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De belles ordures

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Plus les filières de recyclage et de récupération se développent, plus nos déchets prennent de la valeur… Les vols dans les parcs à conteneurs augmentent, du fait de bandes organisées ou de personnes sans ressources. Mais, au fond, à qui profitent nos déchets ?

Huit vols par jour en moyenne : telle serait la situation à laquelle sont confrontés les parcs à conteneurs. Entre janvier et août de cette année, l’Intercommunale de déchets dans la région de Charleroi (ICDI) a comptabilisé 13,5 millions de tonnes de déchets dérobés et chiffre le montant de cette perte à 3 000 euros. Les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), les métaux et les papiers et cartons, figurent dans le top 3 des matières convoitées.

La presse fait régulièrement état de ces vols dans les parcs à conteneurs et des sanctions sévères qui peuvent en découler : un voleur, surpris en 2016 à Amay, a écopé d’une peine de cinq mois de prison et de 600 euros d’amende. Interpellé début octobre 2017 par la police alors qu’il s’échappait du parc à conteneurs d’Esneux (province de Liège), un homme suspecté de vol avait expliqué qu’il y était contraint pour nourrir sa famille. Son arrestation générait un flot d’indignations sur les réseaux sociaux : plutôt que des amendes et peines de prison, ne serait-il pas plus intelligent de recourir à l’économie circulaire pour y intégrer les personnes en situation précaire ?

« Le secteur est en pleine expansion, et le métier de valoriste offre des emplois à des personnes très éloignées du marché du travail », explique Tanguy Ewbank, chargé de mission au sein de Ressources, la Fédération francophone d’entreprises actives dans la récupération, la réutilisation et la valorisation des déchets. En 2015, Ressources a fourni de l’emploi à 5 400 personnes, soit près de 2 800 équivalents temps pleins, dont 41 % sont contractuels, 30 % concernent des personnes en transition professionnelle (articles 60 et apprenants) et 29 % impliquent des volontaires actifs dans un projet de cohésion sociale.

Mais l’accès à ces emplois se fait via le dispositif Article 60 des CPAS (contrat entre le CPAS et le bénéficiaire) et, le budget de ces derniers étant limité, tous les candidats ne peuvent en profiter.

Autre obstacle : le secteur de la récupération n’est pas aujourd’hui suffisamment développé pour pouvoir accueillir davantage de stagiaires… À l’heure où les objets inutilisés reprennent de la valeur, l’enjeu est pour la filière de se développer en Wallonie, en particulier dans les campagnes. On y dépose davantage d’objets encore valables dans les parcs à conteneurs qu’en ville. Bien qu’il existe sept ressourceries dans les gran­des communes wallonnes et 60 entreprises actives dans ce secteur en Wallonie, nombre de citoyens ne connaissent pas la différence entre la filière de recyclage et celle de récupération.

Recyclage ou récup

Or capter ces objets avant qu’ils n’arrivent dans les parcs à conteneurs est capital. Lorsqu’ils débarquent dans les recyparcs, ils sont définitivement considérés comme des déchets et destinés exclusivement au recyclage. Bien qu’il arrive que, çà et là, un particulier ou un valoriste parviennent à négocier un accord pour récupérer l’un ou l’autre objet, la règle généralement appliquée dans les parcs à conteneurs est l’interdiction de toute récupération. Pourquoi ? « Pour des questions de sécurité », répond Jean-Jacques De Paoli, chargé de communication au sein d’Intradel, l’intercommunale qui gère les recyparcs des 72 communes wallonnes. Mais aussi pour des raisons financières : si Intradel facture ses services aux communes, ce qui représente environ 1,20 euro par habitant et par semaine, soit 62,4 euros annuels par citoyen, son objectif est de maintenir ce prix bas, obtenu grâ­ce au recyclage ou à la valorisation sous forme d’énergie de 96 % des déchets. Alors que la tonne de papier se négocie autour de 130 euros et que le cours mo­yen des métaux se situe autour de 185 euros par tonne, « toutes les fluctuations du marché peuvent fragiliser ce modèle économique, raison pour laquelle nous sommes at­tentifs aux vols », poursuit De Paoli.

Ces vols alimentent aussi une véritable mafia qui, pour réaliser des profits illégaux, déverse d’importantes quantités de DEEE en Afrique de l’Ouest et en Chine. Ces déchets sont démantelés, souvent par des enfants, dans des conditions sanitaires catastrophiques, comme l’a démontré le Centre de recherches pour le développement international (IDRC). Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), en 2015, le trafic de déchets à travers le monde a généré quelque 17 milliards d’euros de bénéfices… De quoi regarder autrement les objets qu’on s’apprête à balancer à la poubelle, et tenter d’acquérir toujours davantage le réflexe de la récupération !

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