A La Louvière, le commerce c’est complexe (ou pas)

Le développement enfin de la Strada et la survie du centre-ville, on vous dit tout…

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Laurent Poma. CC BY-NC-ND.

Comment faire naitre des bouts de ville ? La question est d’actualité depuis… 11 ans à La Louvière. Un cas d’école. Les relations entre la Ville (PS) et le promoteur Wilhelm ont été exécrables. Une convention confidentielle de juin 2018 est supposée clarifier les rôles. Et aider le quartier La Strada à sortir de terre. Voici le regard subjectif d’une décennie gâchée.

Non, c’est non. La Ville ne veut pas en débattre. De quoi ? De La Strada. De 16 hectares, 600 appartements, 25 000 mètres carrés de commerce, 8 salles de cinéma, de l’horeca. De ce dossier le plus important pour le développement de la cité. Pourtant d’ici trois jours, nous allons en débattre. Avec ou sans la ville qui refuse de nous parler.

Ce mardi 1er octobre, Médor a confondu 11 et 10 heures (mea culpa), foiré un RDV avec monsieur Pascal Leroy (PS), l’Echevin du Centre-Ville. Il va le payer cher… Y-a-t-il moyen de se rattraper dans les prochains jours, même tard, même tôt ? Non. Par téléphone ? Non. Allez, à peine une demi heure ? Non. Monsieur Leroy est très occupé. Un autre contact de la Ville, votre chef cab’? Silence radio. Courage fuyons. « La consigne a été donnée de ne pas parler à Médor », dit-on à l’hôtel de ville… Alors passons au bourgmestre ? C’est non. Même pas le président de la CCAT ? « Je n’ai rien à vous dire ». Voilà pourquoi vous ne trouverez dans cet article la position des Ecolos, du MR, du PTB, du cdH, et du promoteur Wilhelm. Mais pas du parti qui a la main sur le dossier, le Parti socialiste.
La Strada, c’est le développement d’un quartier sur une friche en centre-ville. La promesse est alléchante : des commerces (mais pas trop), des logements, un pôle divertissement avec un cinéma. Le partenaire est solide. Il arbore sur sa carte de visite Médiacité à Liège, L’Esplanade à Louvain-La-Neuve, c’est lui. Mais ce n’est pas un philanthrope. Et ce partenariat privé-public en cours depuis… 2008 est compliqué.

Pause : Médor vous résume dans cet encadré la compréhension de dizaines d’heures de discussions avec des interlocuteurs de premier plan sur le sujet…

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Le plan le plus récent de La Strada
None. Tous droits réservés

Depuis 2013 et le refus d’urbanisme de la Ville pour le projet Strada, les relations entre l’entrepreneur Wilhelm & Co et la Ville se sont dégradées, pour devenir déplorables, frôler le procès. A ce rythme là, La Strada ne sera pas un clou dans le cercueil de la ville, mais les quatre planches et les chrysanthèmes livrées en bonus. Alors la Ville se veut discrète sur le sujet. Aussi discrète que la braderie du centre-ville quand Médor débarque ce dimanche 6 octobre. Traverser les graillons du quai de la gare du Centre, monter la rue Sylvain Guyaux, croiser une tonnelle blanche aussi seule qu’un fan de Trump à un colloque du GIEC. Il y a la pluie, le trottoir, et c’est tout.

Le centre-ville se meurt-il à La Louvière ? A entendre Michel Bury, représentant des commerçants du centre-ville, les chiffres d’affaires des commerces sont en chute depuis des années et le centre est en souffrance : « en 2015, nous avions 25 % de cellules vides. »

