Il ne fait que ce qui lui plaît

Dylan a un « trouble du comportement »

A l’école, Dylan veut jouer. Apprendre, ça ne l’intéresse pas. Logopédie, psychomot, patience infinie : toutes les pistes existantes ont été explorées. Désormais, c’est une école spécialisée qui va prendre le relais.

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Comment tu te vois quand tu seras grand ? Les élèves de l’école des Fleuristes (centre pédagogique de Vlaesendael) à Bruxelles, enseignement spécialisé de type 1 et 8, ont accepté de répondre en dessin à cette question. Nous reproduisons leurs œuvres dans cette série d’articles.
Les élèves de l’école des Fleuristes. Tous droits réservés

Vous avez fait la connaissance de Dylan dans l’épisode 1 (à lire avant celui-ci). Ses parents se demandaient si leur éducation trop permissive était à l’origine de ses blocages face aux apprentissages scolaires et au langage.

Dylan est en troisième maternelle à l’école de la Bassée (Roux). Pour la directrice, Sabine Devergnies, l’absence de cadre dans les familles retarde certainement l’acquisition de compétences scolaires.

« Un petit enfant qui n’a pas encore connu de limites, dans l’espace, dans ses actions, il doit d’abord grandir, prendre ses repères dans le monde de l’école, avant d’être prêt pour les apprentissages. »

Elle insiste : l’école doit tenir compte de la réalité de ces élèves, qui n’ont plus la même éducation ni les mêmes besoins qu’autrefois. « Est-ce qu’un enfant doit vraiment rester assis sur sa chaise du matin au soir ? Non. Il y a toute une série de choses que nous avons dû adapter pour permettre aux enfants du XXIe siècle de trouver leur place dans l’école. »

Les instits composent aussi avec la kyrielle de troubles (de l’apprentissage, du langage, de la personnalité, de l’attention ou du comportement) qui se sont invités dans toutes les classes de cette génération. « Dans l’école, admet Sabine Devergnies, on a tous les “dys“ possibles et imaginables (dyslexiques, dyscalculiques, dyorthographiques…), en plus de tous les TDA (troubles de l’attention). » A cela s’ajoutent les nombreux élèves qui ont manifestement des difficultés mais qui ne sont pas ne sont pas suivis, et donc ni diagnostiqués ni accompagnés par des professionnels, et pour lesquels l’école doit bricoler des solutions.

Cette volonté de s’adapter aux difficultés des enfants a, toutefois, des limites. « Nous devons aussi être honnêtes envers les parents : quand nous ne pouvons plus rien faire pour que leur enfant évolue, il faut passer le relais. »

Ils donnent l’alerte

Nancy et Stéphane, les parents de Dylan, sont lucides sur les difficultés scolaires de leur fils :

« Quand Madame fait des ateliers, si elle est près de lui, il essaie. Mais ils sont 25 en classe et elle ne peut pas toujours rester à côté de lui. Donc si elle fait un atelier lecture, à un moment, il s’isole et joue dans un coin avec ses petites voitures. Il ne perturbe pas. Mais il ne veut pas. Donc il ne fait pas. »

Quand Dylan était en deuxième maternelle, ses parents ont donné l’alerte auprès de l’école. Non pas qu’ils projettent sur lui des rôles de premier de classe. Mais s’il n’apprend rien, ils veulent pouvoir l’aider avant que le retard ne s’aggrave.

Le Centre psycho-médico-social (CPMS) attaché à l’école de Dylan a ouvert un dossier à son nom.

« Hypothèses diagnostiques »

Le CPMS intervient pour un enfant en difficulté lorsque l’école ou les parents s’inquiètent mais uniquement si ces derniers sont demandeurs – ce qui n’est pas toujours le cas. Sa mission est d’explorer toutes les pistes possibles, au sein de l’école ou en dehors.

Dylan a ainsi été orienté, dans un premier temps, vers une psychomotricienne relationnelle et une logopède. « Il y va une fois par semaine, depuis un an et demi, explique Nancy. On a vu une belle évolution. Il commence à développer son langage mais pas suffisamment pour entrer en 1ère primaire. A l’école, il ne veut pas faire les exercices. »

Le CPMS peut encore réaliser des bilans psycho-affectifs et émettre des « hypothèses diagnostiques ». Celles-ci devront être ensuite confirmées par un neuropédiatre ou pédopsychiatre.

Un an pour un rdv

Dans le cas de Dylan, c’est pas gagné : impossible de lui faire passer des tests, puisqu’il ne tient pas en place, et avoir une place chez un neuropédiatre de la région demande jusqu’à un an d’attente.

« On a rendez-vous en octobre », se désole Nancy, qui a pourtant appelé à l’automne dernier. Nous sommes en mai. La rentrée des classes a lieu fin août. La décision sur l’avenir scolaire de Dylan doit donc se prendre avant cette visite médicale.

