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« Je suis inquiet, les réseaux criminels ont pris la place »
L’interview de Jean-Claude Delepière

La fraude sociale est « très sournoise », selon Jean-Claude Delepière, ancien responsable de la lutte anti-blanchiment. On s’y accoutume, on l’accepte. Mais ce type de délinquance est intrinsèquement liée au trafic de drogue ou d’êtres humains. « La loi du milieu s’impose. » Interview cash.
Médor : La fraude sociale organisée a-t-elle tendance à déboucher sur d’autres formes de criminalité, réputées plus graves ?
Jean-Claude Delepière : Oui. L’exploitation de main-d’œuvre génère du profit et là où il y en a, il se trouve en général des entrepreneurs pour le maximiser. A ce stade de travail au noir, on est en quelque sorte dans la pré-délinquance. Il se crée de petites sociétés paravents, des hommes de paille entrent dans le système. Suit alors une phase courante de diversification. Souvent dans l’immobilier, comme vos articles sur le secteur du nettoyage industriel le montrent. D’un côté, il y a des opérateurs économiques qui cherchent donc du cash pour payer au noir. De l’autre, il y en a qui veulent blanchir l’argent de trafics illicites. Celui de la drogue, par exemple. On peut dire que ces deux milieux ont une tendance naturelle à se rejoindre. Ensemble, ils vont trouver des solutions pour falsifier des factures, produire des justificatifs, créer des preuves de paiement. C’est comme des cellules cancéreuses. Si on n’agit pas, la maladie se développe.
La Belgique est repérée comme un pays-carrefour, où tout est possible ?
C’est exact. Avant tout investissement, des firmes étrangères veulent savoir si elles disposeront d’une sécurité juridique dans leur pays d’accueil. Chez nous, la lenteur des tribunaux fait craindre qu’un quelconque conflit commercial s’éternisera. Les charges sociales sont perçues comme très élevées. A l’inverse, les trafiquants de toutes sortes – d’armes, de drogue ou d’êtres humains – ont saisi qu’il …