Overdoses de désespoir

Enquête de l’ULB sur la pauvreté et les opioïdes (1/2)

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Cyril Elophe. Tous droits réservés.

La carte des shootés aux opioïdes réalisée par Médor donnait déjà le ton. Une étude menée en France par l’ULB confirme la double peine : la pauvreté pousse bien à la consommation d’opiacés.

Pauvre et addict, où est la logique ? Le travail de cartographie réalisé par Médor révélait déjà une corrélation entre précarité et consommation d’opioïdes (Tramadol, OxyContin,…) en Belgique. Simple coïncidence ou lien de causalité ? Et si les deux sont effectivement liés, est-ce la pauvreté qui entraîne la dépendance aux antalgiques opiacés, comme l’affirme la théorie américaine des « deaths of despair » (« morts de désespoir ») du Prix Nobel d’économie Angus Deaton, ou est-ce l’inverse ?

Pour la première fois en Europe, une étude économique et statistique menée par le centre de recherche ECARES (Solvay, ULB) s’est penchée sur la question. A partir des chiffres français de ventes d’opioïdes pour chaque département, les chercheurs belges ont tenté d’établir des liens entre la consommation légale d’opiacés et plusieurs indicateurs socio-économiques : le taux de pauvreté, de chômage, la densité de population ou le niveau d’éducation. Leurs conclusions confirment ce désespoir morbide. Comme aux États-Unis, le blues de la working class française booste la consommation effrénée d’opioïdes. Une augmentation de 1 % de pauvreté (par ex. de 8 à 9 %) se traduit par un accroissement des ventes de 10 %.


Vivre dans des conditions socio-économiques défavorisées induirait des sentiments tels que le détachement de la population active, l’isolement social, la dépression et la marginalisation, et inciterait les gens à consommer des opioïdes à la recherche d’un soulagement émotionnel.

Ces chiffres traduisent aussi les mots de Marie-Élisabeth Faymonville, la directrice du Centre de la douleur du CHU de Liège. « Certains patients qui se plaignent de douleurs physiques ont en réalité mal à leur travail. La plupart du temps, on confond douleur physique et souffrance. » Qu’en est-il des autres indicateurs socio-économiques ? Sans pour autant établir de causalité directe, ces chercheurs remarquent également des corrélations entre cette consommation et le niveau d’éducation, mais aussi la densité de population. Les personnes moins éduquées et résidant dans des zones reculées seraient plus vulnérables aux drogues de Morphée. Décryptage et interview croisée des chercheurs dans le prochain épisode.

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