Le CPMS suggère de l’orienter vers l’enseignement spécialisé. Sophie Piret, directrice du CPMS de la Province de Hainaut, insiste : dans ses services, une telle décision n’est jamais prise à la légère.

« S’il y a une orientation, c’est qu’on a épuisé tout ce qui était possible, en interne ou en externe (à l’école, NDLR), et qu’on est convaincu que ça apportera une plus-value à l’élève. Et ce, sans avoir non plus une vision magique de l’enseignement spécialisé. »

Sa réaction s’inscrit dans un contexte où des voix se font régulièrement entendre pour dénoncer les orientations « abusives » au sein de notre enseignement. La société de consultance Mc Kinsey, dans son rapport confidentiel remis à la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2015, faisait d’ailleurs état d’observations inquiétantes :

- « Certains enseignants perçoivent une orientation vers l’enseignement spécialisé comme un moyen de se “débarrasser” de certains enfants présentant un comportement difficile au sein d’une classe. »

- « Certains parents, en particulier issus de milieux défavorisés, n’osent pas s’opposer à l’avis d’“experts”, tels que les enseignants et les agents CPMS quand ceux-ci émettent un avis en faveur d’une orientation de leur enfant vers l’enseignement spécialisé. »

- « Les avantages financiers liés l’inscription dans l’enseignement spécialisé (p.ex. gratuité du transport scolaire, allocations familiales majorées) peuvent inciter certains parents à inscrire leurs enfants dans l’enseignement spécialisé. »

L’Avis n°1 du « Pacte d’excellence » rappelle, quant à lui, que la mission de l’enseignement spécialisé « ne consiste pas à “regrouper” les plus défavorisés culturellement, n’affichant aucun autre besoin spécifique qui ne pourrait être pris en charge par l’enseignement ordinaire ».

« Troubles du comportement »

- Stéphane : « On essaie de trouver une solution pour son bien-être, c’est tout.

- Nancy : « Moi j’avais quand même peur… »

- Stéphane : « Qu’il ne puisse pas réintégrer l’enseignement ordinaire. »

- Nancy : « Oui. C’est ça. Je me suis tout de suite assurée qu’on puisse le remettre en ordinaire. On m’a bien dit : Il faut un document pour entrer dans le spécialisé mais il n’en faut pas pour en sortir. »

Après avoir été rassurés sur les possibilités de retour dans l’ordinaire (ils seront peut-être un peu moins rassurés après avoir lu notre article dans le Médor n°29…), Nancy et Stéphane sont convaincus que l’enseignement spécialisé est une bonne option. Dylan apprend mieux quand on est près de lui. Or, les classes sont beaucoup plus petites et les apprentissages plus individualisés dans l’enseignement spécialisé.

Quelle serait donc l’indication ? Vers quel type orienter Dylan ? Pour rappel, il n’a a priori aucune déficience intellectuelle ni aucun handicap.

Le CPMS suggère le type 3 pour des « troubles du comportement ». L’appellation est suffisamment vague pour englober différents problèmes.

Pour Sophie Piret (CPMS), il faut de toute façon se garder de poser des diagnostics définitifs chez des enfants de 4-5 ans. « Nous préférons nous centrer sur les besoins, les ressources et les difficultés de l’élève pour trouver le projet qui va l’aider à grandir. »

4 heures de bus par jour

Nancy et Stéphane prennent donc rendez-vous à l’école Bois Marcelle de Marcinelle, qui prend en charge les « types 3 ». Ils y inscrivent Dylan pour la rentrée scolaire.

Le petit semble content en visitant sa nouvelle école. Tout le monde est convaincu que c’est le meilleur choix pour lui, même s’il ne sera plus dans son école de quartier avec ses frères et sœurs et qu’il devra passer 4 heures par jour dans le bus.

Mais quelque chose chiffonne quand même Nancy. « La psychomot m’a dit que le type 3 n’était pas adapté pour Dylan. Ce serait plutôt le type 8 (troubles de l’apprentissage). » Elle craint, surtout, que les problèmes de comportement des autres élèves ne déteignent sur Dylan.

Et si on s’était trompé ? Le rapport établi par Mc Kinsey (2015) pointait des faiblesses dans les processus d’orientation vers le spécialisé : résultat, 17 % des élèves doivent changer de type endéans les trois ans.

Dans l’épisode 3, le Dr Véronique Delvenne nous dira tout le mal qu’elle pense de ces orientations précoces pour des « troubles du comportement » qui ne reposent sur aucun diagnostic médical. Et qui touchent, surtout, les enfants de familles précaires.

Lundi 5 décembre à 12h à La Casserole (Namur), venez discuter avec Céline Gautier, l’autrice de cet article. Ce moment d’échanges, intitulé "Nos bébés méritent l’attention des politiques" ouvrira nos Pop Up de décembre. Plus d’infos ici.

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Avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles

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