Bien avant que la mort nous sépare
La Belgique figure parmi les champions mondiaux du divorce depuis plus d’une décennie. Vraiment ?
Le confinement aura nui gravement aux couples. En Chine, depuis la réouverture des services publics, les demandes de divorces pleuvent dans les provinces les plus touchées par la pandémie. En Belgique, on n’a pas attendu d’être claquemuré pour atteindre le top 10 mondial de divortialité, si l’on s’en réfère aux chiffres d’Eurostat. Notre royaume, où « l’union fait la force », aurait-il un problème avec l’engagement ? On compte entre 23 000 et 25 000 divorces par an sur la dernière décennie, soit, à la louche, un taux de plus de 40 % de désunions sur les 45 000 mariages annuels. Si on l’isole, la région de Bruxelles est même championne interplanétaire avec 5 379 divorces pour 3 997 mariages en 2018. Au niveau mondial, notre pays se dispute le podium avec le Portugal, la Finlande et le Luxembourg. Dans le bas du classement, on retrouve Chypre, la Corée du Sud et… le Vatican, où la législation interdit tout simplement le divorce. Pratique.
Plus que les mœurs volages des populations, ce classement refléterait-il la facilité légale à quitter l’être éternel devenu boulet quotidien ?
Huissier au tapis
En Belgique, la révision de la loi de 2007 a longtemps été avancée comme une des raisons de l’augmentation de ce taux olympique de divortialité. La législation a rendu le divorce juridiquement plus facile, mais surtout beaucoup plus rapide, enlevant le principe de responsabilité de la rupture, qui n’est depuis plus au centre de la procédure. Fini les huissiers tapis sous le lit extraconjugal ? Pour Laura Merla, sociologue de la famille à l’UCL, cette loi est en phase avec notre société : « On a en Belgique une approche assez libérale du couple et de la famille, et cela se traduit dans notre cadre législatif. »
Aujourd’hui, près de la moitié des couples optent pour le divorce par consentement mutuel. L’autre moitié des divorces, pour lesquels il est encore nécessaire de passer devant le juge, nécessite donc encore une cause. L’adultère reste la raison la plus évoquée, mais ne représente qu’à peine 2 % des cas. Difficile de parler d’une épidémie d’infidélités.
Mais notre record mondial tient en fait surtout à la manière dont on regarde les chiffres. Au niveau européen, la Belgique avec 2,1 divorces pour mille habitants est très proche du taux moyen européen. Notre « exception culturelle » apparaît seulement lorsque l’on met en rapport le nombre de divorces avec celui de mariages annuels (et pas le nombre des mariages annuels qui tournent mal). En Belgique, quand on célèbre 1 000 mariages, on valide en même temps 414 divorces ! Si l’on divorce toujours autant, le nombre de mariages, lui, a fondu ces 50 dernières années. Ce serait donc ça, le problème… On ne se marie pas assez en Belgique. Et vu les reports et annulations de mariages qui se sont accumulés depuis le confinement, on a toutes nos chances de figurer encore au Guinness Book l’an prochain.