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Entre vos mains

Lundi 22 février 2016, 2h28. Si tout va bien, dans dix-huit jours, Médor sera entre vos mains. La sortie du numéro un a été mythique, façon supplice de Tantale. Avec son action en justice, et avant qu’une juge ne nous donne finalement raison, Mithra a fait reculer sans cesse ce vers quoi nous tendions depuis trois ans : placer Médor entre vos mains.

Ce numéro deux, comme notre premier opus, est né d’un accouchement en pleine brousse sans péridurale. Chez Médor, il n’y a pas de rédac chef fixe, des parrains bienveillants collent aux basques de nos journalistes pour tirer leur travail par le haut, et on réalise la mise en pages comme si on créait, pour chaque article, une page web. C’est très ambitieux. Nous y reviendrons.

Le vendredi soir de ce week-end de bouclage à flux tendu, Umberto Eco est mort, lui l’adepte du « journalisme critique ». En mai dernier, l’érudit italien déclarait encore au Monde  : « Le journalisme doit contribuer à déjouer le règne du faux et de la manipulation. Ce doit être l’un de ses combats, comme celui de faire vivre l’esprit critique, loin du nivellement et de la standardisation de la pensée. » Cette vision, nous tentons modestement de l’incarner une fois encore, dans ce numéro deux.

Dans les pages qui suivent surgit une sorte d’angoisse verte. Un diagnostic sur des choix de société qui s’éloignent de tout modèle durable. Au niveau écologique, mais également éthique et financier. Cette angoisse, c’est celle que peut générer le discours de Marc Van Montagu, père des OGM, qui ne voit d’avenir pour l’humanité que dans l’essor des biotechnologies. Ou le comportement d’Electrabel, lorsqu’elle s’associe à un représentant notoire de la mafia sicilienne pour exploiter un parc de 36 éoliennes.

L’inquiétude se confirme dans notre BD, consacrée à cette tension croissante autour de l’accès à la terre, où les zonings industriels concurrencent les terrains agricoles. Sans parler des cadavres gavés de produits chimiques, qui ne se décomposent plus et polluent les sols…

Cette angoisse verte ressurgit également dans notre enquête « Le carnaval des multinationales », alors qu’on suit le parcours d’un pionnier du parti Écolo devenu corrupteur au Luxembourg, au service de l’industrie du ciment, parmi les plus polluantes de la planète.

« Déjouer le règne du faux et de la manipulation », comme disait Eco, nous tentons aussi de le faire dans l’enquête principale de ce numéro, « La maculée conception », qui ausculte l’intérêt croissant des couples belges infertiles pour les ovules des jeunes Espagnoles. Et l’énorme business qui est derrière.

La manipulation des esprits se retrouve au centre du procès de la filière Zerkani, qui devrait s’achever à la sortie de ce numéro. Khalid Zerkani et ses lieutenants sont accusés d’avoir envoyé 45 combattants au casse-pipe syrien. Parmi eux, trois terroristes morts lors des attentats de Paris. Mais aussi des jeunes un peu paumés, comme Sabri, un ketje de Vilvorde dont nous retraçons la radica­lisation.

À la première présentation du projet Médor, avant même qu’il ne soit né, un expert des médias nous a traités de fous. Une coopérative ? 3 800 abonnés ? Dans un secteur en pleine crise ? Jamais ! Avec aujourd’hui plus de 2 700 abonnés, quelque 700 coopérateurs et une distribution dans plus de 300 points de vente, un bout de chemin a été fait. On en est fiers.

Mais Médor est encore loin d’être un projet durable. Si nous avons pensé à rémunérer correctement le travail des journalistes, nous avons aussi largement sous-estimé le coût, en temps et en argent, de tâches cruciales comme le pilotage des numéros, leur mise en pages, l’illustration, l’administration ou la com. Rien que ça. Aujourd’hui, le soulagement de boucler est rongé par un sentiment d’épuisement, intenable à moyen terme.

Samedi 28 mai à Liège, Médor a rendez-vous avec tous ses coopérateurs pour un premier bilan. Lors de cette assemblée générale (AG), nos modes de fonctionnement atypiques seront rediscutés. Mais restera la conviction qu’un média d’enquêtes, humble et ambitieux, artisanal et professionnel, doit exister dans le paysage belge francophone.

À tous ceux qui souhaitent nous soutenir, comme lecteurs, coopérateurs ou bénévoles : venez ! Coopérateurs en ordre de paiement au 31 décembre 2015, participez à l’AG de Médor à 14h et votez. Simple lecteur ou juste curieux ? Rencontrez l’équipe après l’AG dès 19h autour d’un verre.

« Se recréer, pour recréer »

Fidèles à la devise de Jean-Claude Van Damme, nous avons pioché dans le patrimoine visuel du royaume pour mitonner ce numéro. Notre enquête « La maculée conception » a été illustrée par la dessinatrice belge Dina Kathelyn, « maman » de Marmouset. Thierry Jaspart, l’illustrateur du « Carnaval des multinationales », s’est quant à lui inspiré de la légendaire « ligne claire », remise au goût du jour numérique. Enfin, nous publions des photos totalement inédites de la Belgique rexiste avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, période taboue de l’Histoire que nous avons malicieusement choisi de coloriser.

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