Je me suis sentie illégitime dans une rédaction

Je ne suis pas “la plus à plaindre”. Je suis blanche, je suis diplômée. Je possède un logement et je m’offre même le luxe, depuis quelques mois, d’un bureau dans un coworking. Il m’est donc difficile de me reconnaître comme étant légitime pour une bourse qui vise à l’inclusion. Car, pendant longtemps, je me suis pensée incluse. Dans mon école, à l’université, sur les lieux de travail que j’ai fréquentés. Je crois que c’est dans une salle de rédaction que je me suis sentie, peut-être pour la première fois de façon aussi violente, non pas vraiment exclue, mais illégitime. Il est difficile de dire en quoi exactement. Mon attention dans le langage à féminiser, mon emploi du terme “féminicide”, mon désir de traiter un sujet sur les soutiens-gorges autrement que comme l’habituel marronnier de la Saint-Valentin, mes articles anglés sur le genre faisaient se lever des sourcils. C’est presque imperceptible un sourcil qui se soulève, mais ça se ressent à des mètres à la ronde et au plus profond de son être. Il m’a fallu du temps pour comprendre que le problème ne venait pas de moi, mais d’un contexte misogyne, homophobe, validiste, paternaliste et viriliste (les adjectifs ne sont pas employés à l’emporte-pièce). Entre-temps, je m’étais moi-même exclue en quittant cette rédaction. Je ne pouvais pas indéfiniment pousser les portes d’un univers professionnel auquel je ne parvenais pas à m’identifier. Entre femmes journalistes freelances, nous parvenons de plus en plus à trouver les espaces et les moyens de partager, entre nous, ces expériences qui, malheureusement, nous confortent dans la volonté de ne pas réintégrer les rédactions des médias (et donc, bien souvent, les médias eux-mêmes). La bourse de Médor est une manière d’encourager non seulement notre travail, mais plus encore les sujets, les angles et le regard que nous portons sur la société. Je ne revendique pas d’avoir un parcours particulier, mais j’ai appris à revendiquer le fait d’être une femme journaliste et, connaissant les statistiques, j’ai appris à dire que c’était en soi atypique et source de richesse. J’ai appris que les penseuses et penseurs auxquels je me réfère, les informations auxquelles j’accède, celles qui m’intéressent, ma manière d’interviewer ou de construire un sujet sont une source de richesse. J’ai appris que j’étais une journaliste géniale qui mérite d’écrire pour une revue géniale.

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