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Edmond Leburton. Le sale Wallon

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Fanny Monier. CC BY-NC-ND.

Copinage, affairisme, dédain flamand. Edmond Leburton, Premier ministre, s’est fait descendre en janvier 1974. Ce pays est sans pitié.

En Belgique, on achève bien les gouvernements. Attention, chute de ministres. L’accueil des migrants rejeté par la N-VA en décembre dernier, privant Charles Michel de sa bûche de Noël. Le poulet à la dioxine qui a fait rôtir Jean-Luc Dehaene en 1999. Pour le pauvre Edmond Leburton, le petit tour de carrousel de 1973. Dire que les socialistes wallons attendaient ça depuis la Révolution de 1830 – un Premier ministre vêtu de rouge et parlant la langue de Tchantchès ! Affairisme à Liège, manque d’énergie, bronca flamande : le poulain du PS résista quelques mois à peine. Charles Michel aurait dû relire ses classiques. Il aurait pu anticiper sa destinée de leader francophone très (trop ?) exposé au vent du Nord.

Dans le cas du bourgmestre de Waremme Leburton, les étoiles étaient alignées. Ça ne pouvait que foirer. En janvier 1973, il prend la tête d’une coalition à trois familles politiques, six partis et 36 ministres – « les 36 chandelles » qui ne s’allument jamais ensemble. À peine lancé, déjà ingouvernable. Une rengaine. Crise pétrolière, dette, grèves et manifestations saluent son arrivée. Vu la première réforme de l’État si pénible à concrétiser, toute la décennie sera instable. C’est un peu dingue, chez nous.

Croyant se poser sur du velours, Edmond Leburton freine le régionalisme en vigueur à l’époque, ce qui agace au sein même du Parti socialiste. Au passage, il nie la boulimie flamande d’autonomie et, là-bas, on déteste ça. « C’était un belgicain, mais qui ne parlait pas flamand », précise le politologue de l’Université de Liège Pierre Verjans. « On se souvient d’une expression qu’il avait utilisée à l’époque – J’en ai marre du CVP, l’ancien nom du CD&V. Ça ne facilite pas la collaboration. » Face à lui, les chrétiens-démocrates flamands, les durs à cuire de l’époque. Comme la N-VA aujourd’hui.

Dès avril 1973 éclate une première affaire de corruption à la RTT, ex-Belgacom, menant à la démission de deux ministres, wallons et socialistes eux aussi. Ensuite, celui qu’on surnomme le « Grand Chef Blanc » entretient des liens sulfureux avec des dictateurs comme Mobutu ou le Shah d’Iran. De tels rapprochements sont « moins des proximités politiques que des opportunités économiques », avance Catherine Lanneau, docteure en histoire à l’ULg. Pour relancer l’économie wallonne, Leburton concrétise un projet de raffinerie de pétrole en région liégeoise. Il fait appel à une société belgo-iranienne (Ibramco), dont le conseil d’administration est « purement » socialiste et liégeois. Un truc pas net, comme Nethys, aujourd’hui. Ça devient rapidement un scandale national, creuse encore les tensions communautaires et lasse les Iraniens, qui se retirent de l’accord. Leburton chancelait, il tombe. Impuissant, laminé.

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