémie à la guerre en Ukraine. Ces coups révèlent les fissures d’une société violemment inégalitaire. Qui engendre la brutalité, réduit les espaces de dialogue. Et bouscule les journalistes.
Comment Médor peut-il changer le monde aujourd’hui ? Comment déchiffrer des enjeux complexes, tout en traçant une voie plus solidaire ? Il y a sept ans, Médor s’est lancé avec un élan, une promesse : un média indépendant de tous pouvoirs, axé sur l’investigation et le récit, organisé sur le mode coopératif et qui prend le temps de creuser une route singulière dans le paysage médiatique belge. Quelque part entre le mainstream, l’audace et le punk. Si possible en se marrant.
Aujourd’hui, la coopérative Médor ouvre un chantier avec la SAW-B (Solidarité des Alternatives wallonnes et bruxelloises), un acteur clé de l’économie sociale, qui cherchera à évaluer de manière quantitative l’impact social de notre média. Dans cette vaste réflexion, nous nous tournons vers un corps hétéroclite : vous, les lectrices et lecteurs de Médor. Parce que, depuis l’origine, Médor se fonde aussi sur une approche collaborative. Parmi les outils de ce dialogue : un bon vieux questionnaire, auquel vous pouvez accéder en page 103. Après tout, pourquoi nous achetez-vous ? Qu’attendez-vous de nous, dans une société où les coups de knout, de pelle ou de bambou n’arrêtent plus de pleuvoir ? Comment peut-on promouvoir une plus grande justice sociale, dénoncer des abus de pouvoir(s) et en même temps donner des clés pour dessiner de nouveaux horizons ?
Pour avoir de l’impact, il faut du relais. Le même 3 mai, Médor a annoncé sa participation à un nouveau collectif : Kiosque. Un réseau d’entraide créé avec d’autres médias belges qui nous ressemblent. Leurs noms ? Alter Échos, axelle, Imagine, Le Ligueur, Tchak ! et Wilfried. Ensemble, nous convergeons sur ceci : « À travers une série d’actions communes, notre collectif Kiosque entend peser au sein de la société belge et utiliser sa dynamique solidaire pour faire entendre sa voix auprès du monde politique et dégager des scénarios économiques visant à préserver la liberté et la diversité de la presse. Il souhaite également enrichir le débat démocratique et, par ce biais, renforcer et restaurer la confiance qui lie citoyens, citoyennes et journalisme. »
Changer le monde, c’est d’abord le comprendre. Dans ce nouveau numéro de Médor, vous pourrez lire différentes approches d’une même réalité : celle de la puissance sourde de l’industrie pharmaceutique. Vous découvrirez comment la police banalise son recours à la force. Mais vous rencontrerez aussi le savant fou qui a influencé l’inventeur du Bitcoin. Et regarderez Bruxelles autrement, en « cartes », avant-goût d’une expérience inédite proposée sur notre site web. Repérez-y les espaces verts, croisez ces infos avec des données de santé et mesurez à quel point les inégalités s’auto-alimentent dans les quartiers précarisés.
On vous entend déjà. « Waw, merci, Médor. Avec vous, reste plus qu’à reprendre un petit médoc, pour oublier… » (mais pas de Valtran, puisque Pfizer l’a retiré, voir p. 40). D’accord, on lira attentivement ce que vous pensez de nous. Mais, quand un réfugié tourne fou dans notre pays, que l’anorexie guette des ados sur TikTok ou que nos mythiques pelles de plage se font démonter par des concurrents à bas prix, on fait quoi ? On creuse, pour mieux reconstruire le monde.
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medor.coop/bruxellesmalade
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