Cette morosité attise la crainte des commerçants : l’émergence de la Strada va vider un centre-ville déjà éprouvé. Crainte justifiée ? Totalement répond Antoine Hermans (PTB) qui réclame la fin du projet et un parc de logements à la place : « Il y a une contradiction entre les intérêts de chacun. Les intérêts du centre-ville et de La Strada, les intérêts publics et privés ». Pas du tout avance Olivier Destrebecq (MR) qui parie sur un redéploiement économique. Le cdH est également favorable au projet Strada et Nancy Castillo, échevine logement Ecolo dans la majorité, se veut pragmatique : « Il faut que quelque chose émerge, c’est une entrée de ville, c’est essentiel pour La Louvière. Dire que la ville n’en veut pas, c’est faux. »

Pourtant, il y a de quoi avoir un doute : refus du projet en 2013, autorisation d’une extension du Cora à un kilomètre et dernièrement (juillet 2019), la venue d’un complexe cinématographique à 500 mètres de la Strada (Médor reviendra sur la comédie des cinémas à La Louvière dans son prochain article). C’est bien la peine de réfléchir la ville, son centre, de commander des d’études si c’est pour aboutir à deux projets de complexes cinématographiques dans une ville de 80 000 habitants qui possède déjà un cinéma de sept salle dans son centre (le Stuart) !
Ces atermoiements ont débouché depuis 2016 sur de grosses engueulades à coup d’avocats. La Louvière a envoyé un PV de carence à l’entrepreneur Wilhelm&Co. Soit le constat de manquement à ses tâches dans le chef. Autant dire une déclaration de guerre (que Médor vous racontera plus tard, promis). Deux ans plus tard arrivera l’enterrement de la hache de guerre : un accord confidentiel entre la Ville et l’entrepreneur pour recadrer le projet vieux de 11 ans… Accord qui était une condition sine qua non pour que la construction de logements y démarre (ce qui a été fait cette année).


Et qu’y lit-on dans cette convention ? D’abord un risque certes hypothétique, mais pas impossible, d’une catastrophe financière pour la Ville, déjà sous tutelle.
Ensuite beaucoup de méfiance avant tout entre les deux partenaires.
Avec des clauses comme ça :

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Extrait de la convention confidentielle signée entre la Ville et l’entrepreneur Wilhelm, en juillet 2018
None. CC BY-NC-ND

ou des attentions comme ça :

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Extrait de la convention confidentielle signée entre la Ville et l’entrepreneur Wilhelm, en juillet 2018
None. CC BY-NC-ND

Et enfin, point intéressant, le soucis de prendre en compte l’hypercentre (il y a donc un hypercentre à La Louvière…)

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Extrait de la convention confidentielle signée entre la Ville et l’entrepreneur Wilhelm, en juillet 2018
None. CC BY-NC-ND

Redynamisation ? Organisation de nouvelles activités attractives ? Comment ? Une cellule spécifique va encourager les synergies commerciales entre cet hypercentre et la Strada. En place depuis fin 2018, elle est composée d’asbl de la Ville et de… Michel Bury pour les commerçants. Que représente ce conseiller communal (ex MR, aujourd’hui apparenté socialiste pour la répartition au sein des intercommunales) qui n’est plus commerçant ? La moitié des commerces avance l’intéressé. « Trente commerces » estime Olivier Destrebecq, chef de file MR. Et qu’est-il sorti de ce « groupe moteur » après un an de fonctionnement ? Les commerçants du centre pourront-ils espérer trouver un réconfort, un espoir auprès des mesures prises par ce « groupe moteur » ? Médor invite la Ville ou tout autre participant à ce groupe à répondre à ces questions via ce mail
Depuis cette convention, tous les mois, un groupe autodésigné « G9 » (de l’article 9 de la convention qui définit la composition du groupe) réunit le bourgmestre, son chef de cabinet, la directrice du cadre de vie, le directeur général de l’administration, Wilhelm&Co et les avocats liés aux parties. Les réunions se dérouleraient dans un climat enfin apaisé.

Du moins jusqu’à ce que Imagix dépose son projet de complexe cinématographique à deux pas de la Strada. Mais rassurez-moi, quand même pas avec la complicité de la ville ? ? ?

Lire demain matin (mercredi 9 octobre, 10h30) : « Cinéma, cinémaaaaaaaa ! »

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