Le making-of de notre enquête

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Les trois journalistes et le photographe qui vous proposent cette descente dans les tortueux territoires de la Vesdre et de la Dyle ont un lien fort avec eux. C’est aussi pour ça qu’ils ont choisi ce sujet. Ce qu’on apprend sur une rivière renforce la connaissance de l’autre. Voici notre lettre de motivation.

Emmeline Van den Bosch

Plus de deux ans après les inondations de l’été 2021, à Wavre, le souvenir de ce que j’ai vu reste gravé dans ma mémoire, très clair, comme si c’était hier. Dans la vallée, les riverains de la Dyle ont le même sentiment. Cette impression qu’à chaque orage, on l’a échappée belle. Que tôt ou tard, les eaux reviendront. Peut-être plus violentes encore. Qu’il faudrait vraiment faire quelque chose. Ils s’appellent Étienne, Stéphane, Ann-Laure, Sophie. Toutes et tous, à leur façon, s’efforcent de nager à contre-courant. Quand on les rencontre, happés par les mots qu’ils choisissent de placer sur ce qu’ils ont vécu, on a l’impression d’y être. Les pieds dans l’eau ou les pieds dans le béton, c’est selon. De plus en plus souvent, d’ailleurs, les deux se confondent. C’est à qui prendra le plus de place. Les enchères grimpent et, à la fin, c’est toujours le riverain qui trinque. Et nous, quelque part en bord de rivière ou entre les arbres, on écoute, on observe. Et on vous raconte.

Quentin Noirfalisse

J’habite sur les hauteurs de Verviers, dans les Hougnes, à un kilomètre de là où ça a salement débordé. Ma première réaction a été d’aider un ami, aux Surdents, un quartier très amoché. Puis, le lendemain, de continuer vers Pré-Javais, le cœur ouvrier historique de la ville. Le mazout se mélangeait à la boue. Les gens étaient dans le pétrin, mais il y avait aussi une énergie qui se dégageait des décombres. Déblayage pendant une bonne semaine, puis quelques autres semaines pour prendre la mesure de ce qu’il s’était passé. Avec un autre réalisateur de Verviers, on a commencé à prendre des images, trois ou quatre mois après la catastrophe. Plus tôt semblait ne pas être le bon moment. Est venue l’idée de coupler ce long processus documentaire (sortie en juin et septembre 2024 sur la RTBF) avec des articles, pour un angle davantage « enquête » mais aussi prospectif. J’ai la certitude qu’il faut continuer à raconter la vie de ce bout de territoire un peu oublié.

Philippe Engels

Après « l’inondation », je me suis rendu, la nuit, à Liège, Chaudfontaine, Pepinster. Le vacarme de l’eau, les maisons déchirées, les rescapés regroupés autour d’un feu, munis d’un gourdin pour chasser les pillards, ça m’a choqué. J’y suis retourné plusieurs fois. Je pense que maintenant encore, ailleurs en Wallonie ou à Bruxelles, on ne mesure pas l’ampleur exacte ni la profondeur du séisme. Une catastrophe, une tempête chasse l’autre sur nos (petits) écrans. Près de chez moi – j’habite à proximité d’affluents de la Dyle – il y a eu de gros dégâts. Il aurait pu y avoir des morts. Mais on préfère ne pas y penser. La Vesdre, l’Ourthe, c’est loin. Très vite, j’ai vu que rien ne changeait, que les promoteurs ou les développeurs immobiliers gardaient la main et saturaient de béton le bassin versant. J’ai créé un média éphémère – Nationale 4 – pour raconter ça. J’ai beaucoup marché, sur les pentes et dans le bas de vallée (et oui, ça descend, ici aussi). J’ai beaucoup appris sur le pouvoir de l’inertie.

Aurélien Goubau

En 2021, j’étais stagiaire photographe à La Libre Belgique et j’ai couvert les inondations, un sujet « d’actu chaude ». Mon rôle était de documenter « la catastrophe ». Après les événements, j’ai ressenti le besoin de poursuivre la documentation des rivières, mais sous un angle différent : la relation complexe que nous entretenons avec elles. C’est cette perspective qui m’a incité à rejoindre Philippe, Quentin et Emmeline dans le cadre de ce projet avec Médor. J’ai sillonné l’Ourthe, la Vesdre et la Dyle à la recherche de signes visuels révélateurs de cette relation. J’ai vu la Dyle presque submergée par des parkings en béton. J’ai aussi constaté, à Ottignies ou Wavre, ces sacs de sable sortis devant les maisons dès qu’il pleut. J’ai vu des habitants nettoyant les déchets qui flottent dans la rivière, ou encore des fresques colorées évoquant la présence fragile de la rivière dans la ville. Plus loin, à Leuven, j’ai photographié des parcs paisibles en bordure de la rivière. Là-bas, ils semblent contrôler les eaux.

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