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Luc Couvreur : un généraliste « à l’ancienne », toujours au boulot

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Médor documente la vie et le travail des soignants belges. Chaque semaine, durant l’été, nous publierons de nouveaux portraits de ceux d’entre eux qui ont succombé au Covid-19. Aujourd’hui, Luc Couvreur, médecin de "l’ancienne génération", celle qui travaillait en solo, toujours disponible pour les patients et sans envie de prendre sa retraite.

Métier  : médecin généraliste

Passions  : jardinage, golf, cyclisme

Lieu de travail  : Lendelede, Flandre Occidentale

Jour du décès  : 20 avril 2020

Âge  : 74 ans

Ils formaient une bande de huit amis. Mêmes profils, parcours similaires. Huit médecins généralistes de la région de Roulers, en Flandre Occidentale, soudés depuis une trentaine d’années.

«  Nous appartenons à l’ancienne génération : celle des médecins généralistes qui travaillent en solo toute leur carrière ou presque ; qui sont toujours disponibles pour les patients ; dont les épouses sont mères au foyer et gèrent les questions pratiques du quotidien. C’était le style d’antan, reconnaît Luc De Keyser, l’un des huit. Un mode de fonctionnement qui n’existe plus aujourd’hui. »

Le premier décès au sein de cette bande d’amis et de confrères remonte au 1er décembre 2015. Patrik Roelandt, 64 ans, fut poignardé par l’un de ses patients.

Le second décès est celui de Luc Couvreur. Premier médecin généraliste décédé du Covid-19, il est parti le 20 avril 2020. «  Et maintenant, nous ne sommes plus que six », constate douloureusement Luc De Keyser.

Luc Couvreur avait 74 ans, il était le plus âgé du groupe. «  Calme  », «  encourageant  », et «  doux  », d’après le texte d’hommage publié par l’Ordre provincial des médecins de Flandre Occidentale, «  vous pouviez discuter, réfléchir et débattre avec lui de toutes sortes de sujets  ». «  Toujours tiré à quatre épingles, comme un gentleman anglais. Il avait aussi beaucoup d’humour. Il était volontiers taquin, mais jamais blessant  », soulignait encore Luc De Keyser, toujours lui, à Medi-Sphere cette fois, un groupe de presse médical.

« On a d’abord pensé qu’il s’agissait d’une grippe »

Amis de longue date, les huit, puis sept, amis et médecins se rassemblaient quatre ou cinq fois par an. Entre les rencontres, les confrères s’écrivaient des emails. «  On s’est écrit dès le début de la crise Covid, reprend Luc De Keyser. On n’était pas à l’aise… On a d’abord pensé qu’il s’agissait d’une grippe, maladie qu’on connaît bien, elle. Puis un jour, Luc nous a envoyé un message : “Boum, je suis infecté !” Aucun de nous ne pensait que ça se passerait comme cela.  »

Luc Couvreur s’est d’abord senti «  fort fatigué  ». Le 21 mars, il effectue un test Covid-19, dont le résultat est positif. «  Il avait alors déjà arrêté de prendre des patients  », indique Luc De Keyser. Après quelques jours de repos à son domicile, son état de santé ne s’améliore pas. Grietje Devulder, son épouse, également positive au Coronavirus, se sent elle aussi de moins en moins bien. Le couple entre à l’hôpital AZ Delta de Roulers.

«  Ma belle-mère était dans le plus mauvais état, mais elle a fini par s’en sortir, alors que la situation s’est empirée pour mon père  », expliquait en avril Mikaël Couvreur (46 ans) au quotidien De Standaard. Luc Couvreur est transféré aux soins intensifs. Quelques jours plus tard, il sera plongé dans un coma artificiel, dans lequel il restera deux semaines, jusqu’à son décès le 20 avril.

Les six amis et confrères n’ont pas eu l’occasion de voir Luc Couvreur, ni avant ni pendant son hospitalisation. Ils n’ont pu se rendre à ses funérailles, limitées à un nombre restreint d’individus. Et comme pour beaucoup d’autres cas Covid-19, ils n’ont pas d’explication quant aux circonstances de la contamination. «  Depuis un an, il ne travaillait plus qu’un jour par semaine. Mais comment il a attrapé le virus ? On n’en sait rien  », répond Luc De Keyser.

Le Covid, dix jours avant la pension

Par ailleurs, Luc Couvreur n’est pas le seul membre de ce groupe d’amis à avoir contracté le Coronavirus. Des six autres, trois ont également été testés positivement, mais pour ces derniers, un repos de deux à trois semaines fut suffisant. Ils retravaillent déjà tous les six.

Luc Couvreur était un médecin en bonne santé. Pas de maladie connue, une bonne condition physique, beaucoup de jardinage, des parties de golf – sport qu’il pratiquait depuis plusieurs années. «  Il était légèrement plus âgé que nous, mais lorsqu’on faisait un tour en vélo, il n’était pas à la traîne !  », se rappelle Luc De Keyser.

Après cinquante ans de carrière, parmi lesquels deux années dans un hôpital algérien, une expérience au sein de l’équivalent néerlandophone de l’ONE (Kind en Gezin) et la présidence d’une antenne locale de la Croix Rouge, Luc Couvreur avait donc décidé de lever le pied. Depuis le 1er janvier 2019, il n’accueillait sa patientèle qu’un jour par semaine à son cabinet de Lendelede (une dizaine de kilomètres au sud de Roulers).

«  Vous savez, pour nous, médecins généralistes, c’est difficile d’arrêter totalement…  », indique Luc De Keyser. Début 2019, Luc Couvreur s’était donc planifié quinze mois de réduction progressive de travail, pour atteindre la pension en douceur – la pension, la vraie, le repos, la fin d’une carrière, enfin. Cette nouvelle page devait commencer le 31 mars 2020. Dix jours seulement après son test positif au Coronavirus.

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