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Des scratchs qui scotchent

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Adrien Herda. CC BY-NC-ND.

Des platines et du mix en plein milieu du parc de Bruxelles ? Avec 150 artistes diffusés par mois et plus de 4 000 lives depuis sa création en 2017, la cabane de Kiosk Radio voit défiler toute la clique des DJ belges. Médor a rencontré ses cofondateurs pour faire le point sur cette scène musicale, 20 ans après le phénomène 2 Many DJ’s.

Promenade au parc de Bruxelles, vous appréciez le chant des oiseaux et… des chants de procession vaudoue ? C’est quoi, ce cirque ? Dans une cabine de 6 m² à peine, Tristan « XOGN » Cordier est en plein show. Déguisé aux couleurs de la musique africaine, ce DJ résident ambiance les passants venus se poser sous les arbres. Mais aussi les milliers d’auditeurs de « Kiosk Radio », une web­radio 100 % musicale, indé­pendante et non commerciale.

Plus tard dans la journée, c’est DJ soFa qui arrive, les bras chargés de 45 tours de reprises en « brusseleir » de morceaux archi­connus. Et ça continue comme ça jusqu’en soirée, tous les jours de l’année.

Cette programmation éclectique, opposée aux automatismes des ondes FM, est principalement signée Mickaël Bursztejn (le seul des quatre gérants à être rémunéré) et ne se ferme aucune porte : « On est ouvert à l’international, et on fait attention à la place des femmes. On peut aussi diffuser des artistes mainstream qui jouent dans des boîtes ou à Bozar, et parfois des stars comme 2 Many DJ’s. »

Inspirée du modèle new-yorkais de The Lot Radio, Kiosk incarne le bouillonnement des multiples pratiques de la scène DJ. La Belgique sait en créer depuis des décennies, notamment avec les « mégaclubs » des banlieues flamandes qui accueillaient 4 000 fêtards en même temps sur leurs pistes.

Bouillon de culture

Berceau de la musique électronique, comme l’atteste le documentaire The Sound of Belgium (Jozef Devillé, 2012), la Belgique a toujours été « une plaque tournante de la musique américaine et anglaise où les revendeurs trouvent des pépites, analyse Jim Becker, cofondateur de Kiosk. Mais on a aussi notre propre son, celui de la new beat, qui est née ici à la fin des années 1980. Assez lent, rattaché à l’underground, ce courant colle bien avec notre forte tradition du club. À part l’Angleterre, peu de territoires ont autant de discothèques aussi pointues que nous, avec un public avide de découvertes ».

À Kiosk, on ne cherche pas à faire danser à tout prix, assure Mickaël Bursztejn : « Les DJ mixent les morceaux qu’ils veulent, peu importe si c’est sombre ou bizarre. Certains ne savent même pas mixer, ils viennent juste passer des disques exotiques de leur collection. » La DJ belgo-zambienne « Mimi » pointe ce métissage des styles comme une spécificité de notre pays : « On constate une présence importante du mouvement “Global Club”, qui désigne les mélanges qu’opèrent les enfants de première ou deuxième génération d’immigrés entre la musique de leurs origines et celle d’Occident. » Le collectif « Lait de coco », dont elle fait partie, se nourrit des influences étrangères de ses membres pour les allier au son électro.

Euphorie déconfinée

Comme d’autres secteurs culturels, le milieu du « Djing » a subi la crise sanitaire de plein fouet.

La radio Kiosk a incarné une échappatoire malgré elle, selon Mickaël Bursztejn : « Par inadvertance, on s’est trouvé être un des premiers lieux où les jeunes pouvaient venir écouter de la musique, parce qu’on sied aux mesures Covid : plein air, places assises, boissons à emporter… » Au point que, lors du dimanche sans voitures du 20 septembre dernier, la fête devient « incontrôlable ». Vidéo sur les réseaux sociaux, gros titres dans les médias.

« On n’a pas organisé d’événement, mais il faisait beau et les gens se sont déplacés en masse pour écouter Lefto et Zwanguere Guy, deux artistes qui drainent les foules, raconte le cofondateur Thomas Kok. Comme on diffuse la musique à bas volume, le public s’est agglutiné autour de nos petits baffles. »

Au-delà des conséquences – l’incident a valu six jours de fermeture administrative à Kiosk –, cet enthousiasme témoigne d’une envie de se rassembler autour de la musique, que les artistes peinent à satisfaire, faute d’espaces. Face à l’inertie des grandes salles, qui attendent un feu vert des autorités, Mimi a cherché de nouvelles façons de partager ses sons, en s’écartant de l’aspect festif du métier : « Le confinement m’a fait réaliser que j’en avais marre de jouer pour des gens défoncés, de participer au business des clubs, qui repose sur la vente d’alcool. Maintenant, je crée des morceaux plus sensoriels qui incorporent des bruits de la nature que j’ai enregistrés en promenade. » Certains lieux bruxellois alternatifs, comme le VK Vaartkapoen ou le Decoratelier, lui ont emboîté le pas en adaptant leur programmation et leur espace. De son côté, Kiosk continue à bricoler pour exister, comme le résume Thomas Kok : « À peu près 80 % de nos revenus proviennent de l’achat de boissons à notre bar, qui tourne surtout pendant l’été. On touche 10 000 euros par an de la Ville, on négocie aussi pour des subsides de la Région. C’est bien, mais ça ne suffit pas : on survit grâce à la bière. »

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