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À l’Union Saint-Gilloise, l’échevin qui cache ses revenus

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Colin Delfosse. CC BY-NC-ND.

Des retraits bancaires peu transparents, des notes de consultance secrètes : l’échevin molenbeekois Abdellah Achaoui (PS) gère un subside régional controversé de 200 000 euros à l’Union Saint-Gilloise. Un subside autour duquel le club de football entretient le flou. Où part l’argent ? Une première tranche arrive sur le compte de l’Ecole des jeunes, le 28 novembre dernier, et, le lendemain, l’échevin Achaoui en retire plus de 2 500 euros à un distributeur de billets.

L’Union a fait match nul face à Lommel, ce dimanche. Les espoirs de montée en Division 1 s’amenuisent pour ce club de foot mythique, 11 fois champion de Belgique, il y a… plus de 80 ans. L’Union Saint-Gilloise a été rachetée en 2018 par des investisseurs ambitieux, les Anglais du Brighton & Hove Albion Football Club. Les jaunes et bleus vivent actuellement une phase de transition. Comment garder une âme de club populaire, ancré dans un quartier riche sur le plan multiculturel, tout en aspirant à l’élite ? C’est presque l’Union-qui-sourit-à-nouveau. Les fans sont chauds, l’intérêt médiatique grimpe chaque année. Le matricule 10 (à l’Union belge de football) dispose d’un vivier de jeunes joueurs bien formés.

Et pourtant, il y a un souci à l’horizon. Le petit caillou dans la chaussure à crampons. L’Ecole des jeunes de l’Union, constituée sous forme d’asbl, vit de sourdes tensions depuis plusieurs mois. Un homme concentre sur lui de nombreuses critiques. Il s’appelle Abdellah Achaoui. Ce socialiste de 54 ans, né à Tanger, en congé politique d’un mandat de directeur à la coopération chez Vivaqua, l’intercommunale bruxelloise de distribution des eaux, occupe le poste de deuxième échevin à Molenbeek, en charge notamment de la Mobilité, de l’Energie et de l’Environnement.

En août 2019, l’échevin Achaoui a soudain pris un pouvoir important au sein de la structure de formation de l’Union, club professionnel de Division 1B (l’ancienne D2). Il a été nommé président et administrateur délégué de l’Ecole des jeunes (500 affiliés et un budget annuel de 350 000 euros). Il en est aussi le trésorier faisant fonction et le principal responsable sportif.

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Durant l’été 2019 (acte publié au Moniteur, le 13 septembre), l’échevin Abdellah Achaoui se hisse à la présidence de l’Ecole des jeunes de l’Union, dont il est aussi l’administrateur délégué, le gestionnaire financier et le patron sportif. Un cumul étonnant.

Médor l’a rencontré il y a dix jours, le vendredi 17 janvier. Quand il nous ouvre la porte de son petit bureau de la rue Joseph Bens (Uccle), à côté des terrains d’entrainement du même nom, Abdellah Achaoui met fin à un suspense d’une bonne heure. Il nous a fait patienter, il a semblé gagner du temps. Comme pour éviter de devoir répondre aux questions.

«  On lui téléphone souvent là-bas lorsqu’on le cherche, dit-on à la commune de Molenbeek. Il est tout de même bourgmestre faisant fonction quand Catherine Moureaux doit s’absenter.  » Beaucoup de connaisseurs l’ignorent encore : les comptes de l’Ecole des jeunes viennent d’être crédités d’un montant de 160 000 euros. La première tranche d’un subside régional de 200 000 euros, affecté au développement de l’image de Bruxelles. «  Ce subside de 200 000 euros, dit Abdellah (Abdel) Achaoui, l’Union le doit à son renouveau. Je me suis battu pour l’avoir. Nous le méritons suite à nos bons résultats en D1B.  »

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En annonçant l’an passé à la direction de l’Union qu’elle recevra 200 000 euros pour la saison 2019-2020, la Région bruxelloise a clairement précisé que l’argent doit être dépensé pour la formation des jeunes.

Réactions épidermiques

En moins d’un semestre, l’échevin et manager Abdel Achaoui a provoqué la même réaction épidermique qu’au Brussels, club de football dont il avait été écarté après quelques mois, en décembre 2013 : plaintes pour non-paiement des entraineurs, suspicion de harcèlement, favoritisme.

L’échevin Achaoui a ramené beaucoup de copains formateurs à l’Union, renvoyé des fidèles du club, exercé son management de manière autoritaire et, certes, tenté de remettre de la discipline. Les courriers lus par Médor et échangés au sein du club démontrent cet accès de nervosité ainsi qu’une tendance à monter les gens les uns contre les autres.

