Le carnaval des multinationales
D’Écolo à Holcim, itinéraire d’un  ;pragmatique
C’est l’histoire d’un incroyable retournement de veste. Celle d’un pionnier de l’écologie européenne reconverti en lobbyiste œuvrant pour la très polluante industrie du ciment. Celle d’un lampiste qui a distribué à des fonctionnaires, entre 1998 et 2008, près d’un million d’euros dans des enveloppes afin de leur soutirer des informations confidentielles pour ses clients industriels. Combien sont-ils, comme lui, dans l’ombre, au service des multinationales ?
Derrière quel masque se cache-t-il ? Celui d’un Sotê, nain légendaire à haut de forme taquinant les spectateurs avec ses longs bras ? D’un Cwapî, ce cordonnier rouquin au long tablier bleu qui ne cesse de mesurer les jambes des dames ? Ou d’un Long-né, au bonnet de meunier, sarrau bleu et pantalon blanc, qui singe les spectateurs jusqu’à ce qu’ils craquent et lui paient un coup ?
Ce samedi après-midi de février, dans la fraîcheur enjouée de la place Albert Ier, le carnaval de Malmedy peut enfin démarrer. Le bourgmestre a remis ses pouvoirs au Trouv’lê, costume rouge feu et haut de forme, désormais seul responsable, durant les quatre jours du Cwarmê, de cette commune francophone des Cantons de l’Est.
En cachant son identité derrière un masque, on peut prétendre être un autre l’espace du carnaval. Mais en cachant son identité derrière une société offshore, on peut louvoyer pendant des années dans le monde des affaires. L’homme que je cherche dans la foule malmédienne bigarrée s’est caché pendant dix ans derrière des masques offshore. Durant cette période, il a « noirci » de l’argent via un système que lui a vendu clé sur porte un avocat de Dilbeek bien sous tous rapports. Via le Luxembourg, la Suisse et les îles Vierges, ce montage lui a permis de distribuer, entre 1998 et 2008, près d’un million d’euros à des fonctionnaires afin de leur soutirer des renseignements stratégiques pour ses clients industriels. Sans laisser de traces. Ou presque.