Un chien et des lettres

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Médor. CC BY-NC-SA.

Médor, c’est avant tout une histoire collective, un projet horizontal, à hiérarchie tournante, réalisé avec des logiciels et des collaborateurs libres. Vous avez aimé Médor ? En voici les cuisines.

La typo du printemps

Chez Médor, les fontes (c’est-à-dire les polices de caractères) utilisées dans le magazine ou sur le site, on ne les trouve pas dans le petit menu déroulant d’un logiciel produit en Californie. Non, on les chine dans des fonderies open source. Et, quand on ne trouve pas ce qu’on cherche, eh bien, on s’inspire de notre patrimoine typographique, on les (re)dessine à la main ou on les invente.

Rappelez-vous : la fonte de Médor (appelée Belgodor) utilisée pour le gros titre de notre couverture est une reprise des anciens caractères de la marque Côte d’Or, redessinés par nos soins et reversés ensuite dans une banque de caractères gratuite : osp.kitchen/foundry.

Dans ce numéro, page 100, vous trouvez dans le titre « Archive la révolution ! » une lettre « A » tout en volutes. Elle a été redessinée sur mesure par Marouchka Payen, graphiste chez Médor et typographe open source. Elle s’est inspirée de la police de caractères utilisée dans les années 1980 par la librairie Artemys (voir le carton de présentation), qu’a fondée la féministe Marian Lens, dont l’article dresse le portrait. « Je n’ai retrouvé nulle part ce set de caractères. Il a sans doute été dessiné spécialement pour Artemys. » Alors, notre typographe a fait une capture d’écran de la lettre, elle l’a imprimée en géant, l’a redessinée à la main puis sur Inkscape, un logiciel libre qui permet de dessiner en vectoriel. Une technique qu’elle avait déjà utilisée pour l’article « Le temps des Espagnols » (Médor n°20) avec une fonte tirée d’une bannière vue dans une photo d’un club Garcia Lorca.

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​Auteur inconnu. Tous droits réservés

Le reste de l’article sur Marian Lens utilise des fontes dessinées ou augmentées par Bye Bye Binary (voir plus loin) :

— le Josafronde, une fonte bruxelloise créée en 2017 pour la friche Josaphat et réutilisée depuis par le théâtre Atelier 210 ;

— la BNM Lunch, qui a été utilisée pour le Ballet national de Marseille et a été augmentée de glyphes inclusifs. Chaque lettre a plusieurs variations qui créent une sorte de mouvement, de façon aléatoire.

Pourquoi ces choix ? « Je trouvais intéressant de puiser dans des typos qui jouent sur les variations, pour illustrer un article consacré à une archiviste, dont le boulot est d’explorer la multiplicité des sources. »

Typographie inclusive

La grammaire inclusive – où le masculin ne « l’emporte » plus – est nécessaire pour corriger les effets désastreux de la masculinisation forcée de la langue, par l’Académie française, au XVIIe siècle. Mais il faut avouer que lire « les tronçonneurs/euses sont bruyant.e.s, iels nous cassent les couilles/ovaires/autres », ça fait mal aux yeux.

Face à ce casse-tête et après des débats sans fin sur « qu’est-ce qui fait mal aux yeux » ou pas, on a décidé d’opter pour ce qu’on aimait : l’esprit laboratoire. Et tout ça, avec des fanas du genre, la « collective Bye Bye Binary », une bande de typographes qui expérimentent de nouvelles manières de représenter la diversité dans la langue. Comment ? En réinventant des suffixes neutres « copines/copains > copaines » « bienvenus/ues > bienvenux), de nouveaux glyphes (caractères pouvant inclure les différentes variations de genres), des termes épicènes… Médor s’en inspire et s’autorise désormais à tester différentes formules. Dans nos pages, vous pourrez voir apparaître des points médians, des suffixes doubles, des mots inventés, des phrases retournées. Médor n’a pas peur de tester, de chercher et même de se planter.

Médor chez les jeunes

Après des mois de quarantaines et de télé-boulot, les fondateurices de Médor se sont réuni·e·s, comme à la belle époque, pour un week-end de travail (avec nuit sur lits superposés à l’auberge de jeunesse de Bruxelles). On y a vu un chien à cagoule et une belle occasion de se marrer. Bisous.

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