Nous interrogeons l’échevin Achaoui sur sa rémunération pour les fonctions qu’il assume au sein de l’Union Saint-Gilloise. «  Rien, dit-il, juste les frais de déplacement.  » Les statuts de l’asbl sont clairs, du reste. Tout administrateur est là à titre bénévole. Seraient-ce alors les Anglais de Brighton et la structure professionnelle du club, constituée sous forme de société coopérative, qui le récompensent pour sa disponibilité ? «  Rien, je vous dis. Rien !  »

L’échevin molenbeekois oublie qu’il reçoit en vérité près de 2 000 euros mensuels pour ses prestations à l’Union Saint-Gilloise. Médor en détient la preuve. Abdel Achaoui est payé par les deux structures, l’école des jeunes et la structure pro. Il a créé une société en personne physique pour cela et il facture ses conseils au nom d’une Nour Consulting inconnue au Moniteur.

«  Pourquoi ne vous dit-il pas la vérité ? Il faut tirer cela au clair  », commente le bourgmestre de Saint-Gilles et président d’honneur de l’Union, Charles Picqué, juste avant une réunion de crise annoncée ce lundi 27 janvier.

D’autres bizarreries accentuent les tensions internes. Après les matchs de jeunes, le boss reprendrait avec lui la caisse bleue des entrées payées par les parents.

Enfin, divers retraits bancaires opérés par Abdellah Achaoui ont aussi de quoi intriguer. Au distributeur de l’agence Belfius de la « barrière » de Saint-Gilles, Achaoui a retiré quelque 6 500 euros, le 8 novembre 2019. Il a utilisé pour cela la carte de l’asbl Ecole des jeunes.

En quelques minutes, le vendredi 29 novembre, Achaoui, dont la fonction d’échevin dans une commune de plus de 80 000 habitants correspond à un temps plein rémunéré à 4 255 euros net le mois, est reparti avec un peu plus de 2 500 euros d’argent cash, cueilli en six opérations. Aucune justification n’accompagne ces retraits. Or, la veille, le 28 novembre, l’asbl Ecole des jeunes de l’Union Saint-Gilloise avait touché la première tranche du subside régional de 200 000 euros annuels (160 000 euros).

Embarras côté direction

Quel usage a été fait de cet argent ? S’agit-il de constituer un fond de caisse pour la vente des tickets lors des matchs de l’équipe pro (deux jours après, l’Union rencontre le Beerschot) ? Du côté de la direction de l’Union, on cache mal son embarras. Les réponses sont évasives. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’argent public, destiné à la formation des jeunes.

Les courriers lus par Médor prouvent que, l’an passé, la Région bruxelloise s’est montrée embarrassée par le paiement annuel de ce subside de 200 000 euros. Jusque-là, l’argent était versé à la structure professionnelle (la coopérative). La Région finançait donc une structure privée, requinquée par les livres britanniques et cédée à un milliardaire fan de poker, l’homme d’affaires Tony Bloom. En plein « Footgate » et vu l’affaire du Samusocial, cela faisait tâche. D’où la décision d’enfin verser l’argent au bon endroit : en direct auprès de l’asbl Ecole des jeunes.

Le RWDM, l’Union et Anderlecht

L’origine de ce subside régional qui appuie d’autres clubs bruxellois date de 2006 et relève d’un deal politique entre personnalités publiques fans de foot et soucieuses de cultiver leur propre image. Autour de la table se seraient retrouvés le libéral flamand Guy Vanhengel (supporter d’Anderlecht) ainsi que les socialistes Philippe Moureaux (maïeur à Molenbeek) et Charles Picqué (bourgmestre de Saint-Gilles et président d’honneur de l’Union).

La troïka, comme on dit dans le milieu. A l’époque, Emir Kir avait encore la cote : il était ministre des Sports. Ces fonds publics à des clubs privés ont été répartis au prorata des succès sportifs. Ils relèvent d’un programme d’un million d’euros annuels, à l’origine, censé redorer l’image de Bruxelles en encadrant la formation des jeunes joueurs.

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Au centre d’entrainement du « Bens », à Uccle, un lundi soir. On y prône un football indirect, comme au « Barça ».
Colin Delfosse. CC BY-NC-ND

Pour cette saison, le RWDM (qui a succédé au Brussels) a reçu 100 000 euros, le Sporting d’Anderlecht en a touché 400 000. Combien d’argent est-il arrivé à destination sur les terrains d’entrainement, ces quinze dernières années ? A Molenbeek, la justice suspecte toujours l’ancien président Johan Vermeersch d’avoir investi le magot dans son « propre » business immobilier.

Au Sporting d’Anderlecht, lourdement endetté, harassé par le scandale des agents de joueurs trop gourmands et ayant récemment fermé le centre de foot pour tous qu’il avait délocalisé au Heysel, il y a d’autres urgences qu’à tracer le subside.

Chez les jaunes et bleus de l’Union Saint-Gilloise, les justifications de dépenses avancées par les dirigeants successifs prêtent à sourire : «  Vous savez, la formation des jeunes, cela coûte cher. Je ne peux vous répondre avec précision  », dit l’un d’entre eux. «  Je ne sais pas. Demandez à un tel  », ajoute un autre. La bonhommie unioniste. La Région, elle, s’est contentée de ces approximations